Transcription de l'épisode : "Zalihata Ahamada Lafeuille, Retour d’expérience d’un parcours atypique dans les métiers de la tech"
Terry : Salut Zalihata !
Zalihata : Salut Terry !
Terry : Merci de prendre du temps aujourd'hui. Donc aujourd'hui c'est un épisode un peu particulier par rapport à ceux que j'ai pu faire dans le passé sur le podcast et que je vais faire aussi évidemment dans le futur. Là on va faire un épisode très axé sur plus du développement personnel, du retour d'expérience mais dans le monde de la tech au travers de ton parcours à toi puisqu'on sait que le monde de la tech c'est un monde dans lequel les choses évoluent très vite. Et du coup, parfois d'un point de vue professionnel, ça peut être un peu compliqué de savoir comment naviguer dans ce milieu-là. Et toi, tu as un parcours que je trouve hyper riche, hyper intéressant parce que tu viens de la tech, ensuite tu es sorti de la tech, tu es revenu dans la tech, donc tu vas nous partager tout ça, les apprentissages pour que ça puisse aussi, on l'espère, éclairer d'autres personnes qui pourraient se poser des questions dans cet écosystème. Et avant du coup de rentrer dans le vif du sujet, je te propose tout d'abord de te présenter.
Zalihata : Ça marche. Donc je suis Zalihata Ahamada Lafeuille, puisque je suis mariée depuis 5 ans. Donc je suis ma française, je suis née en banlieue parisienne et j'ai un parcours qu'on a qualifié longtemps d'atypique, mais maintenant les gens le qualifient un peu moins d'atypique parce que je pense qu'il y a pas mal de gens qui ont des parcours divers et variés, surtout dans la tech. Donc j'ai pas vraiment commencé dans la tech, en fait j'ai commencé dans les métiers du service, donc d'abord à Disneyland Paris pendant assez longtemps, en intérim et puis après en CDD, le soir et le week-end. En fait, j'ai beaucoup aimé les métiers du service parce que j'aime bien rendre service aux gens. J'aimais bien aussi cet endroit, le lieu en lui-même, le fait d'être en backstage, les déguisements, les enfants, etc. Tout ça, ça me plaisait beaucoup. Mais ce n'est pas forcément une carrière qu'on peut faire. Donc, j'ai arrêté mes études assez tôt, juste après le bac. En fait, j'ai entamé des études à la fac et puis après, Après, j'ai décidé d'entrer dans le monde du travail parce que je pensais avoir besoin d'argent et d'indépendance. Et donc, j'ai travaillé à Disneyland Paris quelques temps. Puis après, je suis rentrée dans le groupe Yves Rocher. Et là, ce n'était pas non plus de la tech, mais c'est assez intéressant parce qu'en fait, finalement, c'est une expérience assez fondamentale pour moi parce que c'était un call center. Alors, j'avais fait d'autres choses avant. J'avais fait d'autres call centers et puis des enquêtes par téléphone, des choses qui me font sourire un peu, parce qu'il y avait des choses parfois un peu farfelues, mais c'était intéressant. Et ce qui est intéressant avec cette expérience chez Yves Rocher, ou plutôt chez Dr Pierre Rico, qui est une filiale d'Yves Rocher, c'est que c'était déjà assez moderne en termes de modalité de travail. C'est-à-dire que j'avais des collègues qui travaillaient en télétravail, puisqu'on servait la France, la Belgique, la Suisse, donc il y avait des gens qui parlaient français, anglais, allemand. Moi je parlais très rarement allemand, même si j'ai étudié l'allemand mais j'étais pas assez bonne pour ça. Donc il y avait des personnes en télétravail et on avait aussi ce qu'on appelait l'annualisation du temps de travail. Donc des fois je travaillais 20 heures et puis des fois je travaillais 42 heures. Et donc j'étais déjà sur un mode de travail finalement qui me correspond assez bien, quelque chose qui te permet de t'adapter et qui est assez mouvant. Et donc maintenant que j'y pense en fait, quand on pense en termes de développement professionnel, je pense que c'est quelque chose d'assez fondamental dans la façon dont je vois mon développement professionnel, parce que moi j'ai toujours eu besoin de flexibilité. Et c'est vrai que cette première expérience qui a duré deux ans, ça me donnait déjà pas mal de flexibilité en fait. Voilà, donc j'ai appris plein de choses aussi à vendre alors que je me maquillais pas du tout à l'époque. Donc c'était vraiment vendre un produit, aider les gens et des méthodes, on va dire, par rapport à ça et puis des outils aussi. Donc j'ai toujours aimé apprendre à utiliser de nouveaux outils et c'est là que j'ai commencé à utiliser ces outils de CRM, on va dire, et puis à devenir assez forte là-dedans. Quand on sort après le bac et qu'on travaille tout de suite, en fait, on ne sait pas dans quoi on est bon. Moi, je savais que j'avais très bien parlé anglais, que j'aimais les langues, que j'aimais les gens, que j'aimais le service. Mais avant ça, je ne savais pas que j'aimais les outils. Donc, c'est là où j'ai commencé, en fait, à travailler avec les outils. Et puis, au bout de deux ans, j'ai eu envie d'évoluer. Il n'y avait pas non plus beaucoup de perspectives d'évolution pour moi, donc sans mon diplôme. Et donc, j'ai voulu rentrer chez France Télécom à l'époque. J'ai eu la chance de pouvoir rentrer chez France Télécom. très contente de cette expérience qui a duré quasiment 20 ans, même s'il y a eu une pause dedans, enfin 21 ans avec une pause dedans.
Terry : Donc là c'est quelle année à peu près où tu rentres chez...
Zalihata : Je suis rentrée chez France Télécom en 2000, donc en mars 2000, et en fait j'ai commencé par faire de l'administration des ventes avec toujours un côté outil assez fort puisqu'on vendait des accès à DSL à l'époque. C'était une sorte de start-up qui avait été rachetée par France Télécom et qui était absorbée par Transpac. Donc Transpac c'est ceux qui ont inventé le Minitel, voilà. Et donc c'était déjà aussi un choc de culture, c'est-à-dire que J'étais dans une entreprise, je venais de rentrer, mais on faisait des horaires pas possibles, on s'adaptait à tout, les clients pouvaient nous demander ce qu'ils voulaient, on s'adaptait à tout. On était une équipe très petite pour servir beaucoup de clients, puisqu'il y a eu l'explosion d'Internet, et donc un rythme effréné. Et en rentrant dans cette organisation qui était Transpa, qui était beaucoup plus structurée, beaucoup plus processée, ça m'a appris aussi à travailler d'une autre manière, donc à intégrer des process, à utiliser beaucoup d'outils, puisque à l'époque, je ne sais pas si c'est toujours le cas, mais à l'époque et pendant longtemps, France Télécom Orange, c'était le premier SI de France, parce qu'en fait, en interne, il y a énormément d'applications. Et assez rapidement aussi, dans ce poste-là, je suis devenue formatrice, donc aussi bien sur les outils que sur les process, donc les process d'administration des ventes, de gestion des réclamations, etc. Donc des belles expériences parce qu'en fait, notre équipe étant toute petite, on a dû déployer ou décentraliser notre activité dans toute la France, donc dans les agences entreprises France Télécom. Et donc ça m'a permis de commencer déjà à voyager, à former des gens qui étaient beaucoup plus âgés que moi. Donc ça, c'était aussi quelque chose qui m'a construite. Et puis la formation, ça revient aussi dans ma carrière. Et puis donc j'ai fait ça pendant quelques années, mais ce qui me manquait c'était le côté international. Donc j'avais toujours cette passion de l'anglais. J'avais repris mes études par correspondance pour faire une licence d'anglais. Et donc je voulais absolument un poste où je pouvais parler anglais. Donc j'ai décidé de changer en interne, et c'est ça aussi la force d'Orange France Télécom, c'est que c'était une entreprise où il y avait beaucoup de fonctionnaires, donc ils étaient un peu obligés de s'adapter, puisqu'on ne pouvait pas virer les gens, donc il fallait bien les faire évoluer avec les technologies qui évoluaient. Et je pense que c'est aussi une des choses qui a fait que je suis rentrée dans ce groupe-là, parce qu'il y a vraiment des perspectives d'évolution, des façons de se former en interne, beaucoup de formations. soit par des collègues, soit par... Il y a des équipes formations en interne qui construisent des parcours. Et ces parcours-là, en fait, peuvent être faits avec des grandes écoles, avec un certain nombre de partenaires, on va dire. Et donc, c'est des formations qui sont en général assez structurées et solides. Donc, ça m'a permis d'apprendre beaucoup de choses. Voilà, des choses comme la voix sur IP, comment fonctionne l'Internet ou l'intranet des entreprises. Tout ce qui est structure, j'ai pu apprendre tout ça grâce à Orange. Aujourd'hui, je pense que c'est des choses que je n'ai pas apprises à l'école, mais ça m'a permis de me rendre compte que j'aimais bien la tech. Ce n'était pas seulement le fait d'aller chez France Télécom parce qu'il y avait une ouverture possible sur une carrière, mais aussi parce que c'était une entreprise qui C'est une entreprise où il y a beaucoup d'ingénieurs et il y a beaucoup d'innovation. C'est aussi quelque chose qui m'a construite. J'ai continué ensuite chez France Télécom, côté international carriers. International carriers, c'est les personnes qui s'occupent de tous les réseaux internationaux qu'il y a sur la voie ou le mobile. C'est vraiment des choses très structurelles. C'est les canaux souterrains, sous-marins, etc. Pareil, ça m'a beaucoup intéressé le sujet. Donc moi, je travaillais en tant qu'analyste achat, un métier que je ne connaissais pas, encore une fois, donc j'ai pu apprendre ce métier sur le tas. Et là, j'ai commencé à toucher à des... Donc moi, j'appelle ça un peu du code, mais voilà. En tout cas, pour moi, c'est la première fois où j'ai commencé à toucher un peu à du code, puisque, en fait, c'était du trading et il fallait analyser les tarifs tout le temps. Ça changeait tout le temps. Et donc j'ai commencé à mettre en place des macros sur des fichiers Excel et finalement les macros c'est du code. Donc voilà, j'ai commencé à faire ça en autodidacte vraiment au début et puis après j'ai eu droit à une formation en interne donc après avoir bataillé pour dire j'en ai besoin, c'est vraiment important. Et donc petit à petit, j'ai pu devenir super utilisatrice des outils internes, développer des macros pour automatiser un certain nombre de choses. Et c'est quelque chose qui m'a beaucoup plu. Ce qui me plaisait moins dans ce poste-là, c'est qu'il y avait peu de contact avec des humains. Donc beaucoup de mails, beaucoup de choses à l'écrit. J'avais une équipe avec moi, mais j'étais la seule à faire ce que je faisais. C'est souvent le cas d'ailleurs dans ma carrière. Et c'est vrai que c'était quelque chose qui me manquait, d'avoir ce contact avec les gens et d'apprendre avec les gens, de ne pas être juste en recherche toute seule. Donc voilà. Mais je pense qu'on va y revenir après quand on parlera de développement de carrière. Donc j'ai fait ça pendant quatre ans et puis j'ai pu être recrutée par une autre équipe, donc une équipe formation. Donc là, je suis devenue chef de projet formation. Mais en fait, je faisais aussi de l'ingénierie pédagogique. Donc j'ai construit des supports de formation sur un sujet qui n'avait toujours rien à voir, encore une fois. c'était en fait la gestion financière des projets opérationnels. Donc j'ai formé plein de gens, c'est tout à l'international, donc ça m'a permis de voyager en France, en Europe et aux Etats-Unis. Donc j'ai fait mes premières formations en anglais. C'était vraiment très chouette parce que pour moi c'était un peu les deux mondes qui se rejoignaient, donc le monde où j'aimais beaucoup la langue, j'aimais beaucoup la culture et je pouvais enfin être plongée dans la culture mais au niveau professionnel. Et puis en même temps, tout ce que je pouvais apprendre chez Orange, de pouvoir l'enseigner à d'autres personnes. Donc ça me convenait assez bien. Puis entre-temps, j'ai eu plein d'enfants. Je donne pas des dates, mais j'ai eu des enfants. Et souvent, ce qui se passait après les grossesses, c'est que j'avais envie de changer. En fait, les grossesses, ce que ça a fait pour moi, c'est que c'est toujours une recherche de sens et d'aller plus vers des choses qui me correspondent ou d'aller un peu plus vers mes aspirations. Et donc, après ma troisième grossesse, je pense que je suis devenue manager de programme partenaire. Donc là c'est un métier avec beaucoup de management transverse. Je m'occupais des certifications Cisco et Microsoft pour le monde entier, pour Orange Business Service. Donc moi j'étais toujours en B2B, j'aime bien tout ce qui est un peu complexe donc ça me convenait bien en B2B. Et donc là le rôle c'était vraiment comprendre des pavés de mille pages de Cisco qui expliquaient des caractéristiques techniques, des formations, enfin tout un tas de choses. Et puis après aller accompagner les équipes pour qu'elles fassent les bonnes formations, préparer les audits, être là pendant les audits pour s'assurer que tout se passe bien. Et puis il y avait aussi une partie gestion financière, puisqu'en fait ces certifications donnaient droit à des remises. Donc je gérais aussi tout ce qui était redistribution des remises aux bonnes unités d'affaires, etc. C'était un poste avec pas mal de responsabilités. J'ai beaucoup appris, notamment avec ma manager de l'époque, Lucie Armillon, qui était vraiment quelqu'un de génial et qui me voyait là où moi je ne me voyais pas forcément, c'est-à-dire que je pense que moi j'ai toujours aimé le côté opérationnel et en fait elle a commencé à m'ouvrir à des choses stratégiques puisqu'en fait sur des métiers comme ça où on est censé maintenir quelque chose qui est essentiel pour le business de l'entreprise mais c'est pas forcément quelque chose que les gens vont utiliser tous les jours. Donc il faut faire de la stratégie tout le temps pour que les gens puissent comprendre pourquoi il faut faire ça. Il faut coordonner plusieurs pays qui n'ont pas forcément les mêmes intérêts. Il faut s'assurer que tout le monde récupère son argent à la fin. Donc il y avait tout le temps de la stratégie et de la politique. Et c'est vrai que Lucie, pour ça, c'est quelqu'un qui m'a vraiment poussée à prendre cette place et puis qui m'a reconnue aussi pour ça. Et donc ça, c'est vrai que c'est quelque chose que je suis hyper reconnaissante, en fait, parce que ça, C'est la première fois que j'ai eu vraiment un manager qui m'a porté et qui m'a vu plus loin que ce que moi je me voyais. Et puis suite à ça, mon père a décédé. Et donc, j'ai eu encore une remise en question de qu'est-ce que je veux faire ? Où vais-je ? Qui suis-je ? Et donc je me suis dit en fait tu fais un métier super, t'as atteint quelque chose dont tu rêvais. Donc moi je suis issue d'une famille...
Terry : — T'avais quel âge là, à ce moment-là à peu près ?
Zalihata : — J'avais 30 ans. — Ok. — Oui, j'avais 30 ans, un peu. Oui, c'est ça, 30 ans. Et en fait, je pense que depuis petite, je me voyais en business woman un peu, aller dans des aéroports avec mon ordinateur, etc. Avec mes talons qui claquent, etc. Et j'avais un peu atteint ce truc-là, avec des responsabilités, avec manager dans mon titre. Et pour moi, vu que je suis rentrée sur le monde du travail sans diplôme, c'est vrai que c'était un peu wow, j'ai atteint ce truc-là. Et en même temps, une fois qu'on l'a atteint, qu'est-ce que ça veut dire ? Quoi ça sert ? Donc il y avait un côté aussi un peu artificiel justement à faire ces sorties d'argent, ces rentrées d'argent, mais finalement à somme zéro, plus ou moins. Donc il y avait quelque chose chez moi qui avait besoin de plus de sens. Et donc j'ai décidé de passer le CAPES. Donc j'étais toujours passionnée d'anglais. Donc pour moi, en fait, être professeure d'anglais, c'était un peu le métier que j'imaginais faire à 50 ans. C'est pas ce qui s'est passé. Donc je l'ai fait beaucoup plus tôt. Pendant quatre ans, j'ai été professeure d'anglais en lycée. J'ai adoré ça, je me suis sentie à ma place tout de suite devant le tableau blanc, c'était chez moi. Et en même temps... Combien de temps.
Terry : Pour avoir le CAPES ?
Zalihata : Alors, en fait, ça s'est fait très vite parce que ça faisait plusieurs années que je m'inscrivais au CAPES en me disant, tu vas le faire, tu vas le passer, tu vas voir ce que ça donne, mais que je n'y allais pas. Et puis, en fait, cette année-là, il y a eu deux concours. Je me suis dit, bon, allez, vas-y, tu verras bien ce que ça donne. Et en fait, je l'ai eu. Par chance, je suis tombée sur un sujet que j'avais étudié à la fac et qui était encore frais dans mon esprit. Merci, Salman Rushdie, parce que c'était un livre de Salman Rushdie. qui est génial d'ailleurs, qui s'appelle Midnight's Children, et c'était facile. J'ai eu les écrits et après j'ai pu enchaîner sur une année à temps partiel, donc j'ai fait 80% d'Orange, 20% d'Éducation Nationale, j'ai passé les euros à la fin de cette année-là et j'ai eu le concours. Donc après j'ai enchaîné sur trois ans à l'Éducation Nationale à plein temps. Je me suis dit que la formation, l'éducation, c'est ma vocation. super à l'aise aussi parce que j'avais l'impression de redonner ce qui m'avait été donné à moi, à des élèves qui me ressemblaient beaucoup. J'ai enseigné à Cléchy-sous-Bois, donc qui venait du même milieu social que moi. Parents de... Alors moi, je suis parent plutôt de gens qui venaient de colonies, mais parents d'immigrés, on va dire, même si c'est pas exactement la même chose, mais des gens qui ont des accents, qui peuvent pas forcément... qui misent tout sur leurs enfants, mais qui peuvent pas forcément les soutenir dans les matières. mais qui sont super soutenants pour les profs. Donc un environnement dans lequel j'étais vraiment à l'aise. Et puis plein de beaux projets, donc j'ai emmené mes élèves à Londres, à Orange Business Service, donc toujours pareil, mélanger les différents mondes dans lesquels j'évolue. J'ai fait du théâtre en anglais, je me suis formée au théâtre en anglais, donc ça c'était vraiment aussi très chouette. Au bout de 4 ans, j'avais l'impression d'être un peu dans un confort, c'est aussi quelque chose qui revient beaucoup dans ma carrière. Dès que je commence à maîtriser un peu, il y a un truc dans mon cerveau qui me dit « Qu'est-ce que tu vas faire après ? » Donc pour moi c'est un peu difficile de rester à une place. J'ai beaucoup réfléchi, j'ai dansé, parce que la danse c'est un truc qui me permet des fois d'exprimer des choses que mon cerveau ne va pas forcément exprimer. Et puis je me suis rendu compte que je ne pourrais pas faire ça toute ma vie. En tout cas, j'avais peur aussi d'être la prof blasée, qui a plus d'énergie, parce que c'est vrai que monter des projets, c'est une énergie folle. Parce que j'ai fait des projets, mais j'ai aussi participé à des projets. Je suis partie à Berlin avec une prof d'allemand. Voilà, j'ai fait des échanges, fait un tas de choses avec mes collègues, qui sont super d'ailleurs. Je lance une dédicace. Parce qu'on ne reconnaît pas assez le travail que ça représente. On ne sait pas, en fait, quand on n'est pas dedans. Et donc je me suis dit, je pourrais pas faire ça toute ma vie, j'ai peur de pas être assez motivée et de pas apporter ce que je veux vraiment apporter aux élèves. Donc qu'est-ce que je vais faire ? Et là je me suis retournée vers Orange en disant, avec ce que j'ai fait dans ma carrière, tous ces postes différents, qu'est-ce que je peux faire ? Et ils m'ont dit, il y a des nouveaux métiers, la CXUX, il y a un poste de coach. La RH m'a dit, je pense que ça pourrait bien te convenir. Effectivement, ça m'a bien correspondu parce que, en fait, toute ma carrière, j'ai travaillé avec des ingénieurs ou des personnes qui avaient des idées et qui faisaient tout pour les mettre en œuvre et pour les soumettre aux clients ou aux utilisateurs. Et le fait de me dire qu'on va d'abord demander aux gens ce qu'ils veulent, et puis ensuite on va essayer de construire ce dont ils ont besoin, on va les observer, etc. Ça, ça m'a parlé. Et puis là, j'ai retrouvé aussi un sens à ce que je faisais. Donc ça, c'était vraiment quelque chose de très important pour moi. Et donc je me suis passionnée pour l'UX tout de suite, d'abord en faisant des formations d'interne, puis après au bout de deux ans, après beaucoup de pratiques, puisque j'étais hyper active. Dans les quatre ans où j'étais chez Orange, j'ai fait une cinquantaine de projets. Donc des projets les plus stratégiques de transformation, etc. Jusqu'aux petits projets sur des petits portails où on testait juste des nomenclatures, etc. Donc vraiment toutes les tailles de projets, digital, non digital, service, enfin terrain de jeu extraordinaire pour apprendre. Et au bout de deux ans, j'ai décidé de repasser un diplôme, donc j'ai obtenu la certification UX des Gobelins. Voilà, donc très intéressant, ça m'a permis aussi d'accéder à un réseau que j'ai ensuite encore développé en faisant la formation Design Sprint du laptop. J'ai continué mon petit bonhomme de chemin, j'ai fait des projets de plus en plus intéressants, j'ai monté des formations d'interne puisque je garde toujours cette casquette formation. Notamment avec le laptop, on a fait une formation sur mesure sur le design sprint. Et puis après, au bout de quatre ans, Covid, je me suis rendue compte que j'avais de l'intérêt, mais que j'avais envie d'aller voir ailleurs. C'était déjà une envie que j'avais eue avant, que j'avais jamais concrétisée. Et puis j'avais aussi envie d'aller travailler à l'étranger. Donc c'est un projet que j'avais depuis, je pense, une vingtaine d'années avec mon conjoint. Les enfants sont arrivés, ma maman avait un grave handicap, donc elle vivait avec nous. Donc on s'est occupé d'elle pendant une dizaine d'années. Donc ça a fait qu'on n'a pas pu faire le projet au moment où on aurait voulu le faire. Et puis là, on arrivait un peu au bout d'un cycle et on s'est dit, si on veut partir à l'étranger, c'est maintenant. Donc j'en ai parlé avec mon manager de l'époque, il m'a dit, OK, voilà, tu vas pouvoir partir à Londres et tout. Finalement, Brexit, Covid, galère sur galère, donc ça ne s'est pas fait. Ça a été assez lent aussi au niveau RH. Et là, donc au mois d'avril 2020, je crois, 2021, Je vois l'annonce pour DesignOps chez Payfit. J'avais rencontré Léa Mendes à travers le cercle Hexagone UX qui promeut les femmes et les personnes non-binaires dans l'UX. Et donc quand je vois qu'elle poste cette offre, je regarde la fiche et je me dis c'est moi. il y a des outils, il y a de la formation, il y a de la stratégie, il y a de l'accompagnement des gens, il y a tout en fait, tout ce que j'aime bien. Et donc je la contacte, je lui dis qu'est-ce que tu penses ? Est-ce que je postule ? Elle me dit postule et puis voilà. Donc j'ai eu le poste chez Payfit, j'ai créé donc la fonction DesignOps chez Payfit. J'ai recruté une petite équipe, avec Damien Boyer qui a récupéré le poste maintenant, et puis une petite équipe de product designers volants qui pouvaient intervenir sur différents projets dans différentes tribes. Donc ça, ça a été une très belle expérience pendant un peu plus d'un an. Payfit, c'est vraiment que des gens bien. Donc c'était vraiment le bonheur de travailler avec cette équipe-là. Et puis finalement, au lieu de partir à Londres avec mon conjoint, comme on avait la possibilité, on a décidé de partir en Espagne. Et donc on est partis à Barcelone en 2022. Et en partant, j'ai été débauchée par Glovo. Glovo qui est l'équivalent du Deliveroo espagnol. Assez grosse entreprise, plus gros que PayFit, qui opère dans 27 pays, mais beaucoup en Afrique et en Europe de l'Est, et en Europe du Sud aussi. Et donc j'ai décidé d'accepter parce que c'était un beau défi, je n'avais jamais travaillé en B2C, il y avait une équipe de 80 personnes à l'époque, donc ça me semblait être intéressant d'aller créer la fonction DesignOps là-bas. Et donc j'ai travaillé là-bas pendant un an, j'ai appris plein de choses. Et puis au bout d'un peu plus d'un an, ça me trottait déjà dans la tête avant parce que je ne suis pas super alignée avec le produit, les valeurs du produit, etc. C'est vrai qu'en arrivant, je me suis dit on va changer des choses, on va faire des designs de services, on va améliorer la vie des livreurs, etc. Et puis finalement, je me suis rendue compte que c'était complexe et que j'étais pas sûre que c'était mon combat non plus. Donc j'ai quitté Glovo au mois de novembre dernier et depuis je suis en freelance. Donc je fais surtout de la formation. et j'ai pour projet de monter des formations avec de l'accompagnement. Donc je commence déjà à faire ça, mais ce que je voudrais en fait c'est que je sois pas seulement là pour emmener des gens vers l'acquisition d'une compétence, mais aussi pour les accompagner dans la mise en place. Parce que moi j'ai eu beaucoup de formations en interne, et puis d'accompagnement avec des consultants, etc. Et puis des fois, une fois qu'ils s'en vont, on sait plus comment faire. Ils ont fait plein de choses, ils ont développé plein d'outils, mais on n'a pas forcément les clés. Et donc moi, par rapport à tout ce que j'ai appris, que ce soit en DesignOps, en Stratégie UX ou même en Management, ce que je voudrais aujourd'hui, c'est accompagner des équipes et puis les former et leur permettre vraiment de les accompagner sur l'acquisition et la mise en place de ces compétences. Voilà, c'était un peu long.
Terry : Non, non, très clair. Donc, j'étais volontairement laissé présenter comme on avait parlé aussi en off parce que c'est le but de cet épisode qui est un peu atypique par rapport aux autres que j'ai sur le podcast. C'est un épisode vraiment de retour d'expérience, de montrer aussi que du coup les parcours non linéaires peuvent aussi mener à des superbes expériences, des superbes postes. Tu as cité des boîtes qui aujourd'hui, dans le milieu de la French Tech, par exemple Payfit, ça fait partie des boîtes qui font rêver. Tu as cité un parcours super intéressant au sein d'Orange où tu as vraiment gravé des échelons un à un. Et tout ça avec vraiment... une approche entrepreneurial j'ai envie de dire aussi par rapport à ta carrière professionnelle et ça je trouve que c'est hyper intéressant du coup maintenant sur cette deuxième partie d'échange j'aimerais bien qu'on essaye de tirer de tout ça un peu tu vois si tu devais reparler toi à la Zaliata d'il y a 20 ans, s'il y avait des conseils que tu lui donnerais à différents moments, les choses que tu as apprises maintenant avec le recul, toute l'expérience que tu as accumulée en regardant un peu derrière s'il y a des choses que tu ferais différemment ou voilà des clés que tu pourrais donner à des personnes qui sont dans des situations similaires ou à des étapes un peu similaires que toi t'aurais pu déjà vivre. Donc peut-être je me dis on pourrait prendre différents moments charnières tu vois dans ta carrière et revenir dessus en se disant voilà ça, ça s'est passé de cette manière mais si je devais le refaire, je referais ça exactement de la même manière versus ça, je le ferais un petit peu différemment. Je ne sais pas ce que tu en penses de prendre un peu le sujet comme ça, de revenir un peu sur les différents moments clés en fait de ta carrière et les retours d'expérience du coup que tu peux partager dessus de manière très actionnable pour des personnes qui seraient aujourd'hui plus ou moins des moments similaires dans leur carrière.
Zalihata : Super intéressant comme approche. Alors je pense que je parlerais d'abord à la Zali Atad il y a presque 30 ans, qui a décidé d'arrêter ses études. En fait, moi j'ai toujours aimé apprendre, je le savais déjà à l'époque, mais je me suis laissé En fait, je me suis laissée croire que c'était important d'être indépendante financièrement, etc. Et puis, je pense que je n'ai pas été assez accompagnée par... Pourtant, j'ai été au centre d'orientation, au CIO, etc. J'ai fait plein de choses. Mais je pense que je n'ai pas été assez accompagnée sur les possibilités de l'alternance, etc. Donc, c'est des choses qui, je pense, m'auraient plu beaucoup parce que c'est bien d'apprendre sur le tas, mais c'est aussi bien d'avoir des formations parce que c'est rencontrer les professeurs, parfois rencontrer les professionnels. Je le vois aujourd'hui parce que j'enseigne dans plusieurs écoles. des grandes écoles. Je savais même pas que ça existait à l'époque. J'ai su vraiment quand j'avais 25-30 ans. J'entendais les noms mais je savais pas ce que c'était en fait. Et donc ça, je pense que la Zaliata de l'époque, je lui dirais, fais des études en fait. C'est cool les études et tu vas kiffer. Donc parce que du coup, j'y suis revenu plusieurs fois, parce que c'est vraiment quelque chose qui me nourrit. Donc voilà. Donc je pense que si je devais faire différemment, je ferais ça. Et aussi de pas se brider sur ce qu'on veut apprendre. Alors moi, j'ai décidé de faire... J'ai un bac littéraire que j'ai eu parce qu'on m'a poussé en me disant, t'es bonne en anglais, t'es bonne en français, t'es bonne dans les matières littéraires, fais ça. Mais en fait, moi, j'ai toujours été intéressée par l'électrotechnique. Et puis on m'a dissuadée en me disant, bah non, y'a que des garçons. Et puis en fait, je me dis de ne pas se laisser influencer. Je ne sais pas à quel point c'est possible quand on a 17-18 ans, mais je pense que si j'avais pu, j'aurais pris peut-être un peu plus de recul et j'aurais fait les études qui vraiment m'intéressaient. Donc je pense que déjà à ce moment-là, il y aurait eu quelque chose de différent à faire.
Terry : Hyper intéressant du coup ensuite tu mettrais où la prochaine étape pour toi où il y aurait des choses à apprendre ou même des choses qui sont très bien passées ça peut être aussi tu vois tu dis bah là la bascule c'est super bien fait franchement parce que.
Zalihata : Si ça Alors, je pense que j'ai toujours été quand même assez courageuse. Oui, mais ce que je veux dire, c'est audacieuse. C'est-à-dire que j'ai quand même osé postuler à des postes où je n'étais pas tout à fait sûre, mais il fallait quand même que j'aie 90% des compétences. Donc je pense que par rapport à ça, il y a eu des moments dans ma carrière où il y avait des opportunités que j'aurais pu prendre, partir à l'étranger. Voilà, je pense qu'à la Zaliata de 25-30 ans, jeune maman qui a vraiment envie de partir à l'étranger, mais qui stade, je pense que je lui aurais dit, postule, postule partout. n'ai pas peur de prendre des risques, parce que je pense que vraiment à ce moment-là, j'avais déjà pas mal de responsabilités, mais en même temps, le risque, je l'ai pris avec encore plus de responsabilités aujourd'hui. Donc je pense que voilà, la Zaliata de 25-30 ans, qui était dans cette période où on fait beaucoup de choses. Moi j'ai fait beaucoup de choses, j'ai rénové des maisons, j'avais une vie perso très remplie. mais je pense que Pareil, j'ai laissé des fois des choses qui n'étaient pas forcément alignées avec ce que je voulais faire prendre de la place ou prendre des espaces que j'avais laissés vides parce que je n'osais pas assez. Donc, oser vraiment postuler là où je voulais postuler, partir avec mes enfants sous le bras et puis prendre ces risques. Parce qu'aujourd'hui, je me rends compte que vraiment les risques sont complètement relatifs. Là quand j'ai quitté Glovo ou même quand j'ai quitté Payfit, bah en fait oui c'est un risque, mais en même temps je me dis c'est aussi le risque d'avoir des choses encore mieux derrière ou plus alignées avec qui je suis. Et puis si ça se passe pas bien, en vérité j'ai tellement d'expériences et de compétences, il y a toujours quelque chose à faire. Même à 25 ans, j'avais déjà fait assez de choses pour pouvoir avoir confiance et prendre ces risques-là. Donc je pense que je lui dirais ça, puisque à ce moment-là, en fait, je pense que j'ai pris des petits risques. J'aurais pu prendre des plus gros risques. Voilà, c'est ce que je dirais.
Terry : Hyper intéressant, c'est vrai que quand on a atteint ce niveau, enfin quand t'as déjà, voilà, que t'as assis une première légitimité dans ce que tu fais, que t'as gagné confiance en toi, et qu'on a la chance de vivre dans des pays qui sont pas en guerre, dans lesquels globalement, si t'as voilà un premier bagage qui te permet de trouver du travail dans des domaines qui te plaisent plus ou moins, tu vas pouvoir y arriver en... même si c'est pas le job idéal, tu trouveras, tu pourras retomber toujours sur tes pattes. Je parle bien évidemment de quand t'as déjà gagné en estime de toi, que tu sais que globalement tu sais faire des choses. Le risque derrière de partir d'un job pour un autre, en soi, le risque il est plus de ne pas le faire, comme tu le dis, et donc il est très très relatif. C'est pas la même chose que quand tu pars d'un pays qui est en guerre, dans lequel tu peux plus te nourrir, là tu risques ta vie. Dans nos démocraties occidentales, globalement, Et au contraire il faut montrer l'exemple je pense de le faire, de prendre ces risques là parce que justement si nous on le fait pas, qui d'autre peut le faire parce qu'on fait partie quand même des plus chanceux je pense sur la planète de vivre dans les pays dans lesquels on vit.
Zalihata : Oui, et puis maintenant que je suis partie dans un pays d'Europe, c'est pas facile parce que je suis partie sans parler espagnol. Je l'apprends, mais je suis encore poco a poco. Voilà, donc je suis pas encore fluent, on va dire. Mais je me rends compte à quel point c'est facilité par rapport à des gens qui sont non européens. Et l'Europe, c'est grand, en fait. Enfin, il y a énormément de choses à faire. Donc je pense que le conseil que je donnerais à quelqu'un qui serait dans cette situation-là, c'est vraiment de tenter, d'essayer de partir quelque part. Parce qu'au-delà même du fait d'avoir la possibilité de le faire, pour moi, ce que je cherchais, c'était vraiment l'enrichissement personnel, avoir cette expérience de vivre dans une autre culture, et puis d'offrir ça à mes enfants aussi. Tout le monde n'a pas d'enfant, tout le monde ne veut pas d'enfant. Et c'est cool, mais c'est vrai que je pense que ça donne une vision de la vie différente, une perspective différente. Et moi je suis hyper contente, même si je pense que des fois mes enfants, ils en ont marre de nous. Et ils sont contents d'un côté, mais ils ont laissé leurs copains, etc. Ils ont entre 9 et 20 ans, donc tu peux imaginer que c'était pas évident pour des ados de quitter leurs copains et tout. Mais je vois bien ce que ça change chez eux en termes de perception du monde, c'est extraordinaire quoi. Donc moi mes parents finalement avaient fait ça en partant des Comores pour venir à l'époque à la métropole. Ils se sont confrontés justement à la différence au fait de mieux apprendre une langue parce que ma mère est arrivée, elle ne parlait pas français par exemple, donc elle a appris le français. Pour moi, c'est des exemples et je vois bien à quel point ils étaient tolérants. C'est quelque chose qui vraiment te construit. Donc pour moi, je pense que c'est ça, prendre des risques, mais notamment le risque de partir à l'étranger.
Terry : Hyper intéressant et du coup après prochaine étape là donc t'es dans les 25-30 ans là tu dis aller encore plus fort sur les risques que tu as pu prendre.
Zalihata : Alors il y a une chose que j'ai faite qui était de créer mon auto-entreprise quand j'étais à l'éducation nationale parce que j'ai voulu transmettre tout ce que j'avais appris en entreprise et j'ai commencé par faire du bénévolat à la mission locale et puis après petit à petit à faire de l'accompagnement sur l'orientation, et puis petit à petit, une fois que je suis devenue designer, ça a été un peu plus des missions de design et de formation sur le design, je pense que ce que je dirais à la Zaliata qui a créé son entreprise, c'est de ne pas y aller à moitié. parce qu'en fait c'était un peu... je sais que j'ai un esprit entrepreneurial mais j'y vais doucement, doucement quoi. Donc je pense que si j'avais su ce que je sais aujourd'hui sur les pépinières, voilà, tout ce qu'on peut faire en entrepreneuriat en France, à quel point on est... aider, accompagner. Je pense que je n'aurais pas créé une autre entreprise, j'aurais créé une autre entreprise directement et j'aurais misé beaucoup plus dessus. Parce que là c'est vrai que j'ai vraiment fait en mode, bon en même temps quand on est fonctionnaire c'est le seul statut auquel on avait droit à l'époque donc j'avais pas trop le choix, mais je pense que j'aurais accéléré un petit peu plus sur l'entreprenariat parce qu'en fait ça fait longtemps que je sais que j'ai un profil entrepreneurial.
Terry : Oui clairement.
Zalihata : Mais c'est pareil, c'est toujours cette peur de prendre des risques. Et puis aussi, moi, j'ai pas des exemples de ça autour de moi. C'est-à-dire que les gens qui sont autour de moi, bon, il y a des artistes, il y a un peu de tout, mais c'est beaucoup des employés. Donc, pour moi, c'est un peu un mythe. L'entrepreneur, je voyais que les gens qui avaient déjà réussi, et je voyais pas, en fait, les gens qui ont tenté des choses, qui ont eu des échecs, et puis qui réessayent, qui recommencent, etc. Et c'est vrai que je pense que la Zaliata de 35 ans, oui, un peu plus, qui a créé son autre entreprise, je lui dirais, oui, fait peut-être ça un ou deux ans, mais développe le truc parce qu'en fait, c'est fait pour toi, l'entreprenariat. Et maintenant, je sais ça, même si ça ne veut pas dire que demain, je ne serai pas employée pendant un certain temps, mais je sais qu'il me faut ce côté entrepreneurial et je l'assume beaucoup plus. Et aussi grâce aux personnes que j'ai rencontrées chez Payfit, chez Glovo ou même dans d'autres endroits, je sais qu'en fait c'est pas un truc binaire de « il faut absolument réussir ». Mais ça c'est aussi la mentalité entre guillemets de banlieue et de personne qui n'a pas beaucoup de fonds. C'est que moi j'ai pas de parachute, donc du coup tous les projets il faut que ça réussisse parce que sinon c'est la catastrophe. Et finalement aujourd'hui je me dis C'est pas tant la catastrophe que ça. C'est-à-dire que moi, je suis capable, si j'ai moins de revenus, on est capable de vivre avec moins. Enfin, c'est pas obligatoire d'avoir toujours les bretelles, la ceinture, le parachute pour faire tous les projets. Je pense que voilà. Mais ça rejoint un peu ce qu'il y avait avant, mais là, c'est vraiment le risque entrepreneurial. Ouais, je dirais d'y aller.
Terry : Là-dessus je trouve ça intéressant ce que tu dis sur le rapport à l'échec en fait, parce que c'est vrai que dans le milieu de la tech, le mode de fonctionnement des boîtes technologiques c'est justement d'échouer le plus rapidement possible et de continuer à échouer jusqu'à ce qu'au bout d'un moment ça marche en fait. Et du coup c'est vrai que c'est, d'un point de vue culturel, c'est quelque chose qui peut être, quand on vient pas de ce milieu-là ou qu'on a pas de personnes autour de nous qui gravitent autour de ce milieu-là, ça peut leur paraître bizarre de se dire mais attends tu lances ton projet, tu me dis déjà il y a 80% de chance que tu vas crasher ta boîte et tu as le smile et tu vas à 200% dedans. Mais en fait c'est parce que c'est comme ça qu'on apprend et que encore une fois le risque est toujours relatif en fait, toujours relatif. C'est-à-dire qu'effectivement quand tu crashes ton projet, tu réfléchis quand même aussi à comment tu vas le faire et que ça n'a pas des conséquences non plus trop importantes d'un point de vue social ou d'un point de vue après pour toi et pour rebondir. Mais ça fait partie de la courbe d'apprentissage et du coup d'y aller en se disant si jamais... et pas de se dire qu'il n'y a qu'une option qui est de réussir et qu'il y a aussi cette option-là qui est en fait d'apprendre plutôt que d'échouer j'ai envie de dire d'apprendre en fait. Et donc je trouve ça assez intéressant. Sur, donc je ne sais pas si tu as d'autres encore, en tout cas si tu en as d'autres des retours d'expérience gardé en tête, moi je voudrais rebondir sur un petit point qui est sur le milieu de la tech du coup. Donc toi, ta compréhension du milieu de la tech et surtout ce que tu, qu'est-ce qui t'a surpris de manière positive en arrivant vraiment dans le milieu startup, enfin tu es rentré dans le milieu de la tech par Orange France Telecom pendant 20 ans, mais je dirais plus de l'ingénierie. Ma question allait plus sur le monde plutôt start-up, scale-up, french tech, que tu as du coup découvert, si je ne dis pas de bêtises, en rejoignant vraiment dans le dur Payfit, qui est une des belles scale-up françaises. Qu'est-ce qui t'a agréablement surpris ? Quelles sont les choses que tu penses pourraient être bénéfiques pour ce monde-là ? Puisque moi, mon audience, elle est là-dedans aussi, qu'ils puissent aller regarder dans d'autres endroits et s'inspirer, tu vois, de choses que toi tu as pu découvrir par la variété de ton parcours. un peu avoir toi ton regard là dessus sur le monde de l'écosystème french tech.
Zalihata : Alors, pour les personnes que je connais, puis après, c'est vrai qu'à travers PayFit et à travers le fait d'avoir créé cette fonction DesignOps, moi j'ai tout de suite connecté avec des DesignOps de différents endroits, donc Marie-Aline Mio qui était chez Agicap et qui est maintenant chez Spendesk, Jérôme Benoit de Doctolib, Laurent Pinjon qui était chez Deezer, enfin voilà, donc on a commencé à créer un petit cercle comme ça de personnes qui échangeaient, et c'est vrai que ça donne aussi une perspective sur comment ça fonctionne. Déjà, j'ai eu l'impression d'être chez moi, c'est-à-dire qu'Orange c'est chez moi un peu comme sa famille c'est chez soi. C'est-à-dire que je connais tout, les fonctionnements, les process, beaucoup, beaucoup de gens, un énorme réseau chez Orange, et beaucoup de gens bien. C'est une entreprise où il y a plein de gens bien, plein de bonnes volontés, plein de bonnes intentions, etc. mais j'ai toujours eu l'impression sur mes projets d'être à contre-courant, c'est-à-dire de faire du canoë à l'envers. Non, mais c'est par là qu'il faut aller et puis tout le monde va dans l'autre sens. Ce que j'ai découvert et vraiment qui m'a agréablement surprise chez Payfit et dans les autres environnements, c'est que j'avais l'impression d'être avec des gens qui pensaient comme moi. Ça fait un peu bizarre de dire ça parce que je suis pro de la diversité, mais ce que je veux dire par penser comme moi, c'est plus des gens sont prêts à se remettre en question, ce que tu disais tout à l'heure, on essaye des choses, si ça rate, on essaye encore. Donc cet état d'esprit-là, cet état d'esprit où on essaye de faire des nouvelles choses, des nouveaux process, de s'adapter. Pour moi, je me suis retrouvée comme un poisson dans l'eau, j'avais pas ce sentiment-là avant. L'autre chose qui m'a surprise c'est que je m'attendais à trouver... Enfin moi c'est la gentillesse des gens chez Payfit qui m'a marquée, ça fait partie des valeurs. Mais c'est vrai qu'entre les valeurs et ce qui est là réellement, il y a une différence. Donc c'est vrai que ces bonnes intentions-là, des gens qui veulent vraiment travailler avec les autres, qui veulent vraiment faire avancer les choses, ça c'est assez chouette et quand même beaucoup moins politique que ce que j'ai pu connaître chez Orange. Donc ça c'est vrai que c'était quelque chose d'agréable. Par contre, il y a un côté qui est toujours quand même assez... Je vais essayer de trouver les bons mots parce que je ne veux pas non plus être péjorative, mais il y a quand même de la peur finalement. Parce que je pense que c'est une fois que la boîte est devenue assez grosse, il y a des choses qui sont plus difficiles à bouger que ce que je pensais. Je donne un exemple concret. Quand Léa est partie en tant que VP Design, on a ouvert un poste pour la remplacer. Et puis dans le pipe, il n'y avait que des hommes blancs d'un certain âge. Et quand j'ai fait la remarque en me disant On ne peut pas essayer d'avoir d'autres types de personnes. Ce qu'on m'a répondu c'est qu'on veut quelqu'un qui a de l'expérience et qui sera capable de porter l'équipe plus loin. Si on pense comme ça, on n'aura que ces personnes-là. Ce n'est pas forcément ça qu'il faut aller chercher, c'est vraiment une attitude, une façon d'être, etc. Donc ça, c'est vrai que ça m'a un peu décontenancée, parce que je me disais, ah, on reste quand même un peu toujours sur ces façons de penser, où finalement, on va être quand même un peu dans l'entre-soi. Et c'est vrai que pour moi, ça m'a gênée, parce que moi, on m'a donné ma chance, donc c'est hyper chouette, parce que je ne suis vraiment pas de l'entre-soi de gens qui ont fait des grandes écoles, etc. Et je me suis sentie tout de suite à l'aise, mais en même temps je me suis rendu compte que quand il y avait des décisions importantes à prendre, à ce stade d'art, on revenait vers des choses qui étaient plus de l'entre-soi, plus de la sécurité, etc. Et ça, c'est vrai que ça m'a gênée. Et c'est là où je me suis dit aussi, cette graine entrepreneuriale, où je me suis dit en fait si tu veux faire les choses comme toi tu veux, c'est ta boîte en fait, c'est pas... C'est normal que chez Payfit on retombe dans un système parce que c'est leur système et ils essayent de faire au mieux avec ce qu'ils connaissent. Et franchement, honnêtement, je dis ça, mais c'est une boîte qui est hyper... ils veulent faire bien en termes de diversité, etc. Mais finalement, il y a des fois, dans le concret, on se rend compte que c'est difficile de faire avancer cette façon de penser.
Terry : Hyper intéressant, merci du coup pour ce partage aussi positif et les choses à améliorer, très transparent, je trouve ça top et ça fait écho, moi ça fait écho avec des expériences, ça fera écho je pense à pas mal de personnes, donc c'est cool aussi. Avant d'aller vers la fin de l'échange, est-ce qu'il y avait d'autres retours d'expériences, d'autres conseils à la Zelyatta d'il y a quelques années que tu pourrais donner parmi ceux que tu as déjà partagés ?
Zalihata : Je pense que faire confiance à son intuition aussi, parce que je pense qu'il y a plein de fois où j'avais des intuitions et je les ai pas suivies. Donc faire confiance à son intuition c'est quelque chose que je dirais si je pouvais. C'est que quand tu sens qu'il y a un truc, si t'as envie d'y aller, vas-y. Quand tu sens que ça le fait pas, ben le fais pas. Et quand tu sens que tu dois parler, ben parle. Ça aussi, c'est quelque chose que maintenant, j'arrive beaucoup mieux à faire. Mais ça m'a pris du temps. Parce que j'avais beaucoup... C'est pareil, c'est aussi culturel. J'y réfléchissais tout à l'heure quand on parlait de cette peur de l'échec. Je pense que dans ce qu'on dit aux gens qui viennent de banlieue aujourd'hui, et moi j'ai fait partie des parrains, nos quartiers ont du talent par exemple, c'est la réussite, vous pouvez réussir, vous pouvez faire comme les autres, reprenez les codes des autres, etc. Et en fait, ça reste ancré, ça prend du temps à se désancrer ce truc-là. C'est que la réussite, c'est pas que ceux qui vont à Sciences Po, etc. C'est aussi ceux qui font un truc qui leur ressemble. Et puis, c'est pas un problème de faire quelque chose qui ressemble pas au modèle des gens qui sont sortis de l'ESSEC ou un truc comme ça. Donc, on peut le faire, mais on peut aussi faire d'autres modèles. C'est aussi valable. Donc je pense que ce truc-là, cette intuition que j'ai, qui en fait ne correspond qu'à moi, qu'est-ce qui est bon pour moi, de l'écouter. Parce que je ne suis pas obligée de reprendre les codes des autres, ni de faire les missions des autres pour être en réussite. Peut-être que j'aurai une vie complètement alternative à partir de maintenant et ce sera très bien.
Terry : Top, merci pour ce partage. Du coup, pour aller vers mes deux questions de fin d'échange, la première c'est est-ce que tu as une conviction forte avec laquelle tu es en général en désaccord avec tes pairs ?
Zalihata : Je pense qu'il y en a deux. La première, c'est que les gens ont tous des bonnes intentions. Enfin, que les gens qui ont des mauvaises intentions sont une minorité. Et que souvent, quand il y a des gens qui font du mal, c'est parce qu'ils sont eux-mêmes en souffrance. Et pour moi, c'est radical. C'est-à-dire que je le pense tout le temps. Je pense que tout le temps, quand je vois quelqu'un dans une réunion ou dans un contexte qui fait des choses qui peuvent heurter les autres, je pense que c'est souvent parce que la personne est en déséquilibre, en souffrance. Donc moi je suis persuadée que les gens, dans 99% des cas, 99,5% même, ont des bonnes intentions. Et qu'il suffit de s'aligner pour trouver ce qui va coller. dans les intentions des gens. Donc je pense que ça des fois quand j'en discute avec des gens, les gens disent ah mais oui mais tu vois t'as les lunettes roses et tout. Non moi c'est vraiment un truc humain, je pense que s'il y a un désaccord ou s'il y a un déséquilibre, c'est qu'il y a quelque chose à régler. Il y a un problème à régler, il y a quelque chose à faire sortir. Et donc être dans cette tolérance pour moi c'est hyper important. Et la deuxième chose c'est que je pense qu'on peut tout apprendre, mais tout tout tout. Même si là, aujourd'hui, j'ai envie de devenir médecin par exemple, je pense que je peux prendre des études de médecine et devenir médecin. Ça me prendra 15 ans, mais c'est pas grave. Je pense que c'est tout à fait possible. Et des fois, quand je discute avec des gens, j'ai l'impression que... Ah oui, mais telle personne, c'est pas... Ou t'es pas vraiment un designer si t'as pas fait ça, etc. Pour moi c'est pas comme ça, c'est vraiment les choses bougent tellement vite de toute façon, qu'on peut tout apprendre à partir du moment où on a envie d'apprendre. Et que les métiers sont tellement tout le temps en train de bouger, que de toute façon il faut avoir envie d'apprendre si on a envie de bosser dans la tech. Donc pour moi, on peut tout apprendre, on peut faire tous les métiers.
Terry : Là-dessus, je te rejoins à 100%. À partir du moment où on a envie, pour moi, la limite n'est que celle que l'on se fixe. C'est propre. Parce qu'effectivement, je suis à 200% sur le fait qu'on peut tout apprendre. De toute façon, c'est comme ça aujourd'hui. Dans le monde professionnel, ça bouge tellement vite que t'es obligé, en particulier dans le monde de la tech, dans lequel on évolue, t'es obligé de te former en continu. Sinon, t'es obsolète. Et d'ailleurs, c'est aussi pour ça que je pense que pour beaucoup d'entreprises, c'est plus important en fonction, après tout dépend du niveau de séniorité des profils qu'on recherche, mais quand on cherche des profils juniors, même mid-level, c'est plus important à mon avis de regarder l'attitude des personnes que leurs hard skills qu'ils ont à l'instant T. Parce qu'une bonne attitude avec des hard skills qui sont un peu moyens va très très vite compenser une mauvaise attitude qui a des très bons hard skills. Et donc là-dessus, 200%. Donc pour aller sur ma dernière question, c'est quelles sont les choses qui te nourrissent toi intellectuellement ?
Zalihata : Alors comme c'est le ramadan, j'ai envie de dire la spiritualité. La spiritualité mais aussi la psychologie. En fait pour moi, il y a quelque chose qui me nourrit qui est la compréhension du monde. Je pense que c'est aussi pour ça que je suis partie sur du designops parce que le designops c'est une sorte de design systémique. Pour moi, comprendre les organisations et les fonctionnements des gens, c'est passionnant. Je trouve que j'en apprends tous les jours, je lis beaucoup de livres sur la psychologie et sur la spiritualité d'ailleurs. Les deux se rejoignent pour moi. Donc ça, c'est vraiment quelque chose qui me nourrit et qui fait aussi que j'ai envie d'être quelqu'un de bien dans tous les aspects de ma vie, que ce soit dans ma vie personnelle ou dans ma vie professionnelle. C'est aussi mon éthique qui vient aussi de là, je pense. Et puis, pour moi, vraiment, la musique, la danse, c'est un truc, en fait, Je ne sais pas d'où ça vient, mais je sais que c'est quelque chose qui est en moi. Moi, je vois bien que quand j'ai un problème, quand il y a un truc que je n'arrive pas à exprimer avec mon cerveau ou avec des mots, en fait, mon corps, il parle. Et moi, ça peut passer par la danse. Et je trouve que c'est un outil, pour moi en tout cas, qui est très utile pour justement faire sortir des émotions, des réflexions, plein de choses.
Terry : Top, bah merci encore pour ton temps et puis pour tout ce partage, Zalihata.
Zalihata : Merci à toi, Terry.