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Olivier Courtois, Faire du produit en pré Product Market Fit dans le consumer social

Épisode #61 | Publié le 27 mars 2024

Olivier Courtois

Olivier Courtois est le co-fondateur du product studio Uku.

Monter une startup dans le B2C, ça n’est pas simple.

S’attaquer au secteur du consumer social, ça l’est encore moins !

Et pourtant, c’est le choix ambitieux qu’a fait Olivier.

Mais, comme toute aventure entrepreneuriale, le chemin n’est pas tout tracé…

Olivier et son équipe sont en recherche du fameux Product Market Fit (PMF).

Et je trouve que la recherche du PMF est un sujet trop peu abordé dans notre écosystème produit.

Alors, j’ai décidé d’inviter Olivier à mon micro pour qu’il nous partage ses retours d’expérience.

Dans cet épisode riche en vécu, vous découvrirez (entre autres) :

  • Le hack ultime pour tester une idée à moindre coût.
  • Qu’est-ce que cela signifie que de faire du produit pré Product Market Fit.
  • Comment optimiser sa delivery pour itérer le plus rapidement possible.

Ressources :

Bonne écoute !

Transcription de l'épisode : "Olivier Courtois, Faire du produit en pré Product Market Fit dans le consumer social"

Terry : Salut Olivier !

Olivier : Salut Terry !

Terry : Merci de prendre du temps aujourd'hui donc pour parler produits dans un contexte de consumer social, de création de produits dans cet univers. Donc ça va être la thématique de notre échange et avant de rentrer dans le vif du sujet, je te propose de te présenter puis de présenter ce que tu fais.

Olivier : Donc je suis Olivier, j'aime bien dire que ça fait 10 ans que je suis dans la tech, mais maintenant je crois que je suis plus proche des 15. J'ai fait plusieurs métiers successifs, du développement, du design et du product management. En product management, j'ai plus récemment été product director chez ManoMano. Donc juste après les premières grosses levées de fonds, la grosse croissance, etc. Donc beaucoup de structuration, beaucoup de travail sur plein d'éléments. Ensuite, je suis devenu VP Product chez Comet, une startup, une marketplace qui met en relation des freelance avec des missions et des clients. Et depuis maintenant deux ans, j'ai lancé Uku avec deux associés, qui est une startup dans le consumer social dont on reparlera juste après. Et en parallèle de tout ça, parce que j'aime bien faire plein de choses, j'ai une newsletter sur le produit qui s'appelle Productverse, et une activité de coaching où je mentor en gros généralement des Head of Product, VP Product, CPO, mais aussi parfois des individuels contributeurs.

Terry : Très, très, très clair. Donc pour rentrer dans le vif du sujet, qu'est-ce que c'est que vous faites chez YouCook ? Comment tu définirais un peu votre produit, service ? Je te laisse me présenter ça.

Olivier : Alors le produit, il a pas mal évolué, mais je vais déjà peut-être repartir un peu du début, le problème, qu'est-ce qu'on essayait de faire. L'idée du coup, elle est née pendant le confinement, le Covid, etc. On s'est dit, en fait, il y a de moins en moins de place sur les réseaux sociaux pour passer du temps avec ses meilleurs potes. On les voit de moins en moins. On a un petit peu Snap, pour les plus jeunes, et puis un peu les Stories, donc c'est vraiment une bande de 100 pixels sur ton téléphone, sur Insta. Mais au-delà de ça, il y a de moins en moins de place, ou alors ça s'est déplacé dans les groupes chat. Donc en gros on s'est dit, est-ce qu'il n'y a pas... vraiment un endroit à créer dans lequel on pourrait resserrer les liens avec les gens qui comptent vraiment. Et ça, ça a été vraiment le point de départ de Uku. Uku, on est à la V3, on va dire, à la troisième pivot, on pourrait appeler ça maintenant. Donc on a eu un premier chapitre qui était très... Finalement, si je devais résumer ce qu'on faisait, c'était comme un Discord en 3D. Donc t'avais une île en fait en 3D que tu pouvais créer avec tes potes. Plus vous passiez de temps, plus vous aviez d'espace et plus de capacité de customisation et la possibilité d'aller en live et de discuter comme on est en train de faire là, mais même à distance. Donc tu pouvais partager ton écran, parler, etc. Ça, c'était la véhence du coup. Ensuite, on a créé un nouveau produit qui s'appelait Beep qui était autour du voice messaging. Et je pourrais te reparler des transitions entre les différentes étapes. En gros on voulait faire en sorte de créer une messagerie où le voice message devient vraiment un first class citizen et ça on l'a travaillé pendant une petite année à peu près jusqu'à la fin de l'été et ensuite on était arrivé sur notre troisième chapitre qui s'appelle Backstage dont la première version vient juste d'être acceptée par Apple aujourd'hui même là juste avant que tu arrives et voilà.

Terry : Très clair. Juste pour revenir sur la dernière chose que tu viens de dire, c'est vrai que vous avez une app sur l'Apple Store et les procédures de validation Apple sont humaines, contrairement à ce qui se passe sur Android. Et derrière, ça peut prendre en moyenne jusqu'à 10 jours et il y a vraiment des guidelines hyper strictes à suivre. Quand tu dépends que de sacs pour la distribution, il y a quand même pas mal de pression quand tu sors des projets.

Olivier : Oui, exactement. C'est-à-dire que toute l'équipe s'est donnée pour sortir une version. On était prêts, je crois, quasiment mi-janvier, là on est fin janvier, et on a mis quasiment dix jours d'aller-retour avec Apple pour arriver à trouver ce qui n'allait pas, etc. Il y a toujours un petit truc. Et ce qui est marrant, c'est que c'est humain, et en plus c'est des procédures où on voit pas vraiment plus loin que le bout de son nez, donc on nous donne des choses à faire, on les corrige, on se dit ok, ça devrait être bon, et puis on arrive sur le prochain, on bute sur une nouvelle chose, etc.

Terry : Très clair, très clair. Du coup, pour compléter aussi notre thématique, c'est vrai que j'ai oublié de le préciser, mais on va parler d'abord dans le consumer social pré-market fit, parce que c'est aussi le sujet comment tu construis un produit avant d'avoir trouvé ton market fit, parce qu'on a pas mal de littérature et j'ai déjà fait pas mal d'épisodes aussi sur les cas de produits qui ont déjà trouvé leur marché, qui sont en phase d'accélération. mais quand on est en train de le chercher ce marché, souvent ce qui revient c'est un peu le mode freestyle quoi, tu fais un peu tout en parallèle mais je suis intéressé du coup par avoir ton retour d'expérience sur le freestyle que toi tu vis aujourd'hui avec ton équipe, comment vous le gérez. Donc déjà là tu as parlé de plusieurs, en l'espace de même pas deux ans ou à peu près deux ans, plusieurs pivots, plusieurs ajustements. Comment vous êtes parti dès le départ sur juste une intuition ? Qu'est-ce qui vous a donné la première étincelle au-delà de l'aspect Covid et d'avoir constaté un peu ce besoin ? Comment vous l'avez constaté ? Et derrière, comment vous vous êtes un peu donné des étapes pour savoir si vous l'avez fait pour ensuite pivoter ?

Olivier : Ouais, ok. Un des apprentissages principaux, on va peut-être commencer par ça, c'est que dès que tu es prêt product market fit, donc on connaît tous le terme, on ne l'a pas forcément tous vécu cette étape, grosso modo qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'on n'a plus à gagner qu'à perdre, on n'a pas de clients d'utilisateurs, on n'a pas de data, donc en fait on est quand même beaucoup à fonctionner avec une vision et une intuition. Et pour être capable de pivoter vite, en réalité, le learning principal que nous on a eu au tout cours des deux ans, c'est qu'il ne faut pas tester des hypothèses faibles, il faut tester des hypothèses fortes. Alors qu'est-ce que j'appelle une hypothèse forte ? Ça veut dire que tes solutions ou tout ce que tu amènes sur le marché, ça ne peut pas être tiède. Parce que si c'est tiède et que, en gros, entre la solution 1 et la solution B, il va y avoir un petit incrément de quelques pourcents, évidemment qu'avant que tu aies suffisamment de volume, d'utilisation, etc., pour être capable de vraiment mesurer un impact significatif, ta boîte sera déjà morte. Donc forcément, on peut pas faire ça. Donc nous, ça veut dire qu'à chaque fois qu'on est parti, et je vais répondre à l'autre partie de ta question juste après, on est parti d'une intuition, généralement qui est étayée par des discussions avec les utilisateurs, etc., ou en tout cas notre cible qu'on peut avoir. Et généralement, on essaie de mesurer un peu des comportements, des signaux faibles de comportement qu'on verrait chez notre entourage ou chez les ados avec qui on peut discuter. Et fort de ces comportements, on essaie de se dire, ok, c'est quoi un peu notre théorie là-dessus ? Est-ce qu'on pense que c'est un comportement qui va se généraliser ? Et si c'est le cas, c'est quoi la solution la plus bolde qu'on peut trouver, qui ne laissera pas les gens de marbre ? Soit ils vont adorer, soit ils vont détester. Parce que si leur réaction allait « Ah ouais, c'est cool », mais sans plus, déjà, ça sera très dur d'activer ces gens, et en plus, ça sera très dur de déterminer est-ce qu'on est dans la bonne direction ou est-ce qu'en fait, on est en train de perdre notre temps et ce temps, il serait mieux utilisé ailleurs.

Terry : Là-dessus, donc deux points que je trouve hyper intéressants que tu as dit. Le premier, c'est qu'on n'a plus ça à gagner qu'à perdre. Et ça, c'est vrai que du coup, vu que tu n'as pas encore ta base client, etc., tu peux te permettre, c'est un peu le unfair advantage, j'ai envie de dire, quand tu es prêt à market fit, c'est de te dire, en fait, tu peux y aller à fond sur un truc qui pourrait être tellement risqué pour quelqu'un qui a déjà son market fit qu'il ne le ferait pas. Vous, vous pouvez vous le permettre puisque de toute façon, il n'est pas encore là. Et l'autre point du coup c'est directement lié à ça, ce que tu viens de dire c'est que de ce fait il faut aller sur des convictions, vraiment des tendances fortes et pas faire des choses qui sont dans des tendances moyens qui vont prendre beaucoup de temps avant d'avoir l'attraction nécessaire. Donc par rapport à ça donc assez clair sur donc vous avez vos intuitions vous dites ok là on teste on y va de manière assez assez bold et puis en fonction bah si on n'a pas l'attraction qu'on attendait on pivote donc ça c'est ce que vous avez fait du coup deux trois fois Donc là, qu'est-ce qui a fait, à l'étape où vous êtes actuel, que vous êtes parti sur cette thématique-là, sur la thématique que tu n'as pas encore détaillée, mais la nouvelle version de ce que vous avez sorti. Qu'est-ce qui vous a emmené ici et comment vous y êtes arrivé ?

Olivier : C'est marrant parce que les trois idées qu'on a testées pour l'instant, elles ne sont pas nées de la même manière. La première, pendant le Covid, c'est née d'un besoin personnel. On se dit qu'on ne peut voir personne, on a tous fait des zooms apéro, c'est l'horreur. On commence à avoir popé des discords plus intimistes et on se dit que c'est cool. on reste dans un truc qui est très monolithique ou qui n'est pas très émotionnel, qui n'est pas très immersif, dans lequel potentiellement on se dit il y a une place pour aller inventer un nouvel usage. Donc nous on commence cette idée d'un Discord en 3D, donc en gros ça se résumait par une île, t'invites des potes sur une île, et cette île elle est désertique, Et plus tu invites tes potes, plus tu passes du temps avec eux, plus vous collectez, plus vous avez des moyens de créer votre « colloque virtuel ». Et dans cet endroit-là, on peut partager sa tête, partager son écran de téléphone. Donc, on pouvait vraiment streamer son tel et mater des TikToks ensemble ou commenter des choses, etc. et discuter comme on le fait là. Donc, cette idée-là, elle n'est vraiment à un moment d'un besoin que nous-mêmes en avons ressenti.

Terry : Garde ensuite la suite, c'est juste que ce que tu viens de décrire me fait penser à quelque chose que j'avais utilisé il y a un moment, je pense que tu avais dû le voir passer, qui s'appelait Abohotel.

Olivier : Bien sûr, une grosse inspi, c'est sûr. C'était une grosse inspi, donc c'était Abohotel, mais on était vraiment pour le coup en pur 3D, pas juste de l'isométrique, etc. Donc typiquement, ce premier produit, nous prend pas mal de temps à faire sortir de terre, parce qu'il faut poser la vision, il faut le développer, donc là on passe, donc on lance notre startup, on lève assez facilement de l'argent, honnêtement, parce qu'on a une équipe, on était bien entouré, bien, et dans le bon moment, en vrai, le timing est toujours clé, puisque c'était, nous on commence à bosser là-dessus, je pense, dans l'été, et deux mois après ou trois mois après, il y a Mark Zuckerberg qui dit que la boîte Facebook va s'appeler Meta et que le Metaverse c'est l'avenir. il s'avère que notre truc ressemble vaguement à ce qu'on pourrait appeler une émanation du metaverse. On n'avait pas de théorie particulière sur le metaverse, mais du coup, tout d'un coup, notre téléphone n'arrête pas de sonner et c'est facile d'élever de l'argent. Donc à ce moment-là, on peut créer une équipe, mais on met quasiment huit mois à faire un MVP, parce qu'il te faut un niveau de qualité. Alors ça, ça a été un des learnings évidemment. rapide qui est que en consumer social tu ne peux pas livrer un truc à moitié fait ou etc. Donc le MVP, la culture du MVP que j'avais dû hériter du B2B marche plus du tout. C'est à dire le truc où vraiment c'est cassé à plein d'endroits mais la différenciation ou la petite valeur perçue que tu veux aller tester tu peux le faire. En B2C c'est pas possible parce qu'il nous compare à des Roblox, à des Fortnite, à des Insta, qui ont des apps ultra léchés, qui réagissent à la microseconde, etc. Et donc là, nous, on met huit mois à sortir un premier MVP.

Terry : Du coup, pareil, là, ça me fait penser à un point sur ce sujet-là. On disait au départ, tu mentionnais le fait que ce qu'il faut faire, c'est prendre des hypothèses très fortes quand t'es en pré-PMF pour pouvoir les tester rapidement. Et ce qu'on est en train de dire aussi, c'est que dans le contexte consumer social, tu peux pas te permettre de sortir un produit à moitié cassé parce que les attentes des utilisateurs finaux sont très élevées. Et en même temps, du coup, ça veut dire quoi ? Pas sortir un produit cassé, ça veut dire mettre un gros effort de développement et donc du temps et de l'argent important avant même de tester ta première hypothèse quoi. Exactement. Donc comment toi, là peut-être plus ton regard aussi un peu tech, comment tu... Parce que 8 mois ça peut paraître long, en même temps ça peut aussi paraître rapide pour sortir un environnement virtuel assez complexe. Donc quels ont été un peu les quick wins, comment vous avez fait techniquement pour réussir, quelle était la taille de l'équipe et pour réussir à sortir ça aussi en 8 mois tu vois ?

Olivier : Donc en 8 mois on passe de 3 à 12. Donc croissance rapide, on trouve des freelance seniors pour essayer d'aller vite. Et après, on prend plein de raccourcis. Donc effectivement, nous, on était plus proche de créer un jeu vidéo en fait. Un jeu vidéo mais social, etc. Que de créer une app classique. Donc 8 mois, c'est pas si long. Et à la fois, pour moi, c'était une éternité. Parce que justement, 8 mois avant d'être capable de tester l'hypothèse sur laquelle on a levé, c'était vraiment très dur, même émotionnellement, parce que tu te dis non non, on veut aller plus vite. donc les manières qu'on a trouvé d'aller le plus vite possible ça a été de ne pas avoir d'environnement de test donc staging c'est la prod c'est d'être capable de s'accompagner que de seniors pour essayer de gagner du temps c'est évidemment d'essayer de réduire le scope et d'aller à l'essentiel sur ton chemin critique et l'idée forte que tu veux aller tester nous c'était le partage d'écran avec de l'audio dans un environnement 3D Donc par exemple pendant de nombreux mois j'ai refusé de rajouter une quelconque customisation, enfin tous les trucs un peu de delight dont on savait qu'on avait besoin n'étaient plus dans le scope principal puisque de toute façon si on n'avait pas la fonctionnalité principale et l'usage principal on pouvait pas voir ce qui se passait. Et donc ça, ça a été toutes les manières d'accélérer. Et en parallèle, on a essayé de faire de la discovery, comme tu ferais dans une pratique produit classique. Commencer, faire de la discovery dans un domaine comme ça. On a commencé à faire des vidéos TikTok. À l'époque, en plus, c'était facile de faire des vues avec de l'organique. Donc on raconte notre histoire, ce qu'on essaie de faire, etc. On a plusieurs vidéos qui dépassent les centaines de milliers de vues, avec un taux d'engagement qui a teigné les 30%. Donc énorme. Généralement on est plus proche des 2-3% sur une vidéo. Donc trop d'engagement de 30%, ça veut dire 30% des gens like ou commentent. Et généralement le commentaire c'est pour taguer des copains en mode, viens faut qu'on teste dès que ça sort, etc. et donc on commence à créer une communauté sur TikTok et sur Discord, donc on crée un Discord dans lequel les gens les plus passionnés viennent, avec qui on peut discuter, ce qui nous permet en fait de tester quand même quelques hypothèses. On teste via les vidéos, on a fait ce qu'on a appelé du message market fit. Vu qu'on pouvait pas encore faire du product market fit, vu que le produit prenait du temps, on s'est dit, ok, dès qu'on a une idée, un horizon, un truc qui pourrait être intéressant à ajouter au produit, avant même de le développer, de le concevoir ou quoi, on va un tout petit peu le designer, et on va en faire une vidéo, et on va voir comment elle performe. Ce qui nous aidait quand même à voir s'il y avait des vues, s'il y avait du taux d'engagement, etc, etc, et des conversations intéressantes, on se disait, il y a un signal de quelque chose qui est potentiellement intéressant. Pour autant, la seule vraie validation, ça reste de le mettre dans les mains des gens.

Terry : Yes, parce que sur ce dernier point que je trouve hyper intéressant, on avait parlé en off sur le message market fit, c'est quand même qu'effectivement tu as du coup un intérêt de voir si ce que tu penses être une bonne idée effectivement trouve un public. Mais après, l'usage, il ne peut jamais être remplacé effectivement par un véritable usage et par une vidéo. Donc c'est vrai qu'il faut quand même toujours mettre ça je pense en perspective. Oui, c'est ça. Effectivement, si t'as zéro like, zéro vue sur ce que tu pensais être une bonne feature, il y a peut-être une question à se poser, mais c'est pas parce que t'es pas parti à 100 000 vues que ça veut dire que c'est une mauvaise feature. Il y a aussi ça... Ouais, totalement.

Olivier : C'Est complètement vrai dans les deux sens, et en réalité, si je reprends une métaphore du jeu vidéo, c'est un peu comme tu démarres ton jeu vidéo et t'as le fog of war, la carte n'est pas découverte. C'est un peu ça créer une start-up dans le consumer social. T'as une idée et t'es dans le noir total. Dans toutes les directions, tu sais pas où il faut aller, tu sais pas ce qu'il faut vraiment amener, tu sais pas encore ce qui va faire la différence. Et ce genre de vidéo de message market fit, c'est un peu comme un phare avec un tout petit peu de lumière et tu vois que... il se passe un truc de ce côté-là, on sait qu'a priori la direction elle est intéressante. Ça veut pas dire que ça va marcher et ça ne remplacera jamais l'usage. Le dernier truc qu'on faisait pour essayer d'accélérer les learnings, mais généralement là on était plutôt sur du learning d'expérience, d'usage, etc. c'était on allait devant les lycées, en fait, on allait dans des McDo devant les lycées, etc. Je sais que Photoroom a beaucoup fait ça, ils avaient un cycle de développement, ils en parlent souvent, où ils allaient dans les McDo, ils faisaient tester leur app, et quelques heures plus tard ils revenaient avec des mises à jour. Nous on a fait pareil, mais plutôt avec des lycées, parce que nous on cherchait vraiment une classe d'âge particulière, puisque quand on fait du social, il faut savoir que chaque chaque année que tu prends en termes d'âge, moins il y a de probabilités que tu invites tes amis dans une app. D'ailleurs, nous-mêmes, je pense qu'on n'installe pas beaucoup de nouvelles apps sur notre téléphone. Si c'est une par mois, c'est déjà pas mal. Et donc du coup, nous, notre target principal, c'est des gens entre 13 et 18 ans qui sont en train de former leur habitude à la technologie et qui, potentiellement, Si on arrive avec une proposition Ford, un nouvel endroit assez sympa, comme ce qu'on essaie de faire avec la première version de notre produit, ça va s'installer et les gens n'auront pas de problème à inviter plein de gens.

Terry : Très, très clair. Donc qu'est-ce qui vous a fait ensuite, après cette première version, à passer sur une V2 et les apprentissages, si c'était à refaire ? Tu vois, là, tout ce que tu viens de décrire, moi, j'en vois plein de... Enfin, je me dis, c'est assez smart et en fait, ils ont eu la bonne approche. Mais j'imagine que toi, en étant de l'intérieur, si tu devais refaire l'histoire sur ces premiers 8 mois, voire un peu plus, tu ferais des choses peut-être un petit peu différemment.

Olivier : Oui, bon, on simplifierait encore pas mal, je pense, le scope. C'était dur à ce moment-là de trouver tous les moyens de simplification. En gros, une équipe plus réduite, c'est ça que je ferais, avec un produit encore plus focus. Ça, c'est le principal truc que je ferais sur la V1. Après, on était... on n'était pas peu fier d'arriver à le sortir en huit mois, mais ça reste trop long, huit mois, sur une vie de boîte en pré-product market fit. Donc nous, on avait de la chance d'avoir autour de deux ans et demi, trois ans de renouer. Donc renouer, c'est cette idée que des investisseurs t'ont donné de l'argent, si tu payes tous tes frais, combien de temps il te reste à vivre, quoi, avant de relever ou d'atteindre la rentabilité. Donc nous, on avait trois ans pour trouver quelque chose qui soit intéressant. Et donc huit mois, c'est énorme, du coup, à cette échelle. 8 mois en fait avant de pouvoir faire la première vraie itération, c'est pour ça que c'est long. Donc qu'est-ce qui nous permet de changer ? C'est qu'au bout de 12 mois du coup, puisqu'entre 8 mois et 12 mois là on itère pour le coup à balle, donc pendant le premier été qu'on a dans la boîte, Et en fait, on se rend vite compte qu'on a beau expliquer, éduquer, etc., nous, la manière dont on voyait cet espace, c'est que c'était un espace dans lequel t'invitais vraiment les gens dont t'étais le plus proche, et dans lequel c'était comme avoir une coloc, encore une fois, virtuelle. Sauf que tous les gens avec qui on discute, ils ont très envie de rencontrer des nouvelles personnes dans cet espace. Donc plus proche de ce que fait un Habbo Hotel, un Fortnite, etc., ou n'importe quel jeu, en fait, multiplayer online, où en fait tu rencontres des nouvelles personnes. Et là on se dit, Ok, on a testé plein de choses dans notre discours, dans le marketing, dans les features, dans tout ça, mais les gens, c'est vers là qu'ils nous envoient, et c'est ni la problématique qui nous intéresse, ni on aura suffisamment de moyens pour faire un jeu qui est meilleur que Fortnite dans ce domaine-là, ou Roblox, donc on pivote. et on pivote en repensant à finalement nos problématiques de départ et à ce moment-là on arrive sur le deuxième produit qu'on a appelé Beep, un peu comme un beeper. L'idée donc là c'est de travailler autour des messages vocaux. Dans les deux cas en fait on faisait du vocal, on faisait un peu comme un voice chat Discord dans un environnement 3D, dans la deuxième version on se dit non, on va utiliser le vocal plutôt asynchrone.

Terry : Et la nouvelle idée, avant que tu continues à la détailler, elle est revenue, pareil, avec des doigts de top of mind, quoi. Enfin, je veux dire, vous l'avez eu comme ça, c'est une idée où vous l'avez construite de manière un peu plus structurée, en vous disant bon, là, avec l'AV1, on a réussi à construire ça comme stack tech, et qu'est-ce qu'on pourrait reprendre, et qu'est-ce qu'il pourrait fitter ?

Olivier : Il y avait un peu de ça, et il y avait un peu de notre thèse de départ, qui était que dans la thèse de départ, on avait toujours été vachement intéressé par l'utilisation de la voix dans un cercle proche, qui est une des manières plus intimes de discuter, plus directes, etc. Et donc nous on avait commencé par finalement un endroit dans lequel on se réunit de manière synchrone, live, et il y avait un pan de cette thèse qu'on n'avait pas explorée qui était la thèse asynchrone, donc tu t'envoies des messages que tu traites quand tu as le temps de traiter. et donc c'est un peu ça qui nous donne envie de continuer, on se dit la thèse on l'a pas invalidée totalement, on a juste invalidé une des branches donc on se dit bah ok on a encore du temps on va aller tester l'autre branche et on invente du coup BIP qui était En gros, donc ça, ça devait être, je pense, fin 2022, septembre 2022, à peu près. On se dit OK, on voit l'avènement un peu de plein de nouvelles technologies qui rendent possible des nouvelles choses. Et on se dit OK, nous, on a une idée où... on va essayer de rendre super instantanée la voix de vocal, on va tous les traduire automatiquement, on va tous les créer un transcript, en fait, les transcrire avec des sous-titres, etc. Donc ça veut dire que c'est des vocaux que tu peux utiliser dans n'importe quelle situation, tu peux taper, et on utilise une voix de synthèse pour lire les messages, ou tu peux recevoir des messages et les feuilleter un peu comme une story, tu tapes, tapes, tapes, et tu vois tout qui est écrit, etc. Plus, on ajoute des effets, des trucs un peu marrants, enfin bref, toute une thèse là aussi, que je ne vais pas détailler là, ce n'est pas intéressant, mais là pour le coup on reprend des éléments techniques et on est capable de sortir une app en quatre mois, là où on en sortait en huit mois avant. Donc avec ce temps là, on est resté un an à peu près aussi sur cette idée, mais on a pu itérer bien plus, deux fois plus en fait, deux trois fois plus que sur le premier produit qui lui faisait appel à beaucoup plus de gens. Donc là, on a encore streamliné notre effort, on est capable d'itérer sur des idées fortes.

Terry : Là, vos itérations, concrètement, elles prennent quelle forme ? Parce que j'imagine, après cette première année passée, vous mettez un petit peu de structure dans les tests. C'est quoi un peu vos...

Olivier : C'est l'inverse, on a mis de moins en moins de structures. La première année, quand on était plus nombreux, on était plus structurés. Au fur et à mesure, on a aussi eu des équipes plus petites parce qu'on allait sur des technos de plus en plus simples à prendre en main. Donc typiquement, on faisait ce qu'on appelle du Unity, qui est un moteur 3D temps réel sur le premier produit. Donc là, il y avait vraiment beaucoup de gens, et c'est une techno qui n'est pas idéale pour faire des apps mobiles. On passe sur du React Native sur cette deuxième partie. Donc on a besoin de beaucoup moins de personnes, donc on passe de 12 à 5, et donc ça veut dire qu'on est capable de, là aussi, streamliner énormément notre organisation. Donc la manière dont on teste est structurée évidemment, mais par contre tout le reste devient beaucoup plus simple.

Terry : Oui, ce que je voulais dire, tu fais bien de préciser ça, que quand tu rajoutes du monde, ça complexifie aussi les interactions internes pour fabriquer le produit. Ma question, c'était vraiment sur la partie test, c'est-à-dire comment vous avez structuré votre process de discovery sur le besoin, c'est-à-dire toutes ces itérations, est-ce qu'il y avait un peu des key points qu'on coche, qu'on coche pas ? C'est à ce niveau-là ?

Olivier : Oui. Alors, c'est rarement souvent de métrique, c'est généralement plus sur... Ouais non si, on regarde un peu notre entonnoir classique quoi. Nous ce qu'on faisait c'est qu'on utilise beaucoup TikTok comme un moyen d'acquérir, donc on fait rentrer des cohortes, on fait rentrer, je sais pas, 100 nouveaux utilisateurs cette semaine-là, et on regarde combien sont sign-up, s'active, donc activer ça veut dire qu'ils ont au moins invité un ami, puisqu'on a une app social, il en faut au moins un, idéalement trois, parce qu'en dessous de trois c'est très dur de véritablement créer une habitude chez l'utilisateur, et on regarde ensuite l'usage de la core feature. Donc c'est généralement cet entonnoir-là qui nous intéresse et qu'on va regarder sur chacune des cohortes. Et à partir de là, on itérait généralement une itération un petit peu significatif, c'était tous les mois à peu près, tous les mois on avait des vraies nouveautés, on se disait ok on va changer de vidéos et de messages, voir si on arrive à acquérir plus ou moins facilement des gens, et une fois qu'ils sont arrivés jusqu'à la page de l'App Store, combien installent, combien passent dans l'entonnement que je viens de citer quoi. En gros c'était ça notre métronome, et ensuite du Kali quand on va discuter avec les utilisateurs.

Terry : Et donc après, cette deuxième phase a duré à peu près un an de tests et d'apprentissage là-dessus. Pareil, du coup, qu'est-ce qui vous a fait bifurquer sur la phase 3 au bout de cette année-là ?

Olivier : Ouais, au bout d'un an, en fait, on se rend compte qu'on arrive vachement bien à séduire les gens qui sont fans de Voco, mais que c'est très dur de faire rester le reste de son graphe d'amis. C'est-à-dire que généralement, il y a une personne qui arrive ou deux, ils invitent un certain nombre de personnes, ils utilisent un peu, et puis au bout d'un moment, ça se délide dans le temps, parce qu'ils reviennent à leurs habitudes, ils ont déjà des messageries, le monde de la messagerie est quand même bien ancré et n'a pas beaucoup bougé. Les messageries les plus récentes, ça serait peut-être Telegram, et encore, c'est très peu mainstream. Donc finalement, celles qui sont les plus utilisées, ça va être WhatsApp, la messagerie du téléphone, WhatsApp, Insta, Snap, et ça ne va pas beaucoup plus loin. Et la plus ancienne de ces apps, c'est Snap qui date de 2013, donc déjà dix ans. donc très dur d'aller les chercher sur leur terrain, et donc on voit que la rétention est notre problème ici, et qu'on n'arrive pas à faire rester tout le groupe. Probablement parce que justement le learning c'est « en fait on a fait une amélioration qui est marginalement meilleure, mais qui n'est pas suffisamment différenciante pour que les gens se disent « Oh mais c'est trop bien, on ne peut plus s'en passer ». Et donc on comprend ça au cours de l'été 2023. Et en fait un des trucs qu'on a appris aussi à faire, c'est pas rester en amour avec nos idées et de se dire « OK, on voit qu'il n'y a pas de point d'inflexion malgré nos tentatives, on change ». Et là, on a fini de tester notre première thèse, la thèse sur laquelle on a levé de l'argent. Donc à l'été 2023, on se dit, bah ouais, effectivement, comment on repart à l'assaut parce qu'il nous faut de l'énergie et une idée qui nous motive et qui a du potentiel. Et là, pour le coup, on avait de la chance parce qu'au fur et à mesure où on travaillait, on itérait sur les précédentes idées, on a plein d'autres idées qui nous sont venues, qu'on a rangées dans un parking, qui étaient les idées de... qui sont potentiellement rigolotes, intéressantes, mais on ne peut pas les ouvrir aujourd'hui. Et là, on en avait une qui nous revenait souvent, qui était... En fait, on s'était rendu compte dans notre comportement, dans notre signal faible, c'est qu'on voit tous nos amis prendre des photos sans cesse, mais pas les partager. Donc le cas classique qui parle à tout le monde, c'est que tu es au resto et tout le monde prend son plan en photo. Mais généralement, cette photo, elle se retrouve nulle part, elle est dans ta pellicule, tu la revisiteras probablement jamais. Et pourtant, on se dit, il y a plein des photos qu'on prend au jour le jour, qui potentiellement racontent une histoire un peu différente de qui tu es, et qui pour nous, notre thèse de comment on resserre le lien avec ton cercle social, etc., on se dit, ah, il y a un truc à faire. Et donc là, on se dit « Ok, on a compris des choses, on va aller tester l'idée la plus bold qu'on peut trouver là-dessus ». Et donc, on a créé une première appli qui s'appelait « Cinnamon » pour le « Cinnamon Roll » et qui était une idée qu'on a sortie en trois semaines. Là, on fait une app sociale où on dit aux gens via TikTok, etc., on leur dit « Tu utilises cette app, tu n'invites que tes meilleurs potes, mais toutes les photos que tu prends de ton roll sont automatiquement leakées vers tes potes ». Dès que tu la prends, elle est envoyée. Et tu peux venir la censurer, on te notifie, mais tu peux la censurer. Mais lui, il verra que t'as pris une photo et qu'elle est censurée. Et on teste cette idée-là en se disant, en vrai, en toute logique, elle est tellement taboue cette idée de se dire « et si je partageais, et si je liquais tout mon photoroll, c'est peut-être l'endroit le plus intime de mon téléphone », eh bien normalement personne ne va l'installer. Mais c'est ça le but, c'est de faire une idée, ce que je disais tout début dans l'intro, c'est de tester une idée qui ne peut pas te laisser de marbre, vraiment un truc où tu te dis « je déteste » ou « j'adore ». et on test ça et on voit que l'acquisition activation devient super difficile mais il y a des gens qui utilisent et qui adorent et qui l'utilisent et on discute avec eux très petit nombre on parle de quelques dizaines de personnes même pas une dizaine je pense sur sur tous nos tests mais on se dit potentiellement, si ces gens-là le font, on va essayer de comprendre pourquoi et on va voir si ça nous donne suffisamment de conviction pour creuser cette idée. C'est ce qui va se passer. Du coup, on décide de continuer et de lancer une version, on va dire, plus scalable de cette idée qui s'appelle donc Backstage et qui est maintenant le troisième produit sur lequel on travaille.

Terry : Et du coup là qui est live, enfin là c'est une nouvelle version qui est live depuis quelques heures aujourd'hui.

Olivier : Oui, depuis quelques heures, et je pense qu'on va commencer à refaire le même fonctionnement que ce que je viens de décrire, c'est-à-dire on va faire des vidéos, pitié notre truc, changer un peu le message, etc., faire entrer les cohortes, et là on va re-rentrer dans ce Maintenant ce process qu'on connaît bien, de se dire ok, chaque semaine on fait rentrer 100 personnes et on voit comment ça se comporte, on va discuter avec eux et on regarde comment rendre ça plus excitant, plus émotionnel, plus... Enfin voilà, un truc qui prend de la place, qui peut mériter que tu prennes entre 10 minutes et 30 minutes de ta vie dessus tous les jours sur ton téléphone.

Terry : Hyper intéressant. Et du coup, j'imagine, vous avez relevé l'été 2023 ?

Olivier : Pas du tout, on est toujours... Vous.

Terry : N'Avez pas tout brûlé ?

Olivier : Non, voilà, on n'a pas tout brûlé. On a encore réduit l'équipe, justement pour être prévoyant et pour essayer de se donner du temps et d'utiliser des technos qui sont encore plus permissives, qui demandent un peu moins d'optimisation. Donc on a fait du Unity, puis du React Native. Donc ils sont tous les deux des plateformes qui ne font pas du code purement natif, donc c'est généralement un peu plus lent, et tu passes beaucoup de temps à optimiser pour avoir une qualité d'expérience qui est suffisante. Là, on est passé sur Swift, donc maintenant on s'est concentré sur l'iPhone uniquement, ce que beaucoup d'apps dans le social font, qu'on ne faisait pas sur nos deux premiers produits, parce que c'est des produits de communication. Donc on disait aux gens, ramène ton groupe d'amis proche, mais si la moitié de ton groupe d'amis est sur Android et que tu ne peux pas leur parler, notre use case était déjà perdu d'avance. Là c'est un peu différent parce que c'est une app qui est un peu plus proche d'une app comme Instar mais qui serait beaucoup plus privée et donc du coup c'est ok si tu n'as pas l'intégralité de tes amis puisque on n'essaie pas de devenir ta messagerie par défaut.

Terry : Intéressant, donc vous avez fait le choix de partir sur le langage natif de la plateforme d'iOS qui est Swift maintenant. Je suis curieux, je ne sais pas si tu vas avoir... Alors juste avant que je te pose ma question pour que nos auditeurs comprennent bien, quand tu dis qu'on a réduit l'équipe aussi, c'est que vous travaillez avec beaucoup de freelance. Donc j'imagine que ça ne veut pas dire que vous avez licencié... Oui, bien.

Olivier : Sûr, c'est plus comme ça.

Terry : C'est dans une logique aussi pour que tout le monde comprenne bien, c'est que là vous êtes trois associés, si j'ai bien retenu c'est ça. Je sais pas après toi comment vous travaillez les effectifs en fait en interne versus externe, mais j'imagine quand tu dis on a beaucoup réduit l'équipe, c'est aussi beaucoup réduit le nombre de freelancers qui bossent avec vous.

Olivier : On a réduit le nombre de freelance, on a pioché... Les spécialités dont on a besoin ne sont pas les mêmes qu'on faisait la version 3D. Et maintenant, setup qui travaille sur de l'image plutôt que sur de la 3D. Et juste avant, c'était du vocal. Donc à chaque fois, on est sur des technos qui sont connexes mais pas exactement les mêmes, avec des prérogatives qui ne sont pas les mêmes. Donc aujourd'hui, on est trois essentiellement à travailler full-time. Les trois associés en fait. et on essaie d'itérer le plus vite possible. On a toujours quelques freelance avec qui on bosse, mais maintenant c'est plutôt du part-time là où avant ils étaient généralement en full-time et un peu plus nombreux.

Terry : Yes, et du coup pour revenir sur la question que j'avais par rapport peut-être, je ne sais pas si tu auras la réponse, mais sur la partie tech, sur la raison pour laquelle vous êtes parti sur du Swift versus du React puisque... Ah, facile.

Olivier : Ok, je te laisse... Ouais, j'étais très promoteur de ça. Raison simple, enfin, Je vais rentrer dans un truc légèrement technique, mais Swift, grosso modo, c'est du langage déclaratif, donc c'est comme écrire du HTML quasiment, c'est-à-dire que t'as des balises et t'as des choses comme ça, et t'as plein plein plein plein de comportements que les gens pourraient attendre d'une app mobile, en termes d'animation, de fonctionnalité, de primitives en fait, dont on a l'habitude sur iOS, qui sont d'emblée dans le framework et accessibles en quelques lignes de code. Donc ça nous permet de faire des choses beaucoup plus vite, d'itérer beaucoup plus vite, avec du coup, c'est ça le but, c'est d'aller beaucoup plus vite, et moi surtout, ça me permet de prototyper beaucoup plus loin. Donc moi qui suis en charge du product et du design, je me suis remis à développer, parce que cette techno-là, elle est beaucoup plus accessible pour moi, Et donc tous mes designs, quand j'ai besoin de tester des idées, je peux les prototyper directement dans l'app. Donc en fait, j'ai l'app en staging, je fais une vue qui n'a rien à voir et je peux tester une navigation complètement alternative et je n'ai pas besoin de déranger mon associé technique qui lui est en train de vraiment faire en sorte que la prod puisse fonctionner, que les features qu'on a imaginées sortent le plus tôt possible. Donc voilà, c'est ça que ça permet.

Terry : Ok, très clair. Ce que je retiens de ce que tu viens de dire, c'est l'aspect effectivement animation, parce que iOS est connu, enfin les applications iPhone sont connues aussi pour leurs animations hyper fluides, hyper poussées. Effectivement, quand tu es dans le langage natif de la plateforme, tu peux accéder à toutes ces subtilités qui pourraient paraître un peu overkill, mais en réalité quand tu es sur du consumer social, c'est ce qui est attendu d'avoir toutes ces petites nuances d'animation, etc. et la capacité à prototyper directement et rapidement ton app. C'est ça.

Olivier : D'animation ou même de comportement et de performance. Typiquement, en React Native, on a fait une app qui gérait des messages vocaux avec des animations visuelles et des choses un peu delightful, un peu surprenantes. Mais ça, pour arriver à le rendre performant et le rendre performant un large éventail de téléphones. En React Native, par exemple, nous on avait toute une partie de l'équipe technique qui était spécialisée en React, donc ils étaient hyper véloces à développer des choses. Par contre, comme eux, ils avaient plutôt... Enfin, le React sur du mobile, ça nécessite une couche supplémentaire de travail sur la performance. qu'on ne pouvait pas vraiment se permettre à ce moment-là. Alors que quand tu utilises une techno native qui n'est pas pré-compilée ou packagée dans une VM, etc., mine de rien, tu as tout de suite une performance native, donc tu es plus permissif, c'est-à-dire là aujourd'hui, dans notre app, je suis à peu près sûr qu'il y a des millions d'endroits où ce n'est pas optimisé, mais c'est normal, on ne sait même pas si l'idée va fonctionner. Donc c'est tout à fait mieux de ne pas optimiser, de faire presque du code jetable, on pourrait dire, mais que ça se voit pas trop parce que ton téléphone, il va réussir à le faire tourner suffisamment bien.

Terry : Très, très, très clair du coup. Donc ça fait un bon tour de ces trois années à tester et jusqu'à arriver à backstage et voir ensuite ce que ça donne. Faudra qu'on rééchange dans quelques mois. En tout cas, je trouve ça assez fun l'idée. Ouais, assez fun. En prenant un peu de hauteur par rapport à ces trois années là, si tu devais du coup un peu lister les gros apprentissages, tu en as déjà partagé plusieurs, mais sur l'approche produit que tu as mené avec ton équipe, est-ce que tu devrais, si tu devais refaire les choses, donc tu disais aller plus vite sur la V1 pour essayer donc encore plus rationaliser les fonctionnalités clés pour essayer de descendre un peu, pas faire huit mois mais un petit peu moins avant de tester. Quels sont les autres apprentissages là que tu pourrais... que tu pourrais partager ?

Olivier : Ouais, c'est une bonne question Alors déjà, ce qu'il faut comprendre, c'est peut-être les spécificités du social. Le social, c'est hyper compliqué parce qu'il n'y a pas de recette miracle. Je pense que dans tout ce qu'on fait, il n'y a pas de recette miracle, mais dans le B2B, il y a quand même une facilité. Il y a une capacité à identifier un problème précis et se dire « Ok, j'ai un angle différenciant et normalement, si je ne fais pas trop mal mon travail et que je sais faire connaître mon produit, il va se vendre parce qu'il va résoudre un problème précis. » Dans le social, le problème qu'on essaie de résoudre, il est globalement attaqué par tout le monde. Puisque c'est généralement, soit tu dis je veux resserrer les liens avec des gens que tu connais déjà, soit je veux t'aider à rencontrer de nouvelles personnes et convaincre, combattre la, oui c'est ça, la loneliness. Mais globalement, quand t'as dit ça, t'as pas dit grand chose. Donc en fait, ce qui est compliqué avec le social, c'est que c'est un mix entre évidemment un problème et une vision, mais aussi ce qu'on pourrait appeler une vibe. Et donc, personne sait vraiment dire qu'est-ce qui va faire que les gens, tout d'un coup, se prennent de passion pour un produit social. C'est dur, alors c'est facile à analyser une fois que le succès a eu lieu, mais c'est très dur de vraiment le prédire et d'être certain que ça va arriver. C'est un peu... Généralement, quand je parle avec des gens, on me demande souvent ce que je fais, c'est très dur à décrire. Du coup, généralement, je leur dis, c'est un peu comme si j'étais organisateur de soirée. On a tous vécu ce moment où on arrive à une soirée, et dans la demi-seconde où on arrive dans la soirée, on sait instinctivement dire, je vais passer un trop bon moment, je sais pas du tout à quelle heure je vais rentrer, je vais perdre la notion du temps. Ou à l'inverse, c'est pas ma vibe et quand est-ce que je rentre déjà ? J'ai hâte de repartir. Et une app sociale, c'est un peu le même délire. C'est-à-dire que, ok, ça te sert à être plus proche des gens ou à rencontrer de nouvelles personnes. Ok, une fois qu'on a dit ça, il y a vraiment cette question de est-ce que je ressens quelque chose émotionnellement ? Est-ce que j'ai envie d'y être ? Est-ce que ça m'a l'air cool d'être là ? Est-ce que j'ai envie de passer du temps dans l'app ? c'est pas facile à créer, et donc c'est tout ce travail-là évidemment qui demande du temps. Et donc en gros, dans les choses qu'on a compris avec le recul, c'est qu'il vaut mieux passer plus de temps à travailler un mix de la bonne feature avec la bonne manière d'en parler, donc tester beaucoup de messages de manière différente, de framer ce que tu fais, que de créer des millions de features. Donc ça, premièrement, c'est le premier truc qu'on a bien compris, sur lequel on a beaucoup itéré, sur lequel on est meilleur aujourd'hui. Et donc ça passe par s'accompagner et travailler et progresser sur des aspects marketing, sur des aspects de design, d'esthétique. Et donc, tout à l'heure, on parlait des animations ou des choses comme ça. Et ça contribue justement à cet aspect émotionnel qu'on peut avoir quand on est dans une app de ce type-là. Ça, c'est un premier learning. Ensuite, dans les learnings, les choses qu'on ferait différemment ou les choses qui nous paraissent être importantes, c'est la vitesse. On en a parlé aussi. toujours trouver des manières d'aller plus vite. Donc nous, aujourd'hui, ça veut dire que maintenant, par exemple, quand on était 10-15, on avait un notion ultra bien organisée, etc. On n'a plus une notion. Enfin, on a une notion, mais il y a une page. Une seule page. Et on ne s'autorise pas à créer d'autres pages parce que le but, c'est d'être tous à la même enseigne et au même diapason. Donc on a une seule page. On avait Slack avec plein de channels, machin, etc. Comme on a tous connu dans plein de boîtes post-PMF, ben maintenant on a un channel. En vrai c'est pas un, mais c'est quasiment ça. Il y a un channel de discussion et après c'est quelques channels de notifs qui sont plutôt des channels techniques, qui nous donnent le pouls du produit ou des éléments techniques, mais grosso modo il n'y a qu'un seul endroit où on discute. Et donc du coup on discute tous en public de manière transparente et c'est accessible à tout le monde. On n'a pas de ticket. C'est con mais on n'a pas de ticket, pas de roadmap, tous les artefacts classiques du product management qu'on pouvait avoir. Moi, la première année, j'avais passé un peu de temps quand même à essayer de me dire, OK, j'ai une roadmap en plusieurs milestones, je sais à peu près dans quelle direction je vais, on a tout jeté, évidemment, parce qu'on a appris plein de trucs qui ont fait que c'était pas très utile, et je me suis rendu compte que, finalement, du coup, c'était du gaspillage, ce travail-là. et qu'il fallait résister à ça, parce que finalement, nous, on a peu de stakeholders, on n'est pas dans la même situation qu'une boîte qui a 100 personnes, 200 personnes, on n'a pas de clients, on n'a pas de... Voilà. Donc en fait, la seule raison pour laquelle tu pourrais faire ça, c'est soit parce que tes investisseurs le demandent, ou soit parce que, et généralement c'est plutôt ça, c'est du busy work, c'est-à-dire un truc pour que tu te dises, je suis occupé à faire des bonnes choses, à me poser les bonnes questions, et à me rassurer sur le fait que j'ai un plan. Et en fait, un des trucs sur lesquels il faut être relativement à l'aise sur du pré-product market fit, c'est que tu as une direction mais t'as pas de plan parce que tu sais pas ce qui va se passer et tu sais pas comment les gens ils vont prendre en main ou pas l'outil et donc tout un tas de ces travaux qu'on faisait finalement sont pas si utiles.

Terry : Qui est hyper clair, un enseignement assez personnel, notamment sur, c'est vrai, cet aspect de vouloir trop structurer, mettre en place des choses que tu as pu voir justement dans d'autres boîtes avant, dans des expériences passées qui ont leur marché, dans lesquelles il y a des équipes organisées. Là, effectivement, tu ne peux pas dire il n'y a pas de tickets, il n'y a pas de canaux dédiés Slack et autres. Mais toi, quand tu es en train de recréer quelque chose à partir de zéro, c'est effectivement être capable de lâcher tout ça, d'accepter de te jeter dans le vide, entre guillemets, tout en tout en gardant la vision, mais ensuite en se concentrant uniquement sur vraiment la valeur qui va permettre de tester ou non ton hypothèse et pas le busy work.

Olivier : C'est ça, le busy work ou le « on a toujours fait comme ça ». Et en fait c'est plus dur à capter que ce qu'on croirait, parce que là je pense que quand les gens vont écouter, ils vont se dire « c'est évident ». Mais en fait c'est assez évident qu'on arrive avec un bagage quand on démarre une boîte ou quand on rejoint une boîte. Typiquement, ça nous a pris un an, je pense, pour comprendre qu'il ne fallait pas qu'on ait plusieurs environnements techniques, que le truc classique de j'ai mon environnement de dev, je travaille en tant que développeur, puis ensuite je passe sur staging et on est un peu plus nombreux à tester, puis quand ça s'est testé, on le met en prod, ça n'avait aucun sens pour nous, parce qu'on a tellement peu d'utilisateurs qui généralement finissent par churner parce qu'on n'a pas encore craqué le truc, que bah en fait autant avoir un seul environnement qui est à la fois ton environnement de dev et ton environnement de prod. Ça n'a aucun sens de protéger ta prod comme tu le ferais si t'avais un e-commerce qui génère des millions par jour si t'as personne en fait. Donc tout un tas de trucs à détricoter pour se dire ok où est-ce que je peux simplifier et créer du momentum en fait. Comment je crée du momentum, c'est à dire comment je crée une espèce de vélocité et qu'on pourrait presque parler de vélocité échappatoire, comme c'est quand on voit des fusées, c'est que tu as une vélocité qui ne redescend jamais et qui t'aide à être de plus en plus productif. Donc voilà, c'est petit à petit enlever, détricoter tous ces process qui ne sont pas si utiles, et ensuite apprendre Un des trucs aussi qu'on fait de mieux en mieux, c'est d'apprendre à célébrer un peu plus souvent. Parce que finalement, quand je décris ce qu'on vient de vivre, là ça va faire deux ans, deux ans et demi qu'on travaille, on n'a pas eu notre premier succès. On a eu plein de micro-succès, mais on n'a pas eu un succès significatif qui nous permette de déclencher la levée d'après, l'étape d'après. Et en vrai, si tu m'avais demandé au moment où je me suis lancé, est-ce que tu pensais que ça prendrait autant de temps ? Non. Clairement pas. Et donc du coup, un des trucs qu'on essaie d'apprendre, c'est aussi de mieux célébrer plein de petits passages qu'on vit, parce que sans ça, c'est quand même très très dur, émotionnellement, de rester émotivé, d'avoir la niaque, et d'être focus, et d'avoir une clarté d'esprit dont on a besoin pour utiliser au mieux le temps qu'il nous reste.

Terry : Oui, ça, point hyper important. Ce que tu disais juste avant ce point-là, c'était quand même de ne pas oublier du coup quel est le facteur différenciant de toi en tant que startup, c'est cette capacité justement à ne pas se surcharger de tâches, pouvoir te permettre d'avoir que la prod. Ça peut paraître juste lunaire pour d'autres personnes qui font tourner des applis où tu as des centaines ou des milliers d'utilisateurs, mais effectivement quand tu testes, pourquoi t'embêter à avoir trois environnements quand tu ne sais même pas en fait si ça va être utilisé. Ce genre de réflexion, c'est effectivement des choses des fois un peu à détricoter comme tu disais. Et après aussi, parce qu'il faut malgré tout, même si tu testes vite, comme tu viens de le dire, ça prend du temps avant d'arriver à trouver, à craquer le bon truc. Et donc, il faut réussir à garder la motif tout au long du chemin. Et pour ça, célébrer les petites victoires même, c'est un autre point que je trouve hyper intéressant. Je trouve qu'on a fait un bon panel autour de qu'est-ce que c'est que faire du produit dans le consumer social pré-market fit. Est-ce qu'il y a un point en particulier que tu voudrais accentuer avant qu'on aille vers mes questions de la fin ou un sujet que tu trouves qu'on n'a pas assez traité ?

Olivier : Non, je crois que je pense… Attends, je réfléchis si j'ai des trucs, un éclair de génie à partager avec l'audience, mais je crois que c'est à peu près ça.

Terry : En tout cas, je trouve que ça partage hyper intéressant, donc déjà merci pour ça, Olivier. Donc pour aller vers mes questions de fin, donc la première c'est est-ce que tu as une conviction forte avec laquelle en général tu te retrouves en désaccord avec tes pairs ?

Olivier : Est-ce que j'ai une conviction forte ? Ouais, attends.

Terry : Et la deuxième, comme ça je te laisse réfléchir en même temps et tu pourras me répondre les deux d'affilée. La deuxième question, c'est quelles sont les choses qui te nourrissent intellectuellement ? Et l'idée derrière cette question, c'est pas juste que tu me donnes une liste de ressources, c'est aussi de comprendre comment tu réfléchis. J'aime bien savoir comment les gens réfléchissent, donc ça peut être des ponts avec d'autres choses que tu fais dans le côté perso et que tu fais des ponts avec le côté pro. Donc si on revient à la première question, c'est le sujet point clivant où tu te retrouves en désaccord avec tes pairs.

Olivier : Je vais sortir du pré-PMF, mais j'ai deux points qui me viennent en tête. Un, si on sort du pré-PMF, c'est que j'ai travaillé dans beaucoup d'entreprises qui m'ont demandé c'est quoi la vision produit et je pense que ça n'existe pas. Je pense qu'il y a une vision d'entreprise et qu'il y a une stratégie produit, mais je ne pense pas qu'il y ait un truc qui s'appelle la vision produit. Alors on pourrait croire que c'est que de la sémantique, mais il y a beaucoup de boîtes où on essaie d'avoir vraiment plein de strats, et chaque département essaie d'avoir un peu son éventail complet de je suis censé avoir une vision, une stratégie, une tactique, etc. Et donc généralement, moi ce que je pense, c'est que dans bien des cas, quand on demande une vision produit, c'est souvent plus un indicateur que la vision d'entreprise n'est pas très claire, et que chaque département lui demande un peu de venir avec une vision. En toute logique, tous les départements travaillent au succès de l'entreprise, donc l'entreprise a une vision, c'est quoi le monde qu'elle veut être et quel produit elle veut être demain, Et donc du coup, à partir de là, on déploie une stratégie produit qui sert la vision d'entreprise. Et je crois que cette espèce d'échelon intermédiaire n'existe pas, et qu'on ferait bien d'y résister, en fait. Parce que j'ai vu plein d'endroits où il y avait des visions d'entreprise, donc je fais du coaching aussi, donc j'accompagne pas mal de gens qui sont dans ce genre de problématiques. Et les visions de produit, généralement, Bah oui, c'est soit une béquille au manque de vision d'entreprise, soit un truc qui te décale de la vision d'entreprise, qui est peut-être existante, parce que, justement, on recommence à créer une espèce de gouffre entre les deux, et c'est pas très utile. Donc ça, c'est le premier sujet qui m'est venu spontanément, puisque c'est un sujet dont je parle souvent.

Terry : Ouais, ouais, ce point-là. Alors là, pour le coup, moi, je suis plutôt en accord avec ce que tu dis, puisque une vision, effectivement, pour moi, elle est portée au niveau de l'entreprise, le projet d'entreprise, et ensuite, elle se décline de différentes manières. D'une part, par les produits ou services qu'elle va vendre, la façon dont elle va interagir et faire interagir ses collabs. Là dessus je suis assez aligné en fait avec ça, j'ai pas tant de challenge en tout cas de mon point de vue.

Olivier : On verra si les auditeurs ont un peu de challenge, mais en vrai celui-là il est probablement tiède. Mais l'autre sujet aussi qui revient souvent dans mes coachings, j'étais en train de repasser en revue mes coachings pendant que je parlais pour voir un peu... les sujets qui reviennent souvent c'est je suis dans une entreprise en fait il ya beaucoup d'équipes produits avec qui j'ai pu collaborer et moi même j'ai fait ça longtemps qui veulent faire du produit absolument du product management absolument et et un des outils que j'ai trouvé vachement utile c'est de me rendre compte que tout ce qui arrive vers l'équipe produit n'est pas du produit et de comprendre qu'en fait il y a un peu deux grands flux des projets et des produits donc il y a des parties de ce qu'on a amené à travailler qui est vraiment du product management au sens j'ai compris un problème il est bien articulé et le solution space, on va l'explorer, on va amener des... on va être plus ou moins innovant, etc. Innovant, incrémental, enfin on va aller chercher des métriques, un objectif, un outcome. Et il y a tout un tas d'autres sujets qui... où en fait le product manager de... Ce sujet, il n'y a pas besoin de le questionner, il doit sortir, et là, on est plus dans une dynamique de product management, ou de project management, pardon, où le but, c'est juste de se dire comment je produis ce truc-là le plus vite possible, le mieux possible, et le plus qualitativement possible pour le sortir. Je me souviens, par exemple, un cas évident, quand j'étais chez ManoMano, un moment, donc ManoMano, c'était une marketplace de bricolage, donc en gros, Nous, on était très forts à acquérir des clients, on leur proposait un catalogue et après ce qui se passait c'est que les commandes sont envoyées aux marchands et le marchand fait la livraison. Et à un moment on se dit ok, si on veut step up en termes de qualité, de service qualité, il faut qu'une partie des produits soit dans un entrepôt à nous et qu'on soit ceux qui prennent en charge la commande dès qu'elle est passée. Donc on doit créer notre premier entrepôt, on doit créer tout un système de logistique en fait. Et pour faire ça, il y avait une équipe produit qui était en charge de la logistique chez nous. Et du coup, j'ai senti très vite qu'on allait avoir des soucis si on n'avait pas su se dire non non non, là on est sur du project management. il ne faut pas découvrir le solution space, on sait exactement ce qu'il faut faire et on sait à quelle date on veut que le premier carton y parte. Donc là l'idée c'est de rétroindigner un planning et d'être hyper efficace et d'être vraiment dans une pure dynamique de project management. Et donc là ça paraît un cas évident mais il y a plein de moments dans des équipes produits où dans mes coachings je me rends compte avec eux quand on en discute que une partie des tensions, des frustrations qu'on peut avoir sur oui mais tu comprends les stakeholders là ils m'imposent une solution ou dans la roadmap on n'a pas mis des problèmes ou des outcomes mais des solutions et je leur dis ouais mais il y a une partie de ces trucs là on est purement dans du project en fait il faut le faire c'est pour être compliant c'est pour être si c'est pour être peu importe la raison donc là on n'est pas dans une dynamique de product management Ouais là-dessus.

Terry : Donc vision assez intéressante et alors moi je ferais pas aussi, je ferais pas une coupure aussi nette dans le sens où pour moi le product management permet en fait de recouper si tu veux plusieurs mondes dont on parle souvent de double diamant, discovery, delivery donc on pourrait associer la delivery plus à la part justement projet, c'est-à-dire il faut livrer le projet en essayant de s'engager sur des jalons, la partie discovery plus sur justement comment tu comprends tes utilisateurs, ton problème, et là qu'on pourrait rattacher plus à la vision produit idéal que pas mal de product managers ont. Moi ce que je trouve intéressant derrière cette terminologie product management, et aussi pourquoi d'ailleurs je combat la notion de product owner en tant que métier, et pour moi, c'est juste un rôle dans Scrum, donc c'est un cas très particulier, mais il y a un métier plus global qui est le Product Management Autour. Moi, ce que je trouve intéressant dans le Product Management, c'est que ça permet aussi de regrouper plusieurs expertises au sein d'un genre de gloubi-boulga, tu vois, d'expertises, mais qui ensuite, en fonction du contexte, en fonction de l'entreprise, en fonction de la typologie produit ou service que l'entreprise va fournir, tu vas utiliser des techniques plus ou moins différentes. C'est-à-dire, si tu es dans un contexte où effectivement, tu vas être très innovant, tu vas devoir lancer des choses de manière, dont tu ne connais pas encore la finalité, tu vas aller sur des logiques très, explorer le problème, ensuite diverger là-dessus, converger. Dans d'autres cas, donc tu vas utiliser certaines techniques pour ça, de la recherche utilisateur et autres, et dans d'autres cas, tu vas être assez clair sur ton problème, il va falloir pouvoir livrer de manière rapide, mais tu auras toujours quelques ajustements à faire au fil de l'eau parce qu'il y a des choses qui vont évoluer. Et c'est là où tu pourras t'appuyer par moment sur des méthodos peut-être plus liés à la discovery alors que tu es en phase de delivery. Moi, je trouve que la porosité entre le monde du projet classique tel qu'on l'avait il y a 20 ans et tel qu'il est nécessaire aujourd'hui dans le monde du digital, cette porosité est de plus en plus importante entre le monde projet et produit. Et donc, je trouve que le monde du product management permet de réconcilier un peu ça. C'est juste qu'après, ça crée comme tu le dis parfois des grosses frustrations de PM qui vont se retrouver dans des situations où il va falloir livrer, il n'y a pas de question là dessus, c'est à dire il n'y a pas de question à explorer tant que ça le problem space comme tu disais. Mais pour autant je pense pas qu'il faille à tout prix se dire bon en fait je suis dans une boîte qui fait que du projet, je sors mon diagramme de Gantt et je fais mon rétro planning et je fonctionne comme il y a 20 ans tu vois. Je pense qu'on peut toujours mettre des petits bouts à droite à gauche de.

Olivier : Méthodos, je pense Je pense qu'on dit la même chose, moi ce framing que j'offre c'est plus pour... il est volontairement réducteur et volontairement très différencié pour dire en fait tu mets une casquette ou l'autre et pour être capable de manager tes propres expectations en fait. être capable de te dire, ah oui oui oui, là c'est mon projet du moment, et là je fais de la recherche produit, au sens où j'ai un outcome mais le solution space il peut bouger. Et il peut bouger au fur et à mesure où on va livrer des choses et apprendre des choses. Là où ce que j'appelle moi le project management, justement c'est volontairement pour des parties, parce qu'on en a tous à gérer, où en fait le solution space, il y a peu de chances qu'il bouge quoi. Si tu travailles sur des flux financiers, si tu travailles sur des flux logistiques, si tu travailles sur de la gestion de droits dans ton SaaS, etc. Il n'y a pas de solution space à explorer, la solution elle est connue, il y a des best practices. Et donc en fait, même en tant que product person, c'est intéressant de se questionner sur l'industrie que je rejoins, à quel point je pense qu'on va être... C'est quoi la proportion de product et la proportion de project ? Typiquement, moi je suis passé par ManoMano, une boîte e-commerce. En réalité, on faisait quand même plus de project que de product. Parce que les best practices de l'e-commerce sont quand même relativement connues. Il n'y a pas beaucoup d'e-commerce qui sont arrivés avec des trucs particulièrement nouveaux dans les 30 dernières années. Je veux dire, Amazon a créé plein de nouveautés, mais parce que c'était un peu le first mover sur comment le commerce se redéfinit à l'époque d'Internet, quoi. Mais depuis, il n'y a pas non plus des choses si nouvelles. Et donc en fait, moi, c'est plus une histoire de casquette et de comment toi tu penses ton rôle à un instant T en fonction des sujets que tu es amené à manipuler. Mais sinon, je suis assez d'accord que le product management fait la synthèse et le product manager fait la synthèse de ces différents métiers. Mais attention, en fonction de cette casquette, tu vas vivre mieux des choses en fait.

Terry : Ouais, c'est ça. C'est pour aligner les attentes que tu as aussi par rapport à la réalité du job qui te sera demandé là-dessus. Je te rejoins aussi complètement. Du coup, pour aller vers ma dernière question, c'est les ressources, les choses qui, toi, te nourrissent intellectuellement. Comment tu t'inspires et comment tu te nourris intellectuellement ?

Olivier : Voilà, plein de choses. Je sais pas trop quoi raconter, mais... Moi je suis quelqu'un qui a toujours fait beaucoup de veille, donc c'est un de mes sujets... Enfin, c'est une de mes activités, quoi. Je suis un vrai passionné de ce qu'on fait, etc. Donc je lis beaucoup. Je lis beaucoup, j'écoute des podcasts comme le tien, comme plein d'autres podcasts. En ce moment, le marché français a plein plein plein de podcasts sur ces sujets, donc c'est top. J'aime beaucoup justement les... Je trouve ça plus intéressant de s'éloigner de la littérature académique, on va dire, sur nos métiers, et d'aller beaucoup plus vers ce témoignage à la première personne, que je trouve trop bien pour comprendre ce que c'est la réalité des gens, si on s'éloigne de l'article qu'on a écrit quelques années après, quand on était en succès. Par exemple, une des raisons qui m'a motivé à venir discuter avec toi, alors que je suis très occupé par trouver le product-market fit, c'était de me dire, en fait, si on a du succès, je te raconterai demain une histoire qui est probablement édulcorée, parce que j'aurais oublié toute la douleur et toute la... toute la sueur qu'on aura laissée sur le chemin. Et du coup, je me disais « Ouais, non, je crois que j'ai envie de partager aussi, pendant qu'on est en train de le vivre, tous ces soubresauts, toutes ces incertitudes, toutes ces choses-là, de partager un peu ce qu'on a appris, ce qu'on apprend, où est-ce qu'on en est ». parce que je crois vraiment que c'est un des meilleurs moyens d'apprendre en fait, de discuter avec des pairs, de participer à des communautés, ou de lire des contenus qui sont plutôt à la première personne comme ça. En tout cas, je fais la part belle notamment à ces contenus dans ma newsletter aussi, parce que je trouve que c'est ceux qui ont le plus d'enseignement.

Terry : Top, bah merci pour ton partage, merci pour ton temps Olivier, et puis je te souhaite le meilleur évidemment pour Backstage sur 2024.

Olivier : Merci beaucoup, à toi aussi.

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