Transcription de l'épisode : "Stéphane Delbecque, Product management, startup et entrepreneuriat : retour d’expérience d’un expatrié à San Francisco"
Terry : Salut Stéphane.
Stéphane : Salut Terry.
Terry : Merci de prendre du temps aujourd'hui pour nous partager un retour d'expérience d'une aventure que tu as vécu il y a quelques années en Californie autour à la fois du produit, du monde des startups, de l'aventure d'un expatrié. Donc le sujet de l'épisode d'aujourd'hui ça va vraiment être ce retour d'expérience là sur lequel pour ceux qui sont adeptes de LinkedIn tu as déjà partagé pas mal de contenus textuels et l'idée ça va être de rentrer un peu dans le cœur de ce sujet par l'audio et puis de creuser un peu les différents aspects de ton aventure californienne. Et avant de parler de tout ça, je te propose tout d'abord de te présenter, de nous dire qui tu es et puis ce que tu fais dans la vie.
Stéphane : Absolument. Déjà, merci pour l'opportunité pour raconter cette période un peu riche de ma vie. Mais effectivement, avant toute chose, je vais me présenter rapidement. Donc Stéphane Delbecq. Au moment où on enregistre ce podcast, j'ai déjà 48 ans. Trois enfants de 15 ans, 13 ans et 8 ans, une belle famille aussi. Et qu'est-ce que je fais dans la vie ? Je me suis présenté pendant longtemps comme étant CPO freelance et aujourd'hui j'ai décidé de donner un nouveau tournant à ma carrière pour être justement un peu plus comme un coach de carrière produit et donc j'accompagne des individus, j'accompagne des organisations pour développer leur culture et leur capacité, leur carrière produit.
Terry : Très clair. Et donc dans le produit, toujours pareil, sur le podcast de toute façon, dans le monde de la tech en particulier.
Stéphane : Exactement, c'est tout à fait ça, oui.
Terry : Yes. Donc si on va faire du coup pas un rétro-planning, mais un retour en arrière sur cette aventure californienne. Donc déjà, ça commence en quelle année ? Moi, je vais prendre comme point de départ un bout de phrase qui m'avait marqué dans ce que tu avais écrit, qui était que tu avais décidé de partir en Californie, de quitter le job que tu avais en France. Et donc tu avais pris un billet, allez simple, pour San Francisco.
Stéphane : Exactement, c'était ça l'idée, donc ça a commencé. L'idée avant toute chose, l'idée a germé au début de l'année 2006, et elle s'est concrétisée un an juste après. Donc pendant les mois qui ont précédé, c'était la préparation, c'était le fait de tout vendre, et puis de mettre sa vie dans des bagages, dans deux valises, et de partir comme ça à l'aventure sur un visa touriste.
Terry : Et donc sans job au départ, sans contact particulier dans la Silicon Valley ?
Stéphane : Sans rien du tout. En fait, c'est pas tout à fait vrai. La seule chose que j'avais, que nous avions, c'était un endroit où pouvoir dormir. C'est quand même essentiel. Mais oui, très peu de contact, quasiment pas si ce n'est la personne qui nous hébergeait. pas de travail, pas de connexion, etc. Puisque de toute façon, à distance, on parle 2006, fin 2006, donc Internet était déjà quand même très présent, heureusement. Mais par contre, il n'y avait pas cette envie de venir accueillir des gens qui venaient d'étranger. Donc je m'étais dit qu'il fallait absolument venir sur place pour tenter, en mode all-in, tu vois, sans filet de sécurité. Et c'est effectivement comme ça qu'on a démarré, en rencontrant du monde.
Terry : Donc avec une carrière au départ en France qui était autour déjà du monde du produit, où tu étais plus côté ingé, c'était quoi un petit peu ton parcours en France avant de... Ouais mon.
Stéphane : Background au départ c'était dans les sciences, je voulais être astrophysicien. Donc j'ai fait un bac scientifique, on appelait ça un bac C à l'époque, c'est un bac S aujourd'hui, avec la spécialité maths et physique. Et puis j'ai fait une fac de sciences, je me suis rendu compte que la vision que j'avais de l'astrophysique c'était un peu plus de l'astronomie, c'était un peu trop romantique par rapport au véritablement ce que l'on faisait, ce qu'ils faisaient. Et j'ai ensuite fait une école de commerce assez facilement parce que c'était pas la meilleure, c'était pas une grande école de commerce. Et donc oui, je dirais mon premier job c'était chef de projet dans le digital. Je savais coder un petit peu à l'époque. Après je suis rentré chez AOL, American Online à l'époque, un des plus gros opérateurs de télécom, enfin plutôt d'internet de l'époque, c'était le leader aux Etats-Unis. J'ai travaillé là-bas pendant quatre ans, j'ai fait du projet, j'ai commencé à me former au produit, mais dans le mobile. Donc en 2000 dans le mobile, ça rime en plus. Puis après, un petit stunt, comme on dit pas en français, d'un an, dans une structure qui faisait des produits à destination des opérateurs mobiles. Donc j'étais chef de produit externalisé pour Orange, Bouygues Télécom, Energies Mobiles, etc. Avant d'être embauché par Yahoo en France, comme pour le coup, nommément chef de produit mobile pour la France.
Terry : Donc là on parle de, pour que les personnes peut-être plus jeunes remettent dans le contexte, on parle de mobile avant l'heure des App Store, avant l'iPhone, avant les Play Store etc.
Stéphane : C'est ça, où en fait on pouvait télécharger des applications mais c'était quand même relativement compliqué d'une part et d'autre part l'expérience que l'on avait n'était pas, c'était une expérience où on faisait tout au clavier, c'était assez compliqué et à développer c'était encore pire. Donc effectivement, en 2007, en juin 2007, quand l'iPhone est sorti, et on aura l'occasion de reparler un peu, ça a tout changé, mais moi je suis navigué dans ces eaux-là depuis 2000.
Terry : Très clair. Donc première expérience dans le mobile en France, tu décides de partir en Californie, donc comment ça se passe l'arrivée là-bas ? Donc tu nous l'as dit, tu avais déjà un pied-à-terre au moins pour les premiers jours. Quelles sont les réflexions que tu t'es dit en arrivant pour trouver du travail ? Moi je vais faire le parallèle avec à plus petite échelle ce que j'ai pu faire en partant d'Angleterre. Moi pour le coup je suis parti travailler à Londres en tant que développeur d'applications mobiles une fois que l'iPhone était sorti, c'était en 2014. Mais quand je suis parti, moi j'avais un job pour le coup, j'avais pas de logement, j'avais pas de contact, je baragouinais l'anglais, mais j'avais le job. Toi, tu l'as fait dans l'autre sens, c'est-à-dire que t'avais un premier contact, mais pas de job, et guerre plus.
Stéphane : Oui c'est ça, mais je parlais anglais, donc ça aide beaucoup. Et ça aide d'autant plus qu'en fait, le levier que j'ai activé de façon extrêmement massive, c'était le networking, c'était le réseautage. De toute façon c'est simple, l'endroit où nous habitions c'était le fond d'un garage qui avait été aménagé en appartement, donc c'était en fait un petit espace cuisine avec un lit et une petite douche, donc pas grand chose, et donc, et dans un coin pas terrible de San Francisco, et donc la vraie vie entre guillemets elle se passait en dehors de cet endroit là, qui nous avait bien accueilli, il n'y a pas de problème. Mais en tout cas, ça nous poussait à sortir, ça me poussait à sortir, à aller rencontrer un maximum de personnes, des meet-ups tous les soirs, parfois même deux meet-ups par soir pour rencontrer des personnes. Et là, ce que j'ai vu assez rapidement, c'est qu'il y avait non seulement évidemment beaucoup d'entrepreneurs, mais il y avait aussi des employés. Et systématiquement, les employés avaient aussi un side project. Ils avaient aussi monté un petit business ou ils étaient en train de monter un petit business. Et donc, en fait, il y avait des opportunités partout que tu pouvais découvrir en parlant avec les uns ou avec les autres. Et pour le faire, il fallait être présent en fait, il fallait juste montrer sa face. Personne ne m'attendait. Personne n'avait besoin de moi et le mobile ça n'existait pas au tout début 2007 aux Etats-Unis. Le mobile aux Etats-Unis c'était rien. C'était l'Europe et l'Asie qui dominaient le mobile à l'époque. Il n'y avait pas de constructeur. Motorola faisait des téléphones, des terminaux. Ils ne faisaient pas des services ou très peu. Donc voilà, il fallait être visible.
Terry : Et ça, du coup, premier retour là-dessus, question par rapport à ces meet-up, donc tu enchaînes les meet-up pour rencontrer du monde. Est-ce que tu avais eu l'occasion de le faire déjà en France dans ces années-là ou pas du tout ?
Stéphane : Pas du tout, pas du tout. Et en plus, à cette époque-là, j'étais non seulement introverti, mais aussi timide. Et donc pour moi, et à tel point d'ailleurs, j'étais à tel point timide que j'avais du mal à parler avec les gens. J'avais du mal à aborder des hommes, des femmes, c'était compliqué. Et donc l'arrivée en janvier 2007 à San Francisco, se dire que la seule façon de trouver du travail, c'est d'aller parler avec des gens dans une langue étrangère, que je mettrais quand même, dans une langue étrangère, pour essayer de vendre une expertise ou de vendre un intérêt particulier pour mon profil, c'était pas simple, c'était pas naturel, naturel. Et en même temps, il n'y avait pas le choix.
Terry : Ça j'aime beaucoup et c'est vrai que c'est cette situation, enfin le fait de se mettre en dehors de sa zone de confort qui te pousse de toute façon au bout d'un moment à faire les choses, parce que comme tu viens de le dire, il n'y avait pas le choix. Par rapport à ça, par rapport à ces gestions que tu as pu avoir avec ces différentes personnes durant les meet-up, est-ce que, donc il y a un point que tu as mentionné qui je pense est intéressant, c'est le fait que tout le monde, même si c'était des salariés, ils avaient aussi des side-projects. ça veut dire quoi en fait pour qu'on comprenne aussi un peu cette façon de penser peut-être qui est propre je dirais pas aux Etats-Unis en général mais en tout cas la culture qu'il y a dans la Silicon Valley que d'avoir des side project en fait ça veut dire bosser une heure par ci par là sur un petit projet ou en fait essayer de quand même dédier du temps dessus.
Stéphane : Oui en fait ce qui se passait à l'époque et ce qui est toujours vrai aujourd'hui, c'est qu'il y a tellement de réussite professionnelle qui a été générée par la création d'entreprise par des personnes qui étaient relativement jeunes que ça inspire des générations. Et tout le monde n'ayant pas la possibilité de créer tout de suite une société, et salarié, Et ensuite, en faisant de l'acquisition de connaissances, de compétences, de réseaux et parfois même d'un peu d'argent, a la possibilité de se lancer à côté. Et au départ, oui, ce sont quelques heures par-ci, quelques heures par-là, puis ça devient un peu sérieux et c'est souvent le soir et le week-end jusqu'au moment où ils commencent à gagner bien leur vie et à ne faire que ça. Et j'ai croisé comme ça des entrepreneurs qui aujourd'hui sont à la tête, sont très très très très riches, voire connus. et qui à l'époque, on les croisait dans la rue, on les croisait à un meet-up, on ne savait pas qui c'était. Et des comme ça, il y en avait plein et en 2007, mais ces personnes qui s'étaient lancées en 2007, elles avaient comme référence des personnes qui s'étaient lancées en 2000 ou en 2001. Et donc il y a des générations comme ça d'entrepreneurs qui sont de la région ou qui viennent de la région, qui font leurs études ou qui finissent leurs études, qui se font débaucher par des boîtes. et qui après du coup sont dans cette espèce d'écosystème extrêmement vertueux où le succès attire le succès, le succès attire l'ambition, l'ambition attire l'argent etc. Ce qui fait que n'importe qui pouvait avoir des idées et surtout les compétences pour les mettre en œuvre. Et ça c'était la vraie différence pour moi, petit jeune français qui débarquait à SF, c'est qu'il y avait de la volonté, il y avait un peu d'expérience, il y avait du cash, mais la capacité de transformer une idée dans un projet avec directement une communauté locale pour soutenir, supporter et voir même être client.
Terry : Ouais donc le point compétences il est assez intéressant parce que quand tu dis donc des compétences pour mettre en oeuvre les projets ça va du fait qu'il y avait les cerveaux disponibles autour dans l'environnement mais aussi des personnes elles-mêmes je pense peut-être qu'on peut avoir moins parfois en France qui étaient capables déjà de sortir des premiers produits de leur propre main avec leur propre leur propre savoir quoi.
Stéphane : Exactement et en fait la grande différence à l'époque et peut-être un peu moins vrai aujourd'hui par rapport à la France c'est qu'il y avait beaucoup de personnes avec des compétences techniques qui avaient aussi une compréhension business. Et donc à ce moment-là, il y avait beaucoup de prototypes, de POC, de MVP, de débuts d'applications qui apparaissaient avec l'envie et l'appétence de ces personnes-là d'en plus en faire la promotion. d'en plus aller chercher les premiers clients. Je suis pas certain qu'à l'époque, en 2007 en France, les personnes qui sortaient des écoles d'ingénieurs soient aussi formées au commercial, soient formées au marketing. Et je pense que ça vient vraiment de l'éducation américaine où très jeunes on leur apprend et mes filles sont nées aux Etats-Unis. où on leur apprend via le show and tell à venir à l'école et à présenter des objets, à raconter des histoires, quelle que soit la formation, ça démarre très jeune, et donc ils ont cette capacité à raconter des histoires.
Terry : Ça tu peux juste expliquer pour du coup ceux qui sont pas familiers, moi tu m'en as parlé déjà en off le show and tell, mais ce que ça veut dire en gros qu'on apprend aux enfants effectivement ?
Stéphane : C'est ça, prenons l'exemple de ma grande fille qui est aujourd'hui à 15 ans, Ce qu'on lui demandait régulièrement, c'était de prendre un objet de la maison, quel qu'il soit, et de venir le présenter aux copains de classe en expliquant ce que c'était, d'où ça venait, etc. à l'oral. Voilà, il n'y avait pas nécessairement quelque chose de préparé, de très analytique, mais en tout cas de travailler son storytelling, et ça de façon régulière et depuis le plus jeune âge. Ce qui fait que, je pense que déjà à l'époque, et depuis toujours en fait, Les anglo-saxons et les américains en général ont cette capacité à raconter des histoires percutantes parce qu'ils sont entraînés depuis le plus jeune âge. Je pense qu'en France on a commencé à apprendre ce virage du storytelling depuis quelques années et ça se voit sur les réseaux sociaux, en vidéo, etc. eux c'est leur formation coeur et donc un ingénieur est quand même passé par cette formation coeur et donc peut développer une application, peut développer un site web, peut développer un produit et en plus le raconter, le vendre, le pitcher, etc.
Terry : Ce qui est hyper intéressant quand tu es au tout début pour réduire les coûts sur le marketing, c'est que tu as la capacité de le faire, tu n'es pas juste bon à produire le produit.
Stéphane : Quand on regarde les fondateurs des plus grosses boîtes, les fameuses GAFAM, Bon, il y a quand même beaucoup d'ingénieurs et ils sont tous à la tête des boîtes. Alors plus ou moins, certains sont partis, Jeff Bezos est parti, on les connaît. Mais en tout cas, à la base, ce sont des techs. Et ce sont des techs qui ont fondé des boîtes tech qui valent des milliards aujourd'hui et qui ont franchi toutes les étapes.
Terry : Ça montre aussi qu'en soi, ce qui est peut-être plus dur à acquérir, c'est finalement certaines compétences techniques. et que quand tu as un background plus commercial, du fait de l'éducation dans le pays, c'est pas quelque chose qu'ils vont aller chercher dans les études supérieures mais ils vont plutôt aller chercher des choses, ou après c'est peut-être aussi parce qu'ils n'ont pas eu ce background technique au départ et du coup ils vont le chercher dans le supérieur. pour rebondir par rapport à ces différents meet-ups. Ensuite, tu rencontres du monde, c'est bien, mais ça ne te donne toujours pas de job pour payer la nourriture ?
Stéphane : Non, pas vraiment. Je me rappelle de mon premier entretien et je l'avais fait vraiment à la française. Ce n'était pas dans SF même, c'était dans le sud, dans la pure Silicon Valley. Il fallait prendre le Caltrain. Il y avait une heure de trajet pour descendre. Je suis arrivé sur place et je l'ai fait à la française, c'est-à-dire que j'avais un costume cravate. Et là, la personne qui m'a reçu n'était pas un Américain, c'était un Anglais qui vivait là-bas depuis un petit moment. Il m'a dit, mais tu t'es pris pour quoi ? Enfin, je veux dire, on n'est pas en France ici. Tu retires la cravate. Et donc j'ai compris que j'étais déjà... Mon premier entretien, j'étais en décalage. Donc après, la cravate a disparu, la veste aussi a disparu. J'ai essayé de me mettre un petit peu, de fondre dans le moule. Ça n'a pas donné grand-chose, si ce n'est une leçon qu'il ne fallait pas être moi, le Français qui débarque, mais qu'il fallait être un immigré qui venait en Silicon Valley, d'accord ? Et ensuite, meet-up, meet-up, toujours ça a continué, rencontrer des personnes, qui te recommandent des personnes, qui te font découvrir autre chose ou quelqu'un d'autre, jusqu'au moment où il y avait une offre qui était plutôt très bien, qui me semblait sur le papier parfaite, et j'ai été présenté à une personne qui venait juste... Twitter venait de démarrer, d'accord ? une personne dont j'avais vu sur twitter qu'elle publiait beaucoup de choses pertinentes et donc moi ça me donnait envie tu vois d'aller lui parler la boîte était une société de blogging donc à l'époque en france on avait skyrock, skyblog pardon et la boîte s'appelait six apart c'était l'éditeur le premier éditeur de blog au monde le plus gros avec deux services moveable type et ipad Et surtout, ils recherchaient quelqu'un qui avait de l'expérience dans le mobile. Ils cherchaient un directeur mobile. Bon, ça tombe bien. J'avais un petit peu d'expérience, j'avais presque 7 ans d'expérience là-dessus et j'étais disponible tout de suite. Donc là, j'ai découvert les entretiens, les vrais entretiens à l'américaine où en fait, on n'est pas en train de te demander quelle école tu as fait, par quoi tu es passé, mais plutôt tes réalisations, tes apprentissages, tes échecs et tes réussites. D'accord ? Et en plus, ils l'ont fait de façon extrêmement structurée, ce qui m'avait surpris à l'époque, c'est-à-dire que j'avais passé l'après-midi, donc de 14h à 19h avec eux, et j'avais dû voir, donc j'avais vu ce directeur produit, j'avais vu la personne qui était en charge du développement, et j'avais vu une autre personne et les deux cofondateurs. Et à la fin de la journée, du coup, sur ce scope de 5h là, j'avais vu toutes les personnes qui pouvaient prendre la décision. Et en quelques jours, ils ont pris la décision, ils m'ont proposé de les rejoindre. Donc ça, pareil pour un français, pour moi à l'époque, rencontrer toutes les personnes importantes dans le même cycle, dans la même après-midi, ils avaient réussi à bloquer du temps, qu'ils s'enchaînent bien et qu'ils puissent prendre une décision aussi rapidement, ça m'avait marqué.
Terry : Et toi, est-ce que tu l'avais vécu pour le coup comme une situation stressante ou comment tu l'as pris au départ et au fur et à mesure peut-être de la journée que tu as vu avancer ?
Stéphane : Je serais présomptueux de dire que ce n'était pas stressant, parce que pour le coup j'avais vraiment envie du job, j'avais vraiment envie de travailler avec la personne dont j'avais vu les tweets, et plus j'allais dans les discussions avec les uns et les autres, plus je me disais mais en fait je vais apprendre vraiment beaucoup de choses. Je vais mettre à contribution ce que je sais déjà faire, mais je vais apprendre aussi beaucoup de choses. Donc oui le stress était là, puis encore une fois c'était, même si je parlais, je travaillais beaucoup en anglais jusqu'à présent, là on était avec des gens qui étaient des américains natifs sur le sol américain, c'est pas la même histoire. C'est pas comme parler à des anglais, des irlandais ou des espagnols en France sur le marché européen, c'est pas pareil. Donc c'est toi qui viens pour qu'elles proposent quelque chose. Et donc le stress était là, mais c'était le stress que je m'étais mis tout seul. C'était pas du tout inhérent à ce que eux mettaient sur la table. C'était plutôt dans une démarche bienveillante, on a besoin de ce type de compétences, on veut voir ce que tu as dans le ventre.
Terry : Très clair, donc ça l'a fait de toute façon. Première expérience, donc directeur mobile ?
Stéphane : C'est ça, directeur mobile pour Sixpart, ce qui correspondait du coup à sortir des applications. Alors ils avaient déjà une ou deux applications qu'ils avaient développées sur des vieux OS, Symbian et Java pour ne pas les nommer, tu connais peut-être d'ailleurs, ça te parle un peu ? Un petit peu, on parle de la préhistoire là, c'est pour ça. Et donc il a fallu essayer de voir ce qu'on pouvait faire de différent et de nouveau. Il n'y avait pas vraiment de Product Management 101 à l'époque, il n'y avait pas de bonne méthodologie, mais c'était vraiment plus essayer de réfléchir, de se concerter avec les parties présentes en interne pour essayer de faire des choses. J'ai commencé en mai 2007 et en juin il y a l'iPhone qui est sorti. L'iPhone avait été annoncé en janvier. En mai je démarre et en juin l'iPhone sort véritablement. Et là le CEO de la boîte, le jour même, arrive et me met sur le bureau un iPhone. il en avait acheté deux, un pour lui, un pour moi, et il me dit, Steph, qu'est ce qu'on peut faire avec ça ? Donc là pour le coup, tu vois, il y a un changement quand même. Là, la pression existe, parce que tout de suite on sait que le device est révolutionnaire. Le multi-touch, ça apporte des choses de dingue, l'expérience incroyable, et moi j'avais été pas mal frustré pendant toutes les années, j'avais fait de l'iMode, j'avais fait des applications spécifiques pour NTT Docomo, Est-ce que.
Terry : Juste on fait une pause avant de basculer sur le chapitre iPhone, c'est vrai que ça a été une révolution complète sur le monde du mobile, mais du coup avant l'iPhone, moi ce que j'ai en mémoire c'était qu'il y avait Blackberry qui était un peu le téléphone on va dire des C-level ou des businessmen assez occupés, et après Nokia qui avait.
Stéphane : Essayé de sortir quelque chose... Oui, Nokia avait du Symbian et du S40, donc Symbian c'était pour les téléphones haut de gamme, on pouvait développer dessus, et le S40 c'était l'entrée de gamme. Et puis après il y avait tous les téléphones java, qui étaient java compatibles, J2ME. Et pour le coup, quand on développait une application java, on n'était pas sûr que ça fonctionnerait sur tous les téléphones java. Donc c'était quand même très compliqué d'avoir une vraie stratégie mobile avec une super pénétration de marché et des services à valeur ajoutée. Donc là, on voit qu'Apple arrive avec une structure, avec un téléphone design esthétiquement incroyable, le multitouch on sait pas encore ce qu'on va en faire mais on sent qu'il va y avoir quelque chose d'intéressant mais par contre quand ils le sortent il n'y a pas d'app store. il n'y a pas d'App Store, il n'y a que du web, donc on peut faire des web apps et on peut en parler maintenant là. Ma première réaction c'est de dire ok il faut qu'on fasse une version optimisée web de nos sites, optimisé iPhone pardon, de nos applications web. Ce qui s'entend, de toute façon on peut faire autre chose et on veut pas simplement afficher l'écran à l'écran parce que l'écran était petit en plus, la résolution n'était pas formidable au début. Donc il faut faire une version spécifique et optimisée. Donc on s'attelle à la tâche. En septembre, on sort quelque chose qui est chouette, qui marche bien.
Terry : Donc septembre 2008 ?
Stéphane : 2007.
Terry : Donc l'iPhone tu l'as, donc avant même d'avoir l'iPhone sur la table, vous préparez déjà ?
Stéphane : Non, l'iPhone sort en juin 2007. Je l'ai en juin 2007.
Terry : Tu l'as en juin, pardon.
Stéphane : Je l'ai en juin 2007 et donc on sort la web app en septembre 2007. On est plutôt très content. Moi j'ai continué à networker quand même à ce moment-là et j'ai réussi à obtenir les coordonnées d'une personne chez Apple qui est en charge du Developer Relations. Donc je lui parle, je lui envoie un message, je lui parle et puis je lui dis voilà on a des choses qu'on peut vous montrer, on lui montre, il dit c'est super cool etc.
Terry : Je fais excuse moi aussi je refais une pause là dessus parce que c'est ça c'est typique également de ce qu'on peut trouver je pense dans la Silicon Valley de Developer Relations. on va avoir tendance à connaître naturellement les relations presse en France. Là, on parle de relations développeurs, donc ça montre aussi un peu à quel niveau ils mettent les personnes techniques dans ces écosystèmes-là. C'est que là, on parle du coup de personnes qui sont en charge de juste faire en sorte de pouvoir discuter avec les ingénieurs parce qu'ils savent que c'est eux qui vont ensuite construire sur les produits qu'ils vont développer.
Stéphane : Exactement, Terry. Et ça revient sur ce qu'on disait avant. C'est-à-dire qu'en fait, leurs utilisateurs sont les premiers développeurs, sont aussi ceux qui vont coder sur la plateforme. et c'est valable pour toutes les boîtes en fait pour toutes les boîtes de la tech là bas. Donc Developer Relations, Chris, qui me dit super etc et puis je lui dis bon allez on va se dire les choses entre nous, est-ce que vous avez prévu de nous permettre de développer des applications natives parce que c'est possible sur Blackberry, c'est possible sur Nokia, enfin sur Symbian, c'est possible en Java, pourquoi est-ce que c'est pas possible sur iOS ? Non non non on n'est pas dessus. Quelques semaines plus tard, on reçoit un email, je reçois un email avec un NDA à l'intérieur, qui demande de signer le NDA. Pardon, j'ai loupé une étape, je suis allé un tout petit peu trop vite. Et l'étape importante c'est qu'en fait on n'a pas eu encore à ce moment là le NDA, c'est arrivé plus tard. Donc avec mon équipe on a décidé de développer un prototype sur la base de macOS, en se disant si à un moment on peut développer sur l'iPhone, il est possible que les outils que l'on ait d'une part et l'expérience que l'on propose d'autre part soit assez proche d'une application native macOS. Donc c'est un petit pari. Le pari nous emmène à développer cette application. C'est là où je retourne voir Chris Bledsoe, pour ne pas le citer, en lui disant voilà on a une application, on a un prototype qui fonctionne sur macOS, qu'est ce que tu en penses ? dit c'est super et c'est là où je lui demande si on a accès, on peut avoir accès à une plateforme de développement, un SDK et il me dit non non mais il n'y en a pas et c'est là où trois semaines plus tard il m'envoie ce fameux ce fameux email avec un NDA et donc on accède sous NDA au SDK.
Terry : NDA non disclosure agreement pour les normes de confidentialité.
Stéphane : Et SDK donc le kit de développement pour faire cette application native, donc en toute discrétion. Et donc avec l'équipe, on change notre filet d'épaule, là on a vraiment ce qu'il faut pour développer l'application iOS, on la poffine, on la poffine, on la présente à Chris qui nous dit super, rendez-vous tel jour, telle heure à Cupertino. Et dans le NDA, il nous fait signer un autre NDA et en fait on ne doit pas dire où on est. Donc notre management, donc on part à trois, notre management ne sait pas où nous sommes. J'ai pas le droit de dire à ma femme entre temps, on s'est mariés, j'ai pas le droit de lui dire que nous sommes chez Apple. D'accord, c'est juste que je pars le matin, je rentre le soir, mais c'est pas ce que je fais. Personne ne sait ce qu'on fait. Et pourquoi ? Parce que pendant trois jours, alors on rentre le soir quand même, c'est pas trois jours non-stop, on arrive le matin, on a un badge, on nous emmène dans une salle privée, avec une seule porte et pas de fenêtre. On se retrouve à dix entreprises triées sur le volet, qui ont été sélectionnées par Apple. Et donc on a accès non seulement au SDK, bien sûr, mais on a accès à des développeurs, des designers, des storytellers, pour nous aider à construire une application qui soit plus appréciable, plus excitante, et développer le discours autour.
Terry : Donc vous avez fait partie concrètement des premiers à développer sur l'iPhone avec donc le kit de développement iOS, les premiers kits de développement iOS Objective C à l'époque.
Stéphane : Exactement, avant qu'ils ne sortent. Donc moi qui ne suis pas développeur si tu veux, je ne savais pas trop un peu ce qu'on faisait mais par contre la première des choses c'est qu'on a dû pitcher au Codeir d'Apple l'application qu'on voulait faire. Donc on a eu à l'époque, on a eu Phil Schiller, on a eu Scott Forstall, on a eu Tim Cook, qui ont à un moment validé. Donc là pour le coup, tu parlais de stress tout à l'heure pendant les entretiens, ce stress pendant l'entretien pour aller chez Sexopart n'était rien, rien par rapport au stress de présenter devant le Cotier d'Apple. Là pour le coup, je dois avouer que je faisais pas le malin. vraiment et donc le pitch s'est plutôt bien passé à tel point qu'ils ont dit ok on valide et donc là ils nous ont mis à disposition des ressources supplémentaires des bases de données d'images pour la partie storytelling des accès à des développeurs de chez eux etc et ils nous ont dit bon travaillez votre pitch parce qu'il va falloir maintenant présenter ça à Steve Jobs d'accord Donc on a travaillé le pitch, ça a été répété, répété, répété. Ça a été présenté à Steve, qui a dit go. Sauf qu'il a donné 2-3 orientations différentes, il a fallu changer les images. L'histoire c'était pas exactement la même que ce qui avait été pitché. Donc on a changé les images, on a changé l'histoire. Et donc, lors de l'ouverture officielle de l'App Store, lorsque ça a été révélé par Steve Jobs lui-même, donc il y avait dix applications, dont TypePad for iPhone, donc la nôtre. Ce n'est malheureusement pas moi qui ai fait la présentation, c'était Michael Cipi, la fameuse personne que je suivais sur Twitter, qui m'avait donné envie de travailler pour cette boîte, qui est un américain, produit très costaud, très solide et charismatique. Michael a fait la démonstration avec le développeur, Ray et donc de cette petite aventure entre guillemets d'un gars qui décide de faire un pari sur le développement d'une application native sur mac os puis avec un sdk puis etc en fait c'est devenu le plus gros succès de la boîte sixpart durant des années puisque le jour de l'annonce en fait le nombre de recherches sur google a été décuplé il ya eu énormément de personnes qui sont venus s'inscrire sur type ad et sachant que type ad c'était gratuit pendant sept jours et après c'était payant Et donc ça, ça a déclenché un peu de fierté, mais surtout, ça a débloqué l'étape d'après pour ma vie personnelle là-bas à San Francisco.
Terry : Du coup, plein de points hyper intéressants sur ce que tu viens de dire. Je veux pas revenir sur chacun d'eux, mais il y a un point sur le travail du pitch dont tu parlais. Je suis curieux de savoir un peu, vous en interne, là pour le coup avec des Américains, des Natifs, comment vous aviez un peu retravaillé ce pitch ? C'est quoi qui te reste en mémoire, si tu veux, sur ce retravail avant de le présenter à Steve Jobs ?
Stéphane : Oui, alors on parle de 2008, on est en 2023, donc ça fait 15 ans quand même.
Terry : C'est pour ça que je te demande ce qu'il te reste vraiment.
Stéphane : Ça fait vieux mais... Et donc on était parti sur une histoire de... D'ailleurs je crois que j'avais pris les premiers screenshots, je les ai toujours retrouvés, je les ai mis sur le post que j'ai fait sur LinkedIn. La première histoire c'était, Stéphane va au ballpark pour aller assister à un match de baseball des San Francisco Giants et donc comme ma famille est restée loin, je veux documenter, prendre des photos, des vidéos et faire un post sur mon blog pour le partager avec mes amis restés en France. C'était ça l'histoire initiale. Et c'est pas ça du tout qui est resté. Ce qu'on a gardé, c'est Michael qui veut profiter de la vie nocturne à San Francisco et qui veut manger une pizza avec ses amis. Donc l'histoire est différente. Mais surtout, ce qu'il fallait, c'était une incarnation locale. Et d'ailleurs tu vois, mon histoire c'était le ballpark à San Francisco avec l'équipe locale, Michael c'était son histoire de manger dans une pizzeria à San Francisco. Et d'ailleurs à l'époque, et c'est encore un peu moins vrai aujourd'hui mais ça l'est toujours, il y a toujours une incarnation locale très sans franciscaine dans les présentations de produits d'Apple.
Terry : C'est vrai que maintenant que tu le dis, j'ai en mémoire sur les WWDC des fois, souvent les exemples de K avec des cartes qui sont justement des cartes autour de Copertino et ça fait le lien quand même avec cet aspect très écosystème où avant d'aller toucher le monde entier, ils commencent ici pour convaincre les premières personnes et ils savent que ces personnes-là vont pouvoir aussi aider à toucher derrière le monde entier parce qu'elles ont l'ambition de faire des choses grandes.
Stéphane : Exactement, et c'est d'autant plus vrai qu'une des neuf autres applications s'appelait Loopt, et Loopt c'était un réseau, alors ça va parler à personne, mais jusqu'à un moment je vais dire un nom, Loopt c'était un réseau social hyper local, dont le fondateur s'appelle Sam Altman. D'accord. Et donc Loopt n'a pas eu beaucoup de succès. Il y avait d'autres applications, il y avait l'application MLB Adbat, enfin il y avait d'autres applications. Loopt, donc ce réseau social hyper local, la présentation qui en a été faite était aussi basée sur les gens avec lesquels tu pouvais networker dans la région de San Francisco. C'était ce que vendait Sam Altman à l'époque.
Terry : Hyper intéressant, ouais effectivement après ça revient. d'autres aventures pour le coup sur ce qu'il a fait derrière. Après ce premier gros succès qui t'a permis de lancer un peu ta carrière aux US, qu'est-ce que ça a été la suite ?
Stéphane : Ça a déclenché deux choses. Déjà, ça a déclenché une reconnaissance au sein même de l'entreprise parce qu'ils ne savaient pas où on était et du jour au lendemain, ils ont découvert en même temps que les autres qu'on avait bossé en cachette. Il y avait une grosse fierté de la part de l'équipe et donc une grosse reconnaissance. Donc si tu veux, là c'était gagné en quelque sorte. Et ils m'ont offert ce qu'ils appelaient le Sixpart Award. Et ce Sixpart Award, qu'est-ce que c'était ? C'était une chose un peu futile, c'était une étoile sur un post-it. Donc c'était pas grand chose. Mais ils ont sponsorisé ma carte verte. Et ça, ça a tout changé. Ça a tout changé parce qu'ils voulaient me garder, que la carte verte c'était un dispositif qui est un peu long et coûteux. J'étais sur un visa qui ne me permettait pas de rester très longtemps. On parle de juillet 2008. Mon visa arrivait à expiration en novembre 2008. On avait fait une demande de visa qui s'appelle H-1B, mais comme à l'époque c'était l'âge d'or, il y avait beaucoup de personnes qui venaient et qui postulaient, plus que de nombre de visas disponibles et donc il y avait un tirage au sort. Et je n'ai pas eu mon H-1B par tirage au sort. Et donc la seule façon de rester et de pouvoir travailler, c'était ce qu'ils m'ont offert, c'est-à-dire la carte verte. Mais sauf que la carte verte c'est minimum un an et demi pour l'avoir, en mode accéléré.
Terry : Et donc comment tu fais à partir de novembre jusqu'à...
Stéphane : Alors, juste, si tu me permets une toute petite parenthèse, octobre-novembre 2008, c'est la crise des subprimes. Yes. On est pile là. Et donc, c'est à ce moment-là où l'économie mondiale bascule, où aux Etats-Unis, dans la tech, il y a des licenciements monstrueux. J'ai assisté chez Sixepart à 40% de licenciements dans la journée. Voilà, donc le matin, on arrive tous, 40% des effectifs qui partent le midi. Et moi, ils ne m'ont pas fait partir, parce que de toute façon, trois semaines plus tard, mon visa arrivait à expiration. Donc c'était un moment difficile pour l'économie en général, pour la tech en particulier, pour la région évidemment, et pour beaucoup de personnes, parce que tu perdais facilement ton travail et t'en retrouvais pas aussi facilement que d'habitude. Et donc moi quand mon visa est arrivé à l'expiration, alors on l'avait anticipé, on le savait, il se trouve qu'à l'époque j'étais marié et que ma femme à l'époque avait eu son H-1B, donc j'avais un visa dépendant, un visa H-4 qui me permettait de rester sur place. C'est d'autant plus important qu'on avait eu une première fille. en mars 2008, mais je n'avais pas le droit de travailler. Donc je pouvais vivre sur le sol américain, mais je n'avais pas le droit de travailler. Donc là c'est compliqué, parce que tu sais que tu ne peux pas te faire embaucher, qu'il n'y a pas de visa disponible, que tu as un processus de carte verte qui est en cours, et que ce processus pendant un an et demi ou plus tôt, et peut-être deux ans, va t'empêcher de faire quelque chose. Tu n'es pas disponible en fait, tu ne peux rien faire. Et on ne te conseille pas de quitter le territoire américain non plus.
Terry : En fait c'est une situation de rapprochement de conjoint, mais ça sous-entend dans l'idée de ce visa là que le conjoint gagne assez pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille complète.
Stéphane : Exactement, et la vie locale était déjà chère en 2008. Donc pas simple, mais il y avait quand même l'espoir de pouvoir s'en sortir avec cette carte verte, ce processus qui avait démarré, qui avait été financé par Six Apart. Donc là c'est un autre moment, un autre chapitre, on est déjà au deuxième chapitre et ça fait un peu plus d'un an qu'on y est, ça fait un an et demi qu'on y est ? Ouais, presque deux ans disons. Et donc qu'est-ce que je fais ? Là je recommence à nettoyer, ça m'occupe intellectuellement. Je rencontre un maximum de personnes, je vais voir des boîtes françaises, non françaises. Il y a Viadeo qui était arrivé là-bas à ce moment-là. Il y a Orange qui avait des gros bureaux là-bas. Je me suis dit, tiens, avec ce que j'ai fait, je vais peut-être aller voir Orange. Et donc je vais rencontrer, j'avais des amis, des contacts là-bas. Et ce qui est assez rigolo, c'est qu'à un moment, je vais chez Orange. Et dans le lobby du bâtiment, je rencontre mon copain Cyril, Cyril de l'Astérix, et on se dit on va rentrer sur San Francisco, parce que c'était au sud de SF, on va rentrer sur San Francisco, on va déjeuner ensemble. Donc on prend nos voitures, on rentre, on déjeune ensemble, on papote, on papote. Cyril est fan de foot, je suis fan de foot aussi. Puis à un moment il me dit un truc et je suis sûr qu'il a tort et j'ai aucune preuve. Et je lui dis mais Cyril en fait ce qui manque aujourd'hui c'est simple, il nous faudrait un IMDB du football, Internet Movie Database du football. Il me regarde, je le regarde, il me regarde, bref. Bref, pendant 3-4 secondes, je pense que j'avais compris qu'il fallait que je bosse sur cette idée-là, parce que c'était évident, parce que lui et moi, on avait compris qu'on avait besoin d'avoir une source de référence sur les données statistiques du football, ce qui est un gamme d'Ibi pour le cinéma, et c'est devenu le projet qui m'a accompagné pendant des mois et des années. Donc je n'avais pas le droit de travailler, je n'avais pas le droit de gagner ma vie, je n'avais pas le droit de faire du volontariat, Mais il y a un projet qui est arrivé, qui était plus fort que tout, sur lequel je me suis penché pendant un petit moment.
Terry : Et donc startup à l'américaine là pour le coup.
Stéphane : Startup à l'américaine mais en mode caché.
Terry : Donc ça démarre en mode stealth comme on dit, sous-marin.
Stéphane : Oui et ce que j'ai fait tout de suite c'est d'aller parler avec une personne dans laquelle j'avais extrêmement confiance et qui est un français et qui selon moi avait des compétences qui étaient complémentaires des miennes en me disant, et qui avait le droit de travailler aux Etats-Unis, ce qui n'était pas négatif ou neutre dans l'histoire, pour en faire un associé, un associé co-founder. Je l'ai pitché, il aime le foot, il a aimé l'idée, donc on s'est lancé. Le problème c'est que lui était plus RH, administratif, etc., organisation. Moi j'étais plus produit et puis je commençais à travailler un petit peu plus la partie relationnelle, etc. Donc il nous manquait clairement un gars pour faire la tech. Clairement, parce que sinon une base de données sans personne pour faire la base, ça n'existe pas. Et donc on a fait jouer notre réseau, jusqu'à rencontrer une personne qui était arrivée quelques semaines avant, qui allait chercher du boulot, et on lui a dit écoute on n'a pas un boulot à te proposer, Par contre on va te proposer d'être cofondateur d'une boîte qui va faire ça et il aimait le foot et il avait envie du challenge et je pense qu'on l'avait un peu bien pitché aussi et donc il nous a rejoint et quand on a on a incorporé la boîte on a créé donc la boîte c'était donc tous les trois et on a commencé en effectivement en mars 2009 et c'est à pleine crise des subprimes alors là c'est l'hiver nucléaire des investissements Oui là je voulais dire.
Terry : Tu vas pas lever des fonds en ce moment là quoi.
Stéphane : Eh bien pourtant on a essayé. Ok. Pourtant on a essayé.
Terry : Et ça s'est passé comment du coup ?
Stéphane : C'était long, c'était douloureux. Toute l'année 2009 a consisté en un enchaînement de résultats négatifs, de réponses négatives. Parce que rétroactivement, il faut se dire la vérité, le football, le soccer aux Etats-Unis c'est pas le sport préféré mais ça on le savait. Pitcher des hommes blancs de 40 ans sur du football en Californie, c'est clairement pas la bonne idée. Encore moins quand il s'agit de 2009 où grosso modo il y a beaucoup d'argent qui s'est évaporé. Donc c'est la pire des idées, au pire des moments, au pire des endroits. Sauf qu'on n'avait pas le choix, que j'y croyais, qu'on y croyait. Et donc pitch après pitch, nom après nom, à chaque fois je me disais on se rapproche du moment où on pourra avoir un oui, et le premier oui va en déclencher l'autre. Ça ne nous a pas empêché de développer la solution, d'avoir un prototype, de le montrer, de pouvoir y dire regardez, il y a l'idée qu'on vous vend et puis il y a l'exécution qu'on réalise, d'aller trouver des consultants advisors d'extrême grande qualité. On a pu avoir comme advisor le CTO de l'UFA, l'ancien président de la fédération américaine de football, de soccer pardon, enfin voilà, US Soccer Federation pour être précis. Et donc, en ayant des gens de qualité qui pouvaient nous conseiller, on pensait qu'on allait pouvoir passer à l'étape d'après. Et toute l'année 2009, ça a été non, non, non, non et non.
Terry : Et ça durant 2009, vous le financez comment du coup ?
Stéphane : On finance sur nos fonds propres. Et dans un premier temps, nos bureaux sont partagés avec l'atelier BNP Paribas à San Francisco, des amis. Et en échange de quoi, je fais, j'organise un ou deux événements de temps en temps pour faire venir, utiliser mon réseau finalement pour le mettre à contribution. Ça nous permet aussi de rencontrer des Français ou des sénateurs, des ministres qui viennent leur parler un peu du projet, de créer des connexions. Tu vois, c'est win-win. Mais il n'y a rien qui sort de ça. Rien du tout. Si ce n'est qu'on continue à travailler, qu'on rajoute des bases, qu'on rajoute des championnats, qu'on rajoute de l'historique, qu'on rajoute des compétitions. Donc c'est difficile vraiment, j'ai l'impression, je fais traîner le truc mais c'est vraiment long parce que c'est toute une année à te prendre des noms.
Terry : C'est pas rien oui, moi j'espère qu'après tu vas me dire il y a eu un petit moment, enfin j'ai quand même ma petite idée. Mais effectivement un an à prendre des noms sans financement donc c'est vraiment non non, c'est-à-dire que c'est pas comme si t'avais par exemple quelqu'un qui t'avait dit oui je t'accorde ma confiance et que tu te prends des noms pour vendre ton produit, c'est non pour financer et du coup et pas encore j'imagine non plus de grosse traction derrière quoi.
Stéphane : On commence, on commence. Et puis comme on est plutôt bien connectés maintenant dans la vallée, il y a des non-américains qui aiment le foot, qui commencent à regarder. On utilise les réseaux sociaux notamment Twitter et Facebook pour se faire connaître. sans budget marketing puisque on n'a pas de budget donc on le fait sans budget avec nos petits bras, on dort pas beaucoup. Et moi il y a ma deuxième fille qui doit arriver en mars 2010 quand même donc c'est assez compliqué mais je dirais il y a deux choses La première des choses c'est qu'à force de prendre des noms, je ne suis plus le Stéphane introverti et le Stéphane timide. Je crois tellement dans notre projet, dans ce qu'on veut démontrer, dans le fait qu'il y a une audience pour ça, que malgré les noms, ça me renforce, ça ne me tue pas, ça me renforce. Et ça me développe cette capacité à oublier les craintes, les peurs, de toute façon je les ai affrontées et je les affronte à chaque fois que j'ai un non. Donc à dépasser ça mais de façon naturelle, c'est même pas volontaire tu vois, c'est de façon naturelle et ça me transforme profondément et aujourd'hui je dis merci à ces gens qui m'ont dit non, c'est un peu bizarre. mais j'ai aucun problème à exprimer en public, même devant des salles avec des centaines de personnes, il n'y a plus de problème. J'aurais été incapable de l'imaginer, juste de l'imaginer. J'aurais tremblé de toutes mes feuilles. Bref, donc ça c'est la première chose. Et la deuxième chose, c'est qu'à un moment, on a pitché tellement de monde qu'en fait on a fait le tour mais que du coup on est top of mind. Et il y a une des personnes qui nous avait dit, moi je ne connais rien au football, mais je vois que vous êtes motivé, mobilisé. En novembre, je crois que c'est en 2008, je crois que c'est le 18 ou le 19 novembre 2008, cette investisseur là m'appelle et me dit Stéphane, j'ai les équipes de Capital de M6 qui viennent à San Francisco pour me suivre, est-ce que tu veux bien me repitcher devant les équipes de Capital ? Dans la demi-seconde je lui dis oui. Qu'est-ce que j'ai à perdre ? Rien, rien du tout. Et là il est surpris, il me dit tu te rends compte c'est la cinquième personne que j'appelle et les quatre autres ont dit non. Je dis mais ils sont fous ou quoi ? Qu'est-ce qu'ils ont à perdre ? Bref, donc moi je dis oui, on prépare, j'arrive avec des chiffres, je lui montre qu'on a déjà de l'attraction et ce qui nous manque c'est de l'argent en fait, on espère qu'on a de l'attraction. Donc le pitch se passe très bien. Il y a une caméra, il y a un journaliste de Capital, donc ils sont deux. Ça se passe super bien. À la fin, il vient me voir le journaliste en me disant « est-ce qu'on peut se parler ? ». Je dis « bien sûr, pas de problème ». Il me dit « Stéphane, il faut qu'on te dise un truc, c'est que l'année prochaine, donc c'est 2010, il y a la Coupe du Monde en Afrique du Sud, M6 a acheté les droits et on aimerait beaucoup pouvoir changer un peu le sujet et faire on suit un français entrepreneur de la Silicon Valley qui lève des fonds. Est-ce que tu serais d'accord ? Dans la demi-seconde je lui dis oui, pareil j'ai absolument rien à perdre. Je dis quand même qu'il faut qu'on en parle à l'investisseur parce que ce n'était pas le sujet initial. Le journaliste va voir l'investisseur, lui explique en quelques phrases. L'investisseur en quelques secondes lui dit absolument, je suis tout à fait d'accord et ravi. Et donc là ça bascule parce qu'on sait que cet investisseur là a confiance parce que je lui ai dit oui. parce que je vais être visible sur le projet et qu'on lui a montré qu'on avait l'attraction. Donc en fait toutes les cases d'un précide finalement elles sont cochées et lui accepte tout de suite qu'on bascule et du coup le reportage devient effectivement deux journalistes, enfin un journaliste et un cameraman qui me suivent à San Francisco pendant trois jours Et le reportage passe un dimanche soir à l'heure de grande écoute en France, donc avec les 9 heures de décalage horaire. Et donc il y a des millions de personnes qui regardent et qui découvrent Footballistic en live. Donc ça, ça change beaucoup, beaucoup de choses.
Terry : Pour les plus curieux, Archive Capital de 2010 du coup ?
Stéphane : Oui, je ne l'ai pas retrouvé. Franchement, je la cherche régulièrement.
Terry : Donc si vous la trouvez, n'hésitez pas.
Stéphane : À envoyer à Stéphane. Oui, je veux bien, parce que je ne l'ai pas retrouvé. Ça m'embête un peu, donc je prends. Oui, c'est une belle histoire. C'est 30 minutes du coup, un reportage de 30 minutes sur comment lever des fonds à San Francisco. C'est monté différemment que ce que s'est passé dans la vraie vie, mais peu importe. À ce moment-là, en fait, ça crédibilise, ça légitime et on a des appels de partout. y compris de personnes qui n'ont jamais investi d'argent dans toute leur vie, mais qui veulent acheter un petit peu de lumière, un petit peu de San Francisco, tu vois, un petit peu de rêve finalement. Et puis c'est du foot et peut-être que ça leur parle, etc. Donc on se retrouve avec beaucoup d'appels entrants. On a même Opta, que les gens qui aiment le foot et le sport et la data connaissent, puisque c'est un fournisseur de data du sport, qui me contacte et qui me propose de me vendre de la donnée. Donc je lui dis, je pense que vous n'avez pas bien compris, puisque c'est exactement ce qu'on fait, mais en bite aussi. Donc on va pas acheter de la donnée chez vous pour la repackager et la revendre en B2C, ça fait pas de sens. On produit nous-mêmes notre data. Donc là ça change tout et un bonheur n'arrivant jamais seul, quelques jours après, il y a ma carte verte qui arrive. Donc ça a été plus rapide que ce qu'on pensait, bien plus rapide. Et donc c'est là où on fait le switch et je peux officiellement devenir le CEO de la boîte. Parce que j'étais caché, alors il y avait quand même un reportage de Capital avec ma pomme sur les écrans d'M6 pendant 30 minutes, mais aux Etats-Unis ça se voyait pas, tu vois. Donc voilà, au mois de janvier 2010, il y a l'aventure footballistique qui prend une autre tournure. Sur le plan personnel, j'ai ma carte verte. On sait qu'on va pouvoir avoir de l'argent, ça me rassure énormément par rapport à la famille ou à la naissance de ma deuxième fille, notre deuxième fille qui doit arriver bientôt. Donc là c'est soulagement et pourtant c'est que le début parce que là ça veut pas dire que c'est fini, ça veut dire surtout qu'on va avoir de l'argent pour pouvoir recruter du monde. pour pouvoir mener des opérations et pour pouvoir être prêt pour la coupe du monde de la FIFA 2010 en Afrique du Sud en juin. Donc en fait on a six mois pour dérouler.
Terry : C'est un soulagement et en même temps grosse pression derrière pour délivrer quand même un peu de temps.
Stéphane : Oui, mais pour le coup c'est de la pression positive parce que tu sais que là tu vas pouvoir appliquer ta vision. Tu sais que tu vas pouvoir avoir les moyens et on monte à 9 personnes. Donc là on a 3 développeurs en plus, on a 2 stagiaires, marketing, on recrute des gens de nationalités différentes exprès. Évidemment au passage on fait des erreurs de recrutement, ça arrive, même parmi les stagiaires, c'est pas grave en fait. On a dû se séparer d'une personne parce qu'on s'est rendu compte qu'on avait pas pris la bonne décision, la concernant, c'est pas grave. Et donc on développe tout et en juin 2010, il y a la Coupe du Monde qui se lance et nous on a un site web qui est prêt. C'est un soulagement aussi mais c'est juste encore une étape parce que là en fait il faut que le site tienne mais comme il était tombé pendant la diffusion de Capital, on savait ce qu'il fallait qu'on fasse pour que ça tombe pas. On avait tout mis en cache, on avait tout fait bien pour Capital, c'était quand même tombé. Et là, à l'ouverture de la Coupe du Monde, on a des centaines de milliers de personnes qui arrivent sur le site.
Terry : Pareil, désolé, je fais une pause pour les plus técosses, mais qui l'auront certainement compris, on est à l'époque où il n'y a pas encore une généralisation d'AWS et des loud balancers qui te permettent d'absorber la charge sans même t'en rendre compte. Là, on est à l'époque où effectivement tu branches tes PC, tes serveurs à la mano derrière, ou après je ne sais pas quel était votre setup, mais le cloud en tout cas n'est pas ce qu'il est aujourd'hui.
Stéphane : Non, on avait un serveur sur lequel on avait tout, un Ruby on Rails en plus. Tu peux imaginer la scalabilité du poussin. Donc c'est pour ça qu'on avait tout mis en cache, mais c'était pas suffisant, on avait trop de monde en même temps. C'est normal, une émission qui fait plusieurs millions de spectateurs, si t'en as même 1% qui regarde, ça va péter ton serveur. C'est un pic en plus, c'est même pas distribué. Bref, coupe du monde 2010, et là en fait on a tout en route, on a tout qui marche bien. et on a des centaines de milliers de personnes qui arrivent. Donc en termes B2C, on a beaucoup de visibilité, on a des milliers de followers sur LinkedIn, pardon, pas sur LinkedIn évidemment, sur Facebook et sur Twitter. Une des communautés actives, on a des relais d'opinion qui commencent à se former. On est vraiment sur la bonne voie. Et puis, on avait levé un demi-million de dollars, 500 000, ce qui en soi n'est pas beaucoup, mais c'était quand même déjà bien pour pouvoir payer des gens. Et on tient quand même les comptes. Donc on a recruté des gens, on n'a pas tout cramé, mais on sait à quel moment on n'a plus, parce qu'on ne gagne toujours pas d'argent.
Terry : C'est ça, vous ne faites pas rentrer d'argent.
Stéphane : Et là, à ce moment-là, tout le monde nous dit, ne vous en faites pas, vous êtes en phase de croissance. C'était ce qu'on disait à l'époque aux startups. Faites de l'audience, vous trouverez une façon de monétiser. On ne dit plus ça aujourd'hui, encore moins là maintenant au moment où on enregistre, c'est fini, la fête est finie. En tout cas à l'époque c'était fête de la croissance, vous saurez monétiser d'une façon ou d'une autre, il n'y aura pas de problème. Nous, pas bête, on suit les conseils, d'accord ? De toute façon on se dit, ces gens là sont des investisseurs, s'ils nous donnent ces conseils là, c'est parce qu'ils le savent et puis au pire ils perdent leur argent, donc il n'a absolument pas intérêt de nous dire ça. Il faut leur croire, les croire pardon. Donc on les suit, on rajoute des fonctionnalités, on rajoute des choses, on crée des outils et on crée des outils et je me dis tiens ces outils là on va les vendre en B2B. Pourquoi ? Parce que la coupe du monde 2010 c'était la première en Europe et dans beaucoup de régions dans le monde où les paris étaient officiels et légaux. Donc c'est là où on a vu les bwin, les betclick et compagnie qui ont émergé. Ça n'existait pas en Europe avant, c'était pas légal, enfin pas dans tous les pays. Et donc on avait dit on va créer des outils pour permettre aux parieurs de former des pronostics qui ont plus de chances de passer. Mais pour ce faire, plutôt que de développer un budget marketing qu'on n'a pas, on va créer des outils B2B qu'on va aller vendre à des médias. C'était ça le pari. Et donc je venais en France régulièrement. pour aller parler à des sites de pari en ligne, à des médias. Dans cette FASF, la série sur LinkedIn, j'ai parlé d'un média, en particulier d'une radio du sport, que tout le monde écoute, qui a été ok pour faire ça avec nous. Donc on a signé un deal. C'était un deal d'échange de visibilité. Donc on leur donnait l'accès à nos outils. pour aider Christophe Payet et l'équipe autour de lui à sortir des statistiques intéressantes contre quoi il nous offrait de la visibilité en mentionnant la marque footballistique à l'antenne. Fair, c'est honnête comme deal. Donc on leur a fourni l'accès. Sur les quatre comptes qu'on a fournis, il y en a un qui a été utilisé seulement, c'était par Christophe en l'occurrence. Les autres n'ont pas été utilisés, c'est dommage, c'était ceux qui parlaient à l'antenne tous les soirs. Et Christophe utilisait nos datas, on le savait, puisqu'on voyait ce qu'il faisait, ce qu'il utilisait. A aucun moment la marque footballistique n'a été citée à l'antenne. A aucun moment. Et je le savais parce que j'écoutais l'émission, j'écoutais les émissions, c'est pour ça que j'avais pensé à eux. Donc le deal n'a pas été respecté, donc ça ne nous a pas aidé. Donc cette partie-là de notre monétisation n'a pas pu être activée et donc on s'est dit, comment est-ce qu'on va faire pour rapidement avoir de la monétisation en B2C ? C'est dit surtout là où on se rapproche de la fin de l'année, c'est compliqué là. Donc il faut qu'on aille lever de l'argent pour nous permettre d'avoir les moyens pour activer la monétisation. Et donc je suis revenu en France encore, j'ai pitché beaucoup de gens. dont Maxime Monsigny, qui m'a été présenté, qui a écouté avec beaucoup d'attention, mais qui m'a dit après qu'en fait il n'allait rien faire parce que c'était le moment où ils vendaient Mitica Match, c'était donc fin 2010, précisément. Et ça s'est concrétisé en début 2011. Donc bref, on n'a pas réussi à lever, on n'a pas réussi à activer la monétisation en B2C, en B2B on n'a pas réussi à vendre non plus, et donc il a fallu à un moment qu'on se résigne n'ayant plus de cash, à dire à tout le monde de partir. Aux Etats-Unis, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, tu peux partir en quelques minutes. Moi j'avais un petit peu anticipé les comptes, j'aurais dit écoutez il nous reste quelques semaines, il nous restait deux mois je crois, de cash en banque. Je leur ai dit si vous partez maintenant, enfin si vous décidez de partir, en fait pendant les quatre prochaines semaines vous pouvez venir au bureau, vous pouvez être payé si vous voulez. Mais le focus pour vous c'est de retrouver du travail en fait. Je vous donne un mois en gros, c'est comme si je leur devais les payer un mois, mais ils étaient plus obligés de travailler pour Footballistic. Donc c'est ce qui s'est passé. Et en 15 jours ils avaient tous retrouvé. Donc c'était un soulagement pour moi à titre personnel. Mais après à titre individuel, on avait raté la société. On avait toujours la base, on avait toujours les assets, mais on n'avait plus les moyens de la maintenir, de mettre à jour et de faire la publicité, de passer à l'étape d'après. Donc il a fallu qu'on arrête en fait. Il a fallu qu'on arrête.
Terry : Et du coup, merci déjà pour tous ces détails de cette expérience-là. Avec maintenant le recul, est-ce qu'il y a des points, quels sont les... Un gros apprentissage que je retiens, c'est toi, à titre personnel, cette capacité vraiment à débloquer des peurs, des craintes que tu avais sur ta timidité et ta capacité à prendre la parole en public. Au-delà de ça, après sur l'aspect peut-être si on vient un peu avec l'angle produit, des choses que maintenant avec le recul tu dis oui effectivement quand je le regarde je me dis que c'est des erreurs évidentes mais en même temps fallait peut-être les faire parce que certaines erreurs tu dois les faire même si tu connais la démarche en tirerie correcte. Quels sont tes plus gros apprentissages en fait ?
Stéphane : En sous-jacent, si vous avez bien écouté messieurs mesdames, très clairement vous avez compris que j'ai lancé ça sur la base de mon besoin. La première erreur est là, c'est-à-dire que la conviction qui était dans les tripes qu'il y avait un besoin était liée à mon appétence pour le sujet et à mon besoin d'avoir ce type de solution, ce type de produit disponible en ligne. Il se trouve que Cyril en face a eu le même besoin, donc pour moi l'étude de marché a été validée. On était deux, l'étude de marché était validée. Et comme en plus en en parlant avec les cofondateurs et avec les copains, ils disaient ouais c'est bien, vas-y, vas-y, fais-le, j'ai pas eu besoin de tester le marché en fait. L'énorme erreur, parce que si on avait testé, on aurait sans doute fait des choses différemment, peut-être qu'on aurait activé la monétisation bien plus tôt, ou peut-être qu'on aurait simplement mis les outils à disposition, puis à un moment on aurait dit bah à partir de maintenant c'est payant. on aurait sans doute fait des choses différentes si on avait collecté les insights. quand on a arrêté Footballistic, donc mi-2011, c'était évident, et c'est à ce jour, que plus jamais je ne ferais cette erreur-là. Il faut toujours partir sur des besoins qu'on a validés, sur des hypothèses qu'on a réalisées, et qu'après on doit vérifier par du feedback. L'erreur ne se reproduira plus jamais dans ma vie. Ça c'est la première vraie réalisation. Et la deuxième, c'est que quand on construit une startup, ou quand on est dans une équipe produit, L'humain c'est le facteur clé. Je ne sais plus à qui je disais ça. La semaine dernière je disais ça à une entrepreneur qui est en train de s'associer avec une autre personne. Je leur ai dit mais en fait c'est comme si on était dans un contrat de mariage en fait. On passe plus de temps avec la personne avec laquelle on travaille qu'avec sa moitié ou son conjoint ou sa conjointe. C'est un truc de dingue. Donc il faut s'assurer qu'il y ait un élément total. Et j'ai eu d'autres projets entrepreneuriaux depuis. Et du coup j'ai développé un espèce de petit formulaire questionnaire pour valider quelles sont les attentes, les ambitions, les besoins, les contraintes, les limitations, etc. Pour être sûr qu'on se dise tout dès le début, qu'on le sache pour démarrer. Et je pense que même quand on recrute quelqu'un dans une équipe produit, C'est pour ça que je mets vraiment l'emphase sur les soft skills. C'est important qu'on ait de la curiosité, j'ai un framework là-dessus, qu'on ait de l'intégrité et d'ouverture. Ce sont trois des caractéristiques que je recherche quand je recrute un PM. Et ça c'est pareil, c'est un apprentissage fort de mon expérience footballistique. On ne peut pas s'associer avec n'importe qui, que ce soit en cofondateur ou en collaborateur.
Terry : Très très clair et c'est vrai que la partie soft skill après quand tu dis l'intérêt de la partie soft skill 100% aligné là dessus mais c'est aussi parce que derrière t'es déjà face à des profils qui ont les hard skills.
Stéphane : Oui.
Terry : Il y a ça quand même qu'il faut pas je pense Alors oui et.
Stéphane : En même temps tu peux aussi te dire que s'ils n'ont pas les hard skills tu vas pouvoir les aider à les acquérir. C'est à dire que si tu as une personne qui par exemple n'a pas d'humilité et même plutôt arrogante mais est extrêmement douée, est-ce que tu as envie de travailler avec cette personne ? Versus une personne qui est beaucoup plus humble, qui n'a pas encore les compétences mais tu sais qu'elle va pouvoir parce qu'elle est humble les acquérir.
Terry : Effectivement, vu sous cet angle, le point que je mettais sur la partie soft skill c'est plus parce que parfois on peut avoir tendance à se dire bon ben c'est bon je suis une personne agréable avec laquelle travailler, j'aime apprendre, je suis curieux, du coup je vais trouver du travail facilement. Moi ce que je voulais dire c'est que dans certaines situations, notamment dans une startup, chaque recrutement c'est une autre personne que tu vas pouvoir prendre à la place de celle-ci et t'as besoin de livrer très très vite.
Stéphane : C'est vrai.
Terry : Et du coup, effectivement, si t'as les soft skills qui te donnent cette capacité d'apprendre, why not, mais tu vas devoir apprendre très très vite.
Stéphane : C'est vrai.
Terry : C'est là où je voulais mettre l'accent parce que avoir des gens qui sont volontaires et veulent apprendre, très bien, mais entre vouloir apprendre sur un ou deux ans ou apprendre en trois mois pour être capable de livrer l'équivalent d'un seigneur qui a cinq ans d'expérience, c'est pas la même chose.
Stéphane : Mais ça n'arrivera pas. Ouais. Ce dernier point n'arrivera pas. Oui, d'accord. Il faut se dire les choses. Dans mon framework de recherche de soft skills, la dernière lettre c'est le N de nimbleness, donc c'est la vivacité d'esprit. Et effectivement quand on cherche quelqu'un, même si la personne n'a pas 5 ans d'expérience dans le domaine, ce n'est pas grave, à partir du moment où elle est vive d'esprit, elle va être en capacité de créer des analogies, de les piocher dans différentes expériences ou dans d'autres domaines. pour raccrocher les wagons et puis apporter de la valeur.
Terry : Yes, très clair. Du coup, avant de fermer ce retour d'expérience à San Francisco, après cette expérience, donc après la fermeture de Footballistic, tu as quand même continué un petit peu.
Stéphane : Oui, il y a eu encore deux belles expériences. Alors la première, ça n'a pas duré très longtemps. J'avais besoin d'atterrir dans un environnement un peu calme et je me suis pas retrouvé dans un environnement calme en réalité. J'avais un ami qui était entrepreneur, plutôt connu en France, qui s'appelle Loïc Lemaire, qui avait monté une société qui s'appelle Ancysmic. Je vois que ça te rappelle quelque chose.
Terry : Je connecte des points dans mon cerveau. Qui a monté aussi la plus grosse conf à l'époque, le web à Paris.
Stéphane : Exactement. et qui avait vendu sa société à Sixpart. Il y avait vraiment plusieurs points et donc il habitait déjà à San Francisco à ce moment là, que j'ai aidé un peu sur le côté et lorsque Footballistics s'est terminé pour moi, il m'a proposé de le rejoindre pour m'occuper de lancer d'autres produits chez Seesmic, dans l'incarnation numéro 2 de Seesmic, ce que j'ai fait. Et à ce moment là, Salesforce a investi dans Seesmic, ce qui nous a demandé de pivoter à nouveau, donc incarnation numéro 3 de Seesmic, pour faire du CRM en mobilité natif. Donc on parle de 2011. Donc à l'époque Salesforce avait du HTML5, des solutions HTML5, il n'y avait rien de natif. Donc leur investissement a permis à Salesforce de déployer une solution développée par Seesmic de CRM mobile en natif. Et c'est là où j'ai découvert véritablement les principes de l'agilité. D'ailleurs j'ai mis une petite vidéo il n'y a pas très longtemps avec une vidéo qui explique... Mes équipes de développement qui étaient basées en Roumanie à Bucarest et moi basé à San Francisco donc 10h de décalage horaire. Dans l'agilité on est quand même recommandé d'être colocalisé, évidemment avec 10h de décalage horaire c'est compliqué. Donc il a fallu s'adapter, il a fallu pour le coup être agile au sens strict et premier du terme, plutôt flexible du coup. Et on avait trois mois, donc là il y avait une deadline, ce qui n'est pas très agile. Mais en trois mois, on devait sortir une application iOS et une application Android native pour du CRM, sachant que je ne connaissais absolument rien en juin et qu'on devait livrer pour Dreamforce en fin août. Donc un gros challenge. Mais pareil, c'est le type de challenge où moi j'y vais, ça me plaît. Et donc on a appris en faisant. jusqu'à livrer ce qui était prévu, plus une application Windows Mobile, plus une synchronisation dans le cloud. En fait, et d'ailleurs c'était la démo qu'a fait Loic durant Dreamforce, c'était la possibilité de créer quelque chose, une opportunité ou un contact sur iOS et de montrer que sur le téléphone Android ça venait d'être créé à l'instant. Ça a fait des mots, pas mal. On l'avait développé en intégrant tous les rituels et toutes les cérémonies agiles et en demandant à des clients de Salesforce de faire partie des rétrospectives avec nous. On faisait des sprints d'une semaine, donc c'était très très intense. Mais ça nous a permis aussi à chaque fois de rajouter des retours directement dans le sprint d'après et donc de livrer de la super qualité très vite. ça n'a pas suffi donc il fallait faire un quatrième pivot pour Seesmic, là j'ai dit je suis fatigué moi je peux pas, je peux pas revenir à l'incarnation 2 sachant qu'on vient de lancer 3 et de plus dans ce temps là j'ai essayé de vendre Seesmic, j'ai essayé de vendre Footballistic parce que c'était du gâchis donc je l'ai proposé à ESPN donc la chaîne de télésport américaine qui n'a pas accepté mais par contre qui m'a embauché.
Terry : Ok.
Stéphane : Voilà donc ça on en parle de novembre 2011 Non, je dis des bêtises, novembre 2010, pardon.
Terry : Je pense qu'on est en 2011.
Stéphane : Novembre 2011, pardon, c'est ça. Je me disais qu'il me manquait une année. Et donc là je me retrouve catapulté dans une entreprise qui appartient à la galaxie Disney. Donc canon, moi je suis très fan de Pixar, enfin ça se voit, de Pixar, de Marvel, de Lucas, enfin si t'es ici, chez moi, tu le vois. C'est assez évident, il y a des.
Terry : Traces un peu partout.
Stéphane : Je confirme, je confirme. Et donc on m'a surtout demandé de revenir à mes premiers amours qui étaient de développer des applications mobiles natives, ESPN, multi-formats, multi-supports, multi-pays, multi-langues. Et donc j'étais en charge du digital international pour ESPN. depuis mon masse à la manger, ce qui était plutôt très cool. Donc tu vois là on est dans la masse à la manger, j'ai plutôt une habitude de bosser chez moi, donc je faisais du télétravail en 2011 et avec mes équipes qui étaient pour partie à Seattle, à New York, à Bristol Connecticut et puis des relais dans plein de pays pour déterminer véritablement quels étaient les besoins de chacun des pays en termes de licence, de sport, de type de contenu à fournir, etc. Et je me suis retrouvé du coup à gérer aussi la relation avec Nokia et Microsoft, puisqu'à ce moment-là Microsoft avait racheté la partie Nokia Windows Mobile, et donc ESPN devait faire une application mobile native payée par Microsoft sur format Nokia, Windows Phone.
Terry : J'aime bien l'anecdote, j'arrive pour vendre une société et je repars avec un job, c'est assez sympa. Tu es resté pendant combien de temps chez eux ?
Stéphane : Je suis resté jusqu'à ce qu'on quitte San Francisco en août 2013. Et objectivement, j'aurais adoré rester dans la boîte. Donc on est parti de San Francisco pour des raisons personnelles, pour rentrer en France, et en France il n'y avait pas d'ISPN en fait, tout simplement. Donc il n'allait pas créer une structure ISPN France, il y avait une structure ISPN en Angleterre, mais qui ne pouvait pas me détacher, j'ai essayé de me faire transférer, il ne pouvait pas, donc il a fallu que je quitte ISPN, à regret, parce que j'aimais beaucoup la marque. Il y avait énormément de potentiel et encore aujourd'hui, en 2023, ils font plein de choses innovantes. Donc ouais, c'était incroyable parce que notre application a été distribuée dans plus de 180 pays, en quasiment 20 langues, avec des dizaines et des dizaines de sports différents qui agrégeaient des flux d'informations, audio, texte, vidéo, que l'on créait nous-mêmes. Donc il a fallu mettre en place aussitôt un back-office qui allait bien pour distribuer dans la bonne langue le bon contenu dans le bon pays, sur le bon device. C'était une grande complexité technique sur un type d'interface spécifique et particulier. Ce n'est pas de la iOS, ce n'est pas l'Android.
Terry : Et là-dessus, sur cette dernière expérience, en termes de retour au produit, qu'est-ce que tu gardes de fort comme chose qui a vraiment bien fonctionné et que tu aimerais pouvoir appliquer ?
Stéphane : Ce qui a bien fonctionné, c'est ce que j'ai appliqué ensuite quand je suis arrivé chez AXA en France, c'est la transformation agile, la transformation de la boîte par des projets menés de façon agile. C'est-à-dire qu'en plus là, comme je le disais, j'avais personne à mes côtés, donc c'était éclaté, explosé. Et donc la mise en place de rituels, de documentation, alors non pas sur ce qu'on devait développer, mais de l'organisation, donc documenter les choses d'organisation, faire des comptes rendus, enfin en tout cas moi je faisais, je faisais le rôle de PO, de Scrum Master, je prenais tous les rôles à la fois et plus en plus la vision stratégique sur le produit et la distribution. Donc ça m'a appris que Ça m'a appris qu'il ne fallait pas être dans le dogme, qu'il y avait des bonnes bases à avoir, mais qu'il ne fallait pas être dans le dogme parce que certes en Scrum il y a trois éléments séparés, le PO, le Scrum Master et l'équipe de réalisation. mais que, en réalité on s'en fiche, ce qui compte c'est que les responsabilités de chacun des rôles soient menées et réalisées. Et de fait, moi ça m'a permis d'appliquer en dehors de Seesmic et donc chez ESPN dans une grosse boîte, les principes de l'agilité avec des boîtes qui n'étaient pas agiles elles-mêmes, avec des fournisseurs qui n'étaient pas agiles, avec des équipes au sein d'ESPN qui n'étaient pas agiles. Donc en fait je suis arrivé à une espèce d'aiguillon agile à distance qui m'a fait comprendre qu'avant faire du produit on pouvait le faire en mode cycle en V mais que par contre agile c'était quand même vachement bien pour le faire et que même si on respectait pas au pied de la lettre et que même si on n'avait pas la possibilité d'être présent physiquement côte à côte ça ne nous empêchait pas de faire du super boulot.
Terry : Très clair, ce que j'aime bien, quand tu disais beaucoup documenter, donc la logique du travail asynchrone, de la culture de l'écrit, tu disais c'était pas documenter ce qu'il fallait faire, mais c'était documenter comment travailler ensemble. Et c'est aussi du coup derrière cette logique de la culture de l'écrit, c'est aussi la logique de la responsabilisation de chacun, que chacun va être capable de savoir la bonne chose à faire, et que c'est plus une question de bien coordonner tout le monde en fait. Et ça je pense que c'est une nuance mais qui est loin d'être... négligeable parce que c'est ce qui fait toute la différence entre du micromanagement on te dit faut faire ça et que ça marchera jamais parce que le jour où personne te dit quoi faire tu sais pas quoi faire versus on t'empower comme on dit dans certaines grandes boîtes pour réussir à savoir quoi faire.
Stéphane : Et tu vois c'est un écueil que j'ai assez rapidement j'ai pu éviter parce que j'ai découvert Scrum en étant à 10 heures de mes développeurs. En fait moi je suis, je le dis souvent, j'étais un micromanager. Je suis un espèce de gars qui contrôle, qui aime bien le contrôle. Mais je ne pouvais pas contrôler parce qu'ils étaient trop loin, ils ne pouvaient rien faire.
Terry : Et tu avais besoin de dormir.
Stéphane : Et j'avais besoin de dormir. Oui, alors je me levais à 5h30 tous les matins pour faire des stand-up à 6h, il était 16h pour eux. J'avais essayé le soir pour moi, mais j'étais claqué, donc ça ne marchait pas, donc je me levais plus tôt. Donc le micro-management était impossible. J'étais obligé de transformer un petit peu ma façon de réagir parce qu'il n'y avait pas le choix, encore une fois. Ça fait plusieurs fois que je dis parce qu'il n'y avait pas le choix, mais c'est vraiment ça.
Terry : Très très très clair. Déjà merci pour tous ces partages Stéphane. Avant d'aller un peu vers mes deux questions type de fin d'échange, est-ce qu'il y a un point en particulier que tu aimerais mettre en évidence, qu'on n'a pas assez abordé ou juste que tu aimerais souligner par rapport à ce retour d'expérience que tu viens de nous partager ?
Stéphane : Je dirais il y en a un et demi. Je vais commencer par le demi. Mais c'est ce qu'on vient juste de dire en fait, c'est que C'est très bien de connaître la théorie, de lire des bouquins, d'écouter des podcasts, et je parle pas du tien, je parle de tous les podcasts. Ce qui est très important c'est la pratique. Donc, je ne dirais jamais assez que la théorie c'est bien, la pratique c'est mieux. Il faut toujours commencer par la théorie, c'est difficile de faire que de la pratique parce qu'on risque de mal faire. Si tu te jettes dans le bain, dans la piscine et que tu n'as jamais appris à nager, tu vas te débrouiller, tu vas avancer, tu vas flotter, mais ça va pas être génial. C'est pareil pour le product management, avant de sauter dans le bain, il faut quand même savoir un peu comment tu fais pour nager. Mais après, une fois que tu as appris dans les bouquins comment faire pour nager, là tu peux y aller et tu vas le faire. Donc ça c'est mon demi-point. Et je dirais le vrai point c'est que Qu'est-ce que c'est qu'une vie si on prend pas de risques ? C'est-à-dire que c'est facile pour moi de dire ça parce que j'ai pris beaucoup de risques et que je vais encore en prendre. Néanmoins, si on ne fait que passer de 0 à 81 ans à peu près en moyenne, à juste être là pour faire les choses qu'on nous dit de faire, être dans des clous et suivre une voie qui est toute tracée, soit par des raisons sociales, des raisons familiales, des raisons X, Y ou Z, sans prendre de risques, sans sortir de sa zone de confort, finalement on n'aura fait que passer. Et je pense que la vie c'est pas ça, que la vie c'est outre le fait de laisser une trace par le fait d'avoir des enfants par exemple mais pas que, il faut arriver à vaincre sa peur. Je dis souvent finalement qu'est-ce qui peut arriver de pire en fait si tu le fais pas ? Enfin, si tu le fais. Et du coup, qu'est-ce qui peut t'arriver de pire si tu ne le fais pas ? Et si tu regardes les deux, finalement, il vaut mieux parfois prendre le risque, se planter, mais se dire, je l'ai fait, c'était cool, j'ai appris quelque chose dans le meilleur des cas, plutôt que de regretter toujours. Il y a quelques trucs que je regrette dans ma vie, de ne pas être parti à l'étranger plus tôt, mais c'est aussi ça qui m'a poussé à partir à San Francisco et à rester contre vents et marées. contre tout l'environnement, et c'est ça qui va me faire prendre encore des risques dans la vie.
Terry : Ça je partage 100%, j'aime bien et je pense que ton demi-point et ton point se rejoignent au final, la notion de biais par l'action. C'est-à-dire tu pourrais avoir un biais de théorie, moi je préfère le biais de l'action, c'est-à-dire vaut mieux. y aller trop que pas y aller assez parce qu'on réfléchit trop avant. Donc là-dessus, 100% aligné avec ce que tu dis, même si j'ai pas encore ton jeune âge, même si t'as que 48 ans.
Stéphane : Mais tu es parti à l'étranger aussi, t'as vécu ça.
Terry : Oui, oui, bien sûr. Et puis je compte encore voyager, bien sûr. Donc c'est pour ça que sur ce parcours que j'ai découvert au travers de tes postes LinkedIn à San Francisco, c'est aussi pour ça que je voulais enregistrer cet épisode parce qu'il y a pas mal de choses sur lesquels je pouvais reconnaître, en tout cas réimaginer les émotions que j'avais eues moi aussi en prenant littéralement l'avion, pareil, pour aller moins loin parce que j'étais resté au Royaume-Uni, mais c'est quand même la même logique de sortir de sa zone de confort, de casser tous ses freins, donc merci pour tous ces partages. Donc maintenant pour aller vers mes deux questions type de fin d'épisode, donc la première c'est est-ce que tu as une ou... Je sais que tu en as, mais du coup sélectionne-en les maximum trois, mais au minimum une conviction forte avec laquelle en général tu es en désaccord avec tes pairs quand tu la partages.
Stéphane : En fait, il y a une conviction forte que je partage régulièrement et je me suis rendu compte récemment qu'elle avait gagné du terrain. Donc c'est plus tout à fait vrai. C'est que selon moi, il faut tuer le métier de Product Owner et à l'aune de ce que je viens d'expliquer quand même, c'est-à-dire que j'ai été PO moi-même et j'ai recruté des PO. mais qu'aujourd'hui je pense que la séparation PO-PM ne fait plus de sens, séparer le discovery et le delivery ça ne fait plus de sens et que à la limite si vous voulez vraiment avoir un chef de projet pour faire la partie delivery et ne faire que du delivery appelez le chef de projet en fait c'est ok c'est pas grave. Mais c'est plus vraiment... L'idée commence à se renforcer en fait. La même idée il y a un an, ça marchait pas. Et pourtant il y a un an je le disais déjà. Il y a quelque chose qui est très fort aussi, que j'ai encore dit la semaine dernière pendant un live, c'est que Si vous êtes trop près des méthodologies et des frameworks, vous risquez d'être tout le temps à la mode et finalement de ne pas travailler de la bonne façon. Je l'ai un peu illustré au gré des discussions qu'on a eues là tout à l'heure, mais c'est vachement bien de lire le dernier bouquin, c'est super bien de regarder le dernier framework, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il faut absolument l'adopter. Et la mode, le principe même de la mode, c'est qu'à un moment c'est démodé. Donc si quelque chose qui a marché il y a dix ans ou quelque chose qui a marché dans un cadre n'est pas dit que ça fonctionne même si ça se vend bien.
Terry : Très clair et je trouve ça assez pertinent aussi. Aligné sur POPM, complètement aligné sur les sujets effectivement de mode comme tu dis. Et puis souvent quand t'es à la mode en fait t'es déjà démodé parce qu'il y a une nouvelle mode donc bon.
Stéphane : C'est ça. Là je vois émerger ShapeUp en force là depuis quelques mois. Pour le meilleur ou pour le pire, chacun se fera son opinion. Mais c'est tout récent, c'était du Basecamp, c'est Ryan Singer qui l'a développé chez Basecamp. Est-ce que ça veut dire que c'est bon pour tout le monde ? Il faudrait quand même réfléchir. et j'ai eu des discussions très récemment encore la semaine dernière sur le fait que dans une boîte il y avait une personne qui n'arrive pas à avoir la qualité en termes de délivery et puis le respect des deadlines qui sont affectés et qui pense qu'en changeant de méthodologie en passant depuis du scrum à du shape up ça va résoudre son problème quand en creusant en posant deux trois questions seulement tu te rends compte que c'est un problème de CTO. de personne. Un problème humain. Donc attention aux idées toutes faites, aux solutions toutes trouvées, le framework ou la méthode n'est jamais la solution.
Terry : Très très très clair et du coup pour aller vers ma dernière question c'est quelles sont les choses qui toi te nourrissent intellectuellement, t'inspirent ?
Stéphane : Très trop curieux, donc il y a beaucoup de choses qui me nourrissent. Je consomme beaucoup de podcasts, notamment les podcasts américains. Je suis très fan de tout ce que fait Wondery, notamment Business Movers, Business Wars, j'aime beaucoup. Parce qu'en plus il y a du storytelling qui rend les choses encore plus intéressantes. je lis beaucoup beaucoup de choses sur LinkedIn, je passe un petit peu trop de temps sur LinkedIn surtout en ce moment, mais pour lire il y a beaucoup d'échanges avec des pairs aussi, beaucoup beaucoup, je pense que sur une semaine je dois parler à une dizaine de personnes en moyenne et parfois jusqu'à 15 minutes, parfois un peu plus mais parfois jusqu'à 15 minutes, je continue à aller à au moins un meetup par semaine C'est plus facile quand on est à Paris, même si avec les enfants c'est plus compliqué, mais quand même. Donc c'est, oui, ce qui est écrit, encore une fois, la théorie, mais surtout de la pratique, tu vois, par les échanges avec des pères, la pratique, récupérer ce qu'ils en pensent.
Terry : Très, très clair. Et donc pour les personnes qui voudraient te contacter, j'imagine le LinkedIn c'est le meilleur endroit pour venir t'échanger avec toi.
Stéphane : Oui.
Terry : Ou des meet-ups sur Paris pour potentiellement te rencontrer aussi.
Stéphane : C'est ça, c'est ça, donc LinkedIn effectivement, Stéphane Delbecq, je crois que c'est S Delbecq, si ma mémoire est bonne. Et puis j'ai une newsletter aussi, mais peut-être que tu mettras ça dans les liens. Et voilà, et donc toujours prêt à discuter, à échanger, à écouter. c'est ce qui me motive aujourd'hui.
Terry : Top, merci encore pour ton partage et puis pour tout ce que tu partages aussi sur la commu, donc continue la commu francophone, continue à écrire, à nous raconter des histoires aussi et on va continuer à échanger autour de tout ce qui touche aux produits de près ou de loin. Merci Stéphane.
Stéphane : Merci Terry.