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Adrien Urlacher, Utiliser la donnée pour mieux construire sa roadmap produit

Épisode #51 | Publié le 17 janvier 2024

Adrien Urlacher

Adrien Urlacher est Head of Product chez Aircall, une scale-up spécialisée dans la téléphonie d’entreprise.

Passer d’un mode projet à un mode produit c’est dur !

Et encore plus dans une organisation qui est sales-driven.

Il faut arrêter de penser aux fonctionnalités que l’on veut livrer et commencer à penser à la valeur que l’on veut apporter à l’utilisateur.

Cela oblige à modifier la façon dont on construit sa roadmap.

On ne pense plus output based roadmap mais outcome based roadmap.

Mais comment mesurer cette valeur que l’on veut livrer ?

Comment aligner les équipes produits et commerciales ?

C’est pour discuter de tous ces sujets que j’ai eu le plaisir de recevoir Adrien Urlacher au micro de Just a Click.
Au cours de cet échange, Adrien nous raconte la transition d’Aircall d’une approche projet vers une approche produit.

Vous découvrirez (entre autres) :

  • Comment faire la transition d’une culture projet vers une culture produit.
  • Comment construire une roadmap outcome-based et embarquer les commerciaux.
  • L’importance de l’équipe product analytics dans la construction de la roadmap.

Ressources :

  • Thinking, Fast and Slow de Daniel Kahneman

Bonne écoute !

Pour me contacter, vous pouvez me faire signe :

Transcription de l'épisode : "Adrien Urlacher, Utiliser la donnée pour mieux construire sa roadmap produit"

Terry : Salut Adrien, donc merci de prendre du temps aujourd'hui pour parler de roadmap et de construction de roadmap en particulier. Donc tu bosses chez Aircall, je vais te laisser commencer par te présenter et puis nous présenter qu'est ce que c'est que Aircall.

Adrien : Salut Terry, moi c'est Adrien, je travaille chez Aircall depuis septembre 2022, donc ça va faire un peu plus d'un an, bientôt un an et demi. Je suis Head of Product chez Aircall, donc on a une orga qui peut être débattue comme étant bien ou pas bien, très symétrique entre le product et la tech, on dépend d'un site IPO qui reporte au CEO directement. qui lui se repose sur deux VP, un VP Product et un VP Engineering, chacun se reposant également sur des Head of Product dans le cas du VP Product et des Engineering Director sur le côté Tech. Ça a des avantages et des inconvénients, et en tout cas moi j'en vois pas mal d'avantages dans l'exercice de roadmapping du moins, Et étant Head of Product chez Aircall, je m'occupe de tout ce qui touche aux intégrations, notre public API, mais aussi tous les sujets compliance avec RGPD, qui est un sujet malgré tout chez Aircall. Et pour terminer, tout ce qui touche à invoicing, les factures, la gestion de nos users, les licences additionnelles, toutes ces questions-là en self-service.

Terry : Très clair. Et du coup, Aircall, pour ceux qui ne connaîtraient pas, qu'est-ce que vous faites ?

Adrien : Oui bien sûr, Aircall c'est une solution téléphonique cloud, c'est une startup qui s'est montée à Paris il y a huit ans de ça si je ne me trompe pas, qui globalement a vocation à rendre les agents qui ont des appels téléphoniques à faire plus efficaces, en leur permettant par exemple de se passer des appels entre eux de manière très facile, changer leur statut et surtout synchroniser, c'est là que les intégrations jouent pas mal un rôle assez important, synchroniser la fin du call pour permettre à l'agent par exemple de ne pas avoir à tout reloguer dans Salesforce, rajoutant en plus, depuis quelques mois on travaille dessus, un frame AI là-dessus qui permet d'avoir directement le résumé du call, de l'auto-tagging, sentiment analysis, histoire de faire en sorte que l'agent se décharge de toutes ces actions très manuelles, très répétitives, très rébarbatives, et qu'il puisse se concentrer sur le fait d'avoir des vraies conversations avec les personnes qu'il a au téléphone, que ce soit un prospect commercial ou une personne qui appelle dans le cadre d'un SAV ou de support IT par exemple.

Terry : Très clair, très clair. Donc pour revenir sur le sujet qu'est la roadmap, pour comprendre de où on part aussi et pourquoi c'est pertinent d'échanger avec toi aujourd'hui sur ce sujet, est-ce que tu pourrais nous dire un peu, toi quand t'es arrivé chez Aircall il y a un an et demi, l'état de la construction de roadmap, comment vous faisiez globalement et ce vers quoi vous avez travaillé en interne pour aller vers une nouvelle façon de construire la roadmap.

Adrien : Oui, tout à fait. Alors, quand je suis arrivé chez Aircall, on a vu une roadmap qui était très feature-based. Aircall, d'un point de vue maturité product, n'est pas forcément là où on aurait espéré que leur entreprise soit. Pour plein de raisons, je pense qu'on a eu l'occasion de discuter, notamment le fait que la boîte est très orientée sales, et sales-driven n'est pas du tout une product-led. Et donc, on se comitait sur des dates de délivery et des features qui devaient être livrées à telle date. Et si... Alors, je grossis un peu le trait, mais dans le cas extrême, on n'arriverait pas à livrer ce qu'on avait dit qu'on ferait à la date impartie, on pouvait soit livrer plus tard, soit même changer le scope de la feature, quitte à prendre le risque d'apporter moins de valeur à l'utilisateur, pas ce qu'on a commis auprès de nos stakeholders business, que ce soit sales, succès, partnerships, etc. que cette feature-là devait sortir à telle date, ça avait été promis. Donc on dirait une roadmap très classique de l'alignement, de la conception quasiment par comité, si on peut le dire comme ça, c'est-à-dire que c'est un peu la négociation entre le business qui dit moi j'ai besoin de ça, moi j'ai besoin de ça, le marketing qui dit il y a une opportunité marché de ce côté là, le CEO qui dit j'ai promis aux banques qu'on allait travailler là-dessus et on s'orientait là-dessus sur ces features-là. Donc il y avait des trade-offs qui étaient pris, on finissait par se mettre d'accord et après on disait bah telle feature sort à telle date, celle-là à telle date, etc. C'était comme ça que c'était fait quand je suis arrivé du Mans.

Terry : Très clair, donc une approche qu'on pourrait mettre en opposition à l'approche product-led, qui est l'approche sales-led. Et du coup, l'intérêt de cette approche, c'est que ça pousse les équipes à avoir une organisation en termes de delivery assez puissante pour être capable de pousser de la feature très vite. Mais l'inconvénient, comme tu l'as dit, c'est que parfois les choix potentiels de ces features ne sont pas pertinents, parce qu'ils ne sont pas pensés-valeurs pour le end user, mais plutôt stakeholders qui ont besoin de cette fonctionnalité pour X raisons, que ce soit pour signer un prospect.

Adrien : Ou.

Terry : Pour des discussions internes. Par rapport à ce point de départ il y a un an et demi, quels ont été les premiers enjeux, les premiers ateliers que vous avez mis en place pour commencer à bifurquer vers une approche plutôt outcome-based ?

Adrien : Alors en fait ce qui s'est passé c'est que... Alors déjà nous en tant qu'équipe Product on n'était pas super satisfait de ce setup là, parce qu'on entend beaucoup parler de Product Legos, parce qu'on sait qu'il y a mieux à faire et on a essayé de pousser, le fait est qu'on n'avait pas forcément le drive et on va dire la prise de conscience collective d'entreprise. pour faire ça. Là, je reviens sur le rôle de CTPO, qui parfois peut être un peu piégeux, dans le sens où le CTPO a énormément de choses à gérer, et faire en sorte que la roadmap soit plus product-led et qu'on prenne plus en compte les feedbacks d'utilisateurs, ce n'est pas forcément sa priorité, parce qu'il y a des sujets de dette technique, il y a tous ces sujets-là qui viennent prendre la priorité à cause de l'urgence. Ce qui s'est passé, c'est qu'on l'a tous vécu en début 2023, le marché de la tech Avec un gros retournement, avec des partenaires globalement, on l'a vu parce qu'on travaille beaucoup avec Salesforce, HubSpot, Pipedrive. Zendesk, tous ces gros players-là ont fait des plans de départ massifs, notamment aux US, on parle de 10 000 personnes, parfois chez des Amazons, etc. Et ça nous a impactés, nous aussi. Et en fait, on a dû, d'un coup, être beaucoup plus efficaces. Et ce qui nous a été dit, ça a été, bon, on sait que vous faites beaucoup de choses, vous sortez beaucoup de choses, mais maintenant, il va falloir faire encore plus avec moins. Et je pense, ce qui a été dit à beaucoup de gens en product et en tech, dans tout cet écosystème là et on s'est vraiment posé la question de comment le faire et c'est là qu'on a vu une opportunité pour se dire c'est le moment de se concentrer plus sur de l'impact que sur du delivery parce que là on met la pression sur de l'impact. Aircall veut être plus efficace, veut gagner plus de deals en mettant moins d'énergie derrière, apporter une meilleure valeur à ses utilisateurs et là on a une vraie occasion à ne pas rater. de s'entrer sur l'impact. C'est ce qui a en fait motivé ça. On a vu une occasion passer, on l'aura peut-être jamais eu. S'il n'y avait pas eu ce retournement de la tech, on aurait continué à faire des features les unes après les autres quasiment en mode projet, si je veux grossir le trait. Et c'est ça qui a fait qu'on a réussi à faire comprendre à notre top leadership que c'était le moment de changer les choses.

Terry : Donc ça, c'est un premier point, mais un gros point qui est le fait d'avoir, comme on dit, le buy-in de ton top management pour commencer justement à faire une migration plus à près d'un point de vue opérationnel sur les façons de faire.

Adrien : Complètement, je pense que sans ce retournement de marché, cette pression quasiment des investisseurs pour dire là maintenant il faut qu'on justifie l'impact et ce développement qu'est-ce qu'il va apporter en termes de new sales, churn, etc. Je pense qu'on n'aurait pas réussi à l'avoir et même je vais même un peu plus loin que ça je pense qu'il ne faut pas pousser dans le vide si vous n'avez pas le buy-in, si on n'a pas le buy-in du top leadership parce que c'est un coup à crier au loup et en fait à se cramer les ailes et quand on a une vraie occasion à plus être entendu parce que de toute façon ça fait six mois qu'on râle pour ça.

Terry : Ouais, ça c'est un point assez intéressant et effectivement, parce que parfois, plein de bonne volonté à arriver dans une nouvelle boîte, on peut avoir envie justement de mettre en place des façons de faire qui nous paraissent les plus pertinentes, mais pour beaucoup de raisons qui sont parfois très légitimes, en fait, c'est pas le bon moment. Et donc, ça je pense que c'est un point, comme tu dis, de ne pas se brûler les ailes trop tôt et de savoir où on est et de se mettre aussi à sa place par rapport à son rôle dans l'orga.

Adrien : Oui, et puis je pense que ça dépend vraiment du leadership aussi, c'est-à-dire que ça aurait pu tout à fait ne pas marcher. Et on aurait pu avoir un leadership qui s'est dit non, mais en fait, fais tes futures dans ton coin globalement, laisse-moi gérer l'outcome business en tant que CEO, CRO, etc. Et ça aurait pu ne pas marcher. C'est pas parce qu'on a une occasion et qu'on pousse d'un coup que ça peut passer. On maximise ses chances, mais c'est pas dit que ça le fasse.

Terry : Clairement. Et du coup, une fois que ce buy-in du leadership était là, comment vous avez pris le problème ? C'était quoi les premiers ateliers ? Parce qu'on parle d'outcome base, donc capacité à mesurer aussi l'impact de ce qu'on fait. Mais pour mesurer l'impact, il faut avoir de la donnée. Donc la donnée, on la collecte beaucoup sur les produits tech, parce qu'il y a beaucoup d'outils qui permettent de le faire. Mais ce n'est pas dit que la donnée soit dans un bon format, qu'elle soit exploitable. Est-ce que vous, la donnée était déjà là ? Comment vous avez un peu travaillé ça ?

Adrien : Alors c'est là où je mets un peu des limites à tout ce que je vais raconter, c'est-à-dire que j'ai quand même la chance d'être dans une scale-up qui a des moyens, donc en fait on a une équipe data sur laquelle je vais revenir dans trois minutes, qui est extrêmement structurée, qui est extrêmement performante et sur laquelle on peut se reposer pour tirer quasiment toutes les données qu'on veut, qu'elles soient business ou product. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Je pense que si on n'avait pas cette équipe-là qui était déjà présente, déjà fonctionnelle au moment où on a fait ce push-là, ça n'aurait pas marché non plus. Parce qu'on se serait dit effectivement quel impact, on ne peut pas le mesurer et on ne peut pas savoir. Ce qui est intéressant, c'est que quand on a réussi à passer ce cran qui a été de faire comprendre à notre top leadership qu'on voulait driver notre roadmap à l'impact, ça a switché d'un coup. C'est-à-dire qu'on est passé de rien à tout d'un coup. du 0 à 100, et du jour au lendemain le CEO nous a dit que c'était très simple, qu'il ne mettait rien dans la roadmap, qu'il était incapable de me dire quelle métrique ça impacte et de combien. Donc là on a une petite goutte de sueur froide qui a commencé à perler, et on a travaillé avec notre équipe d'Atta. Donc on a une équipe d'Atta qui est centralisée, qui est vue comme une équipe support aujourd'hui chez Aircall, de l'IT, au sens hardware du terme, et qui a quatre piliers globalement. Il y a un pilier Data Engineering, qui va s'occuper de gérer tous les pipelines et la pertinence de la donnée. On a un pilier qu'on appelle Go-To-Market, qui va être le stakeholder principal data de tout ce qui est marketing, sales et outbound. On a un pilier Customer Operations qui va gérer le succès, le support, le churn, toutes ces questions-là sur notre base client existante. Et enfin, le pilier dont je vais le plus parler, avec qui on collabore très bien aujourd'hui, on a réussi à m'augmenter d'un cran, qui est le pilier Product Analytics. Donc on a une équipe aujourd'hui de 5 personnes dédiées à nous donner, nous équipe Product, les données dont on a besoin. C'est encore une fois, je le répète, un confort immense et je pense que tout le monde n'a pas cette chance-là. Et donc on a pu se reposer sur cette équipe-là. Donc aujourd'hui, avant, on travaillait sur... On était très, en fait, très featuriel dans la façon de gérer nos données, c'est-à-dire qu'on sortait quelque chose et on tirait les données Product, et uniquement Product, c'est important de le dire, pour s'assurer que ça marche. on sort un nouveau flow et ce que les gens l'utilisent, on n'est pas plus loin que ça. Là, on a dû lancer un stream de, on va dire, de cross scope, on va dire, de niveau data, qui était de se dire, l'équipe Product Analytics doit bosser avec l'équipe Customer Operations pour avoir des dashboards, des globants et des métriques qui sont communaux d'eux. pour aller pouvoir piocher l'impact sur le churn de tel funnel par exemple.

Terry : Pour avoir une feedback loop en fait entre ce que tu fais et son résultat. Ce que tu dis, je reviens juste un tout petit peu en arrière sur la chance que vous aviez d'avoir cette équipe Product Analytics et aussi le fait que c'est souvent dans d'escalades, donc c'est dans des boîtes en termes de taille qui sont au-delà de 500... à partir de, on compte plusieurs centaines de personnes, entre 5, 6, 600 personnes. J'ai fait un épisode il y a quelques temps avec Enzo de chez Onfido, qui est Head of Product Analytics, et pareil c'est une scale-up qui a une taille significative, dont, bah du coup, qui peut se permettre d'avoir ce type d'équipe, mais qui sont très très pertinentes.

Adrien : Je pense que ça dépend aussi beaucoup de la fibre des founders et des leaders de la boîte à toutes les étapes. Et je pense que ce n'est pas parce qu'une boîte a 20 personnes qu'elle ne peut pas se permettre d'avoir des analytiques sur son product ou sur son impact. Le fait est que d'avoir une équipe déjà structurée, déjà opérationnelle à ce stade-là, c'est un luxe qu'on retrouve plutôt chez les scale-up.

Terry : Et donc comme tu le disais, donc là l'idée c'était plutôt que d'avoir juste de la data qui remonte une fois que ta feature est sortie, c'était d'essayer de faire travailler aussi de bout en bout entre la partie discovery, recherche de ce qu'on va pousser et l'impact, le résultat quoi, pour faire la boucle complète. Comment ça vous l'avez travaillé en fait entre partie produit et partie product analytics ? Est-ce que vous avez en gros demandé à la partie product analytics de faire ce job seul et vous vous concentriez sur d'autres choses ou c'était...

Adrien : Alors, on a eu encore une fois de la chance, et c'est vrai que les planètes se sont un peu alignées maintenant qu'on en parle, c'est que l'équipe product analytics est extrêmement compétente et que du coup on a pu se reposer sur eux pour leur dire que vous êtes notre point de contact data, avec un grand D, et vous allez vous aligner vos collègues de l'équipe data pour aller bien choper les bonnes tables, les bonnes data au bon endroit, etc. Donc on a réussi à avoir un deck qui était un peu un état des lieux de notre produit, qu'est-ce qui faisait que nos clients étaient churnés, qu'est-ce qui faisait qu'on ratait des deals, qu'est-ce qui faisait un peu tout ça. Et on a pu se reposer uniquement sur eux. Et d'ailleurs ça n'a pas vraiment été un problème, je pense, grâce au fait qu'ils se sont très bien alignés, qu'ils ont très bien coopéré en tant qu'équipe data. Le sujet et le change de culture qu'on a eu à faire, ça a plutôt été sur le stakeholder business. Le vrai challenge, il a été là, et je pense qu'il est là pour la plupart des boîtes qui veulent faire ce changement-là. C'est qu'on ne peut pas aujourd'hui décider ou communiquer à nos leaders d'impacter le churn. sans en parler aux équipes success ou les new sales sans en parler aux équipes sales. On n'arrête pas de dire que le product c'est communication, communication, communication. Là c'était vraiment un cas. Parce que c'est des métriques sur lesquelles ces équipes-là reportent, voire sont incentivées en termes de variables, et aujourd'hui on a besoin de s'aligner. Et le change de culture qu'on a eu à faire et sur lequel on a eu beaucoup de mal à passer, Je pense que c'est normal, encore une fois, c'est que ces équipes-là, quand on leur demandait de s'aligner sur des métriques, avaient l'impression qu'on leur tendait un peu un piège parfois. Par exemple, si je fais ça, tu vas vendre tant de plus. Et je pense que ce qui se disait derrière, ça a été, on va revenir me chercher, si pour une raison x ou y, le marché, la dynamique, le produit, etc. ne convient pas, et qu'on ne fait pas tant d'objectifs de plus de new sales sur cette feature-là, on va venir me le reprocher à moi. Et ce qu'on a énormément de mal à faire passer comme message, et qui d'ailleurs n'est pas complètement passé encore chez Aircall, c'est que l'échec dans l'impact, il est collectif. et que si une feature n'a pas un effet compté sur les new sales par exemple sur un segment qui est adressé, ça peut être parce que c'est mal vendu effectivement, ça peut être parce que c'est mal développé, ça peut être parce que la valeur elle est mal communiquée, ça peut être parce que le go-to market est à revoir, ça peut être plein de choses, ça peut être parce qu'on n'a pas de bol et que le marché s'est retourné, on arrive trop tard ou qu'on a mal vécu, on a mal vu ce qu'on voulait faire. Et ça, ce chandon de culture qui est de dire l'échec comme la réussite est complètement commun, Et si on n'atteint pas les objectifs, il faut qu'on se pose autour de la table pour réfléchir tous ensemble à pourquoi on n'a pas réussi. Ça peut être la faute de l'un comme la faute de l'autre, comme la faute de tout le monde. On n'a pas encore complètement réussi à le passer. Et donc quand on est allé voir des stakeholders en disant combien est-ce que tu penses qu'on peut vendre de plus si on fait ça, on a eu beaucoup de frictions de gens n'étaient pas sûrs, ça dépend du marché, etc. Je donne juste un exemple, on a sorti la dernière version de notre intégration avec Zendesk. Et quand on a voulu aller se mettre des objectifs de referral, c'est-à-dire, on pense que le pari qu'on prenait avec cette intégration Zendesk c'était, en sortant une nouvelle version d'intégration Zendesk quasiment co-construite avec eux, on va avoir deux choses, on va avoir plus de referral, c'est-à-dire que Zendesk va nous envoyer plus de deals, parce qu'on a développé la relation commerciale avec eux, et on va augmenter le winrate. sur les deals avec Zendesk. Soit entendu, notre intégration est meilleure, le client aura plus de valeur à utiliser RCO les Zendesk, et donc le win ratio va monter. Donc là, l'objectif, c'était de combien on impacte les referrals, de combien on impacte le win ratio. et le product, avec toute la bonne volonté qu'on avait, on n'était pas forcément pertinent à donner des chiffres et à faire en sorte qu'on se committe collectivement dessus. Et quand on est allé voir nos collègues de GoToMarket, les arguments qu'on a eus, c'était oui, mais bon, Zendesk ne va pas très bien en ce moment, donc on aura moins de deals. Oui, mais c'est la période estivale, donc la dynamique de marché n'est pas forcément la bonne. Oui, mais on ne sait pas, il y a d'autres partenaires qui arrivent sur le jeu. Oui, mais on a perdu le point de contact chez Zendesk, qui sont que des très bons arguments pour expliquer que les objectifs ne doivent pas être trop ambitieux, pas pour expliquer qu'il ne fallait pas s'en mettre. Et ça, ça a été un peu un des points de choc. Bon, on a eu beaucoup de mal et encore une fois, je pense qu'on n'a pas encore complètement résolu le sujet.

Terry : Hyper intéressant, je te propose qu'on revienne après sur cette partie-là, puisque c'est aussi un sujet qui est toujours chaud aujourd'hui, comme tu dis, vous n'avez pas complètement craqué. J'ai bien compris ce que tu disais sur la partie qui a été assez fluide, le fait d'avoir la donnée, puisque vous aviez la chance d'avoir une équipe compétente et déjà en place côté Product Analytics. Ce que j'aimerais comprendre, c'est du coup, à partir du moment où il y a ce shift, là en plus c'est du 0 à 1, un changement complet du jour au lendemain de maintenant il faut être à Outcome Base et je veux mesurer l'impact avant même qu'on décide de faire telle ou telle feature. Comment est-ce que ça s'est traduit aussi sur les différents peut-être points trimestriels que vous aviez pour justement construire cette roadmap ? Quel était le changement majeur, le premier qui te vient en tête de ce que tu as pu voir au tout début de ton arrivée chez Aircall versus les premiers meetings après ce basculement suite à la crise de la tech en 2023 ?

Adrien : Je vais essayer de ne pas répondre à côté, si j'ai bien compris la question, je pense que la grosse différence que je vois c'était que en fait on a systémisé complètement le fait de regarder après coup ce qui était fait.

Terry : Systématisé je pense.

Adrien : Systématisé, excusez-moi, je pense que c'est de l'anglais ou un truc comme ça. C'est devenu automatique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui on est suivi, on suit tout ce qu'on a sorti, et est-ce que l'impact il y est ? Il n'y est pas. Et là où je pense qu'on ne va pas complètement au bout de l'objectif, c'est que vu qu'on a encore quand même toujours cette pression sur le go-to-market et le delivery, en fait aujourd'hui si on sort quelque chose et qu'on n'atteint pas les objectifs de beaucoup, on ne va pas forcément aller jusqu'au bout et se dire ok, en fait on lâche les sujets qui devaient venir après, et on retravaille ce truc-là pour atteindre la valeur. On n'est pas encore là.

Terry : Ok, et du coup sur la partie mesurer l'impact sur tout ce que vous faites, concrètement c'est, vous vous engagez après sur, enfin vous vous donnez comme échelle de temps, c'est au trimestre, c'est biannuel, c'est quoi un peu l'échelle de temps ? Parce que l'impact, une fois qu'on arrive à le mesurer, on sait très bien que sur certains sujets, de la même manière qu'il faut une acculturation en interne pour changer les choses, d'un point de vue client c'est aussi la même chose. Donc sur certains sujets qui sont peut-être plus loin à avoir de l'impact, c'est peut-être plus compliqué aussi d'aller dire bah attendez là ce quarter là il n'est pas encore arrivé mais c'est en train de changer on a la bonne la bonne courbe la bonne dynamique qui se produit comment c'est c'est mesuré enfin quelles sont un peu les échelles de temps que vous avez aussi sur certains arbitrage là ?

Adrien : L'échelle de temps, c'est un vaste sujet, c'est super intéressant que tu poses la question. C'est trop court, on risque de ne pas voir les impacts, et trop long, on risque d'avoir trop de choses à traquer en même temps. Aujourd'hui, on s'est dit trois mois. On s'est dit trois mois, pour l'instant, ça a l'air de plutôt bien marcher. C'est-à-dire qu'on voit les impacts, en général, au bout d'un mois. Il se peut qu'au bout de deux, on finisse par dire, deux, ça suffit. On est capable de dire, si on a complètement atteint l'objectif, si on est complètement à côté de la cible ou si on est entre les deux, et de prendre des actions en fonction. Donc aujourd'hui, c'est trois. C'est un peu long, et ce qui est extrêmement frustrant sur cette partie suivie de métrique aussi côté product, on n'a pas encore croqué le truc et je ne sais pas si on va y arriver, c'est que les métriques, qu'elles soient business ou autre, dépendent d'énormément de facteurs. Et que dans la plupart des cas, on arrive à à peu près segmenter notre base utilisateur pour se dire bon ben là on arrive à savoir que c'est l'impact de telle feature, mais on sort share call avec les équipes qu'on a, on sort je pense une dizaine de features impactantes par trimestre. ça brouille énormément. Et aujourd'hui on n'est pas en mesure, et je pense que ce ne serait pas une bonne chose, on n'est pas en mesure de dire on pose tout, on sort ça, on attend un mois, on regarde l'impact, après on sort le suivant, faire du séquentiel comme ça c'est dire qu'on paralyse complètement la boîte. Mais aujourd'hui tout ce qu'on sort en même temps nous crée aussi beaucoup de bruit.

Terry : Ça c'est assez intéressant ce que tu dis parce que du coup ça remet aussi un peu en perspective la logique outcome-based qui sur le papier fait complètement sens de se dire ok c'est ça l'objectif, maintenant on va implémenter ça pour aller vers cet objectif et on voit si ça va dans la bonne direction ou pas. Quand t'es dans une situation où effectivement t'as beaucoup de choses qui vont influer ton objectif et que t'es pas trop en mesure de dire si c'est plus l'un que l'autre, donc dans quelle mesure tu dirais aussi que Au final, la logique du doigt mouillé ou en tout cas de la conviction forte qu'il y a après aussi au niveau peut-être plus management, top management d'un point de vue business, a toujours un impact même dans cette transition qui a été quand même très puissante comme tu le disais.

Adrien : Oui, tout à fait. Je pense qu'il ne faut même pas essayer de tendre vers ce tracking parfait de tout ce qu'on sort parce que la valeur n'y est même pas forcément. Je pense qu'il faut aussi accepter que pour des entreprises qui sortent beaucoup de choses en même temps, il y a des choses critiques pour l'entreprise sur lesquelles il faut s'assurer d'un succès. et d'autres sur lesquels c'est important d'avoir une idée, de savoir si on est dans la cible ou pas, mais globalement on va s'arrêter là. On a tous une capacité intellectuelle limitée, on a tous un temps limité, une énergie limitée, les journées sont fixes et il y a des sujets qui méritent qu'on y passe la semaine pour s'assurer qu'on réussit, des sujets qu'ils ne méritent pas. Nous aujourd'hui on met un gros focus en 2024 sur nos nouveaux add-ons vis-à-vis notamment de l'AI, de tout ce qui sort en AI. Donc là on a énormément de tracking, on a un business plan, on a des objectifs, on va les suivre au moins. Et là, ça vaut le coup que, collectivement, on y passe du temps. Il y a des features qui sont beaucoup moins impactantes. On veut s'assurer qu'on est à peu près dans les clous parce que ça permet aussi de valider notre compréhension de notre produit, notre base d'utilisateurs et des besoins. Maintenant, si on tape un pas à côté de la cible, on ne va pas prendre le temps de mettre tout le reste en retard de un mois, voire deux, pour corriger cet impact-là. Donc, je pense qu'il faut aussi savoir segmenter et bien attribuer son effort en fonction de l'importance des sujets pour l'entreprise.

Terry : Ouais, choisir le bon cheval de bataille quoi, et pas courir tout en même temps, s'aligner là-dessus. Du coup, je suis curieux de comprendre sur les ateliers de planification trimestriel que vous faites aujourd'hui, toi en tant que Head of Product, avec quels autres stakeholders de la boîte tu interagis, et comment derrière ça se passe, parce qu'il y a quand même un sujet d'arbitrage derrière aussi sur les prio, même si c'est très orienté données. Il y a toujours chacun qui veut défendre son bout de gras aussi ou pousser plus pour quelque chose que d'autre. Comment vous travaillez ça et c'est quoi un peu votre logique d'arbitrage que vous avez aujourd'hui ?

Adrien : Je vais prendre un exemple qui est je pense assez parlant et parce que c'est un peu mon exemple de cœur, c'est les intégrations share call. les intégrations, on a deux use case principaux qui sont les CRM pour les équipes plutôt sales qui vont devoir logger la sortie d'un call, comment ça s'est passé, etc. Et on a les calls qu'on appelle plutôt inbound, c'est-à-dire les calls entrants, qui là sont plutôt sur des équipes support. Et en fait, les acteurs avec lesquels on va s'intégrer, ça dépend énormément de quelle géographie on va attaquer et sur quel segment de marché. Parce que si on décide qu'on va aller très fort en Amérique du Nord, on ne va pas s'intégrer aux mêmes outils, on ne va pas mettre le même effort sur les mêmes outils que par exemple en Inde, en Australie ou même en Europe. Et ça, c'est un vrai sujet. Et aujourd'hui, parce que je prends un de nos stakeholders Go-To-Market, qu'on appelle l'équipe Partnerships, qui s'occupe de gérer la relation avec notamment tous ces partenaires-là, ils sont, eux, régionalisés, pour toutes les raisons que je viens de développer, parce qu'ils ne parlent pas aux mêmes partenaires, etc. Mais du coup, c'est très compliqué d'avoir une opinion généralisée de cette équipe-là. Parce que le leader partnerships en Asie-Pacifique, par exemple, pousse beaucoup pour avoir ZohoCRM, qui est un player qui est assez présent là-dessus. En Amérique du Nord, on va plutôt entendre parler d'Upspot et de Salesforce. En Europe, c'est plutôt Teams, par exemple. Donc on a tous un peu ces choses-là, et c'est très compliqué. d'avoir, on va dire, une vision généralisée. Cette raison-là a fait qu'on a parlé quasiment qu'à des VPs dans ces exercices-là, des gens qui étaient assez haut placés pour pouvoir un niveau qu'on appelait global, et qui giraient globalement Herco le monde, pour les sales, pour le partnership, pour tout ça. Et ces gens-là étaient capables de nous dire, oui, j'entends parler de Zoho, Salesforce, Steam, etc., mais au vu de moi, les engagements que j'ai pris, au vu de la priorité de la boîte que je connais, on va dire que c'est Salesforce, par exemple. Donc il fallait ce niveau-là. C'était plutôt du VP directeur, voire C-level aussi.

Terry : Ok, donc très clair, donc même toi en tant que lead of products, en fait les autres interlocuteurs côté business que tu avais et qui te permettraient d'arbitrer c'était dans les strats hiérarchiques des interlocuteurs qui étaient au-dessus de ce que tu pourrais avoir comme parallèle côté produit.

Adrien : Oui c'est ça, sur l'impact on faisait ça et après on allait, ce qu'on faisait c'est qu'on définissait l'objectif gros smile avec le niveau VP et après on redescendait entre guillemets dans les équipes pour aller préciser ce chiffre là. Et parce que les VPs peuvent pas être sur tous les sujets, quand on a décidé qu'on allait sur Salesforce par exemple, Après on est allé parler à des managers, à des team leads, des gens qui sont vraiment au contact de Salesforce pour aller refiner un peu cet objectif et dire est-ce que c'est 3, 4, 5% de croissance ? En fait ça va plutôt être 4,2% parce que le 5% est trop ambitieux pour X, Y, Z que le VP ne pouvait pas connaître à son échelle là par exemple.

Terry : Très clair, très clair. Et du coup côté PM de ton équipe, comment ça redescend après sur les jobs des PM que toi tu as dans ton département ?

Adrien : Ça a été difficile parce qu'on a voulu vraiment responsabiliser les PM là-dessus et leur dire, voilà, on va collectivement faire ce step-là culturel qui est très ambitieux pour Aircall, on ne va pas le faire nous-mêmes, les head-offs, on va le faire tous ensemble en fait. On a vraiment mis les PM en première ligne et je pense que d'ailleurs c'était peut-être un peu une erreur parce qu'un PM face à un VP aujourd'hui, déjà c'est pas forcément légitime, de parfois lui mettre le coup de pression qui est nécessaire. Et ils n'ont pas forcément la vision globale. Donc en fait, c'était les PM et les head of, qui étaient quasiment tout le temps dans ces meetings-là. Et il y a un autre truc qu'on a réalisé après coup et qui est vraiment un piège, c'est qu'en product, on traque énormément de choses. On a plein de concepts qu'on connaît tous, d'adoption, conversion, rétention de features, etc. Et en passant sur des objectifs business vis-à-vis de nos Release Products, ce qu'on a fait, c'est qu'on a quasiment triplé le nombre de métries qui étaient nécessaires à suivre, et que des PM qui étaient très à l'aise avec des adoptions de features, des funnels, ces choses que Product, on connaît bien, d'un coup, on leur a rajouté Churn, MRR, ARR, Customer Lifetime Value, Average Revenue Per Account, et tous ces trucs-là, en fait, ça a fait énormément de choses, et c'est une charge qu'on n'avait pas du tout prévue, en fait. On s'attendait à avoir un effort culturel à faire sur les stakeholders pour leur dire attention maintenant on va se commit, vous allez regarder, on va suivre un peu quelle future a quel impact. Mais en plus de ça les PM, ils ont dû monter de trois crans et on les a assez peu accompagnés parce qu'on ne s'attendait pas à cet effet-là pour dire non mais attends, il faut d'un coup que tu connaisses non seulement les Metrics Product, mais les Metrics Success, les Metrics Sales et il y en a qui sont parfois un peu velus.

Terry : Et du coup là-dessus, j'entends bien la problématique. D'un autre côté, je comprends aussi pourquoi vous avez mis en place ces métriques-là, c'est parce que derrière, au niveau top management, c'est des métriques qu'ils voulaient pouvoir mesurer, évidemment. Si tu devais refaire l'exercice, tu ferais comment ? Parce qu'il va falloir les faire remonter d'une manière ou d'une autre quand même, ces métriques.

Adrien : Complètement. Je pense que si je devais refaire l'exercice, ce que je changerais, c'est peut-être que je ferais plus de préparation d'EPM. qui, par manque de temps, par manque de préparation, ont été un peu lancés, on va dire, avec une épée en bois dans la bataille, dans l'arène. Et je pense que ça n'a pas forcément été facile pour eux. Donc je pense que je les préparerais plus, notamment sur Cymetric Business, histoire qu'ils aient vraiment des armes pour aller, entre guillemets, négocier avec les stakeholders et aller leur expliquer. Et je pense que j'aurais peut-être, Si on devait changer un truc, je pense qu'on l'aurait fait d'une manière peut-être un peu moins franche. Encore une fois, on n'a pas forcément tout maîtrisé, parce que comme je t'avais dit, ça a basculé d'un coup et que ça a été du 0 à 100 sur l'impact. Et on est peut-être allé un peu fort dans l'exercice. Et je pense que se mettre des métriques, même vagues, même assez générales, ça aurait été peut-être un premier pas intéressant. Et accepter que le fait qu'il y ait des changements de culture, déjà ça prend du temps, ça prend de l'énergie, ça embarque pas tout le monde. Et ça se fait souvent dans la douleur. Et là on est peut-être allé un peu fort en voulant aller chercher le dixième de pourcentage de métrique sur une feature qui était peut-être de second rang en termes d'impact ou d'importance pour l'entreprise.

Terry : Donc il y a assez clair là-dessus et dans la même lignée un peu de retour d'expérience, les choses qui t'ont agréablement surpris ou sur lesquelles peut-être tu t'attendais pas à ce que ça fonctionne aussi bien et qui au final se sont plutôt bien passées. Moi je retiens ce que tu m'as dit sur la partie Product Analytics qui a été quand même un gros support quoi. Et derrière peut-être plus ce côté de ton équipe Product, de TPM à toi, des choses qui se sont plutôt passées assez smooth quoi.

Adrien : Oui, il y a eu effectivement des points très positifs à ça. Déjà, le premier, c'est que nous, on s'est vraiment quasiment amusés à faire ça. C'était quand même très intéressant comme exercice. Et les corollaires positifs qui n'étaient pas forcément attendus, on a eu l'équipe Product Analytics qui a réussi à travailler avec nous pour que la collaboration monte dans le cran et rende des choses beaucoup plus pertinentes. Ça, c'est une vraie victoire sur laquelle on continue de bâtir. Et l'effet positif auquel on ne s'attendait pas, ça a été notamment qu'en fait, ça a énormément motivé les PM. On leur parlait de combien tu permets à l'entreprise d'atteindre ses objectifs de quarter auprès des investisseurs, etc. C'est un grand impact qui est beaucoup plus important, notamment dans la perception des PM. C'est un impact qu'ils avaient déjà. Mais le fait de se poser la question de combien est-ce que ça va permettre d'aider le churn, ou même en termes de réduction de tickets pour le support et en efficacité pour les équipes, ça a été un gros facteur de motivation. De se dire, moi aussi j'ai un impact, je l'avais déjà avant, mais maintenant je le vois vraiment. On a remis un peu l'EPM au centre de l'impact business et c'était quelque chose qui a vraiment motivé les équipes et qu'on a trouvé très chouette.

Terry : Ouais ça c'est hyper intéressant ce que tu partages parce que c'est vrai qu'on voit avec ce que tu dis aussi l'intérêt de responsabiliser derrière, c'est que ça permet aussi de réengager et donc d'y gagner tous ensemble quoi. Après du coup pour mettre ça peut-être en perspective, l'équivalent, est-ce que au niveau, c'est vrai que t'es passé assez rapidement sur ta presse sur votre orga produit donc peut-être que tu l'as dit mais je l'ai pas percuté, Aujourd'hui, comment vous fonctionnez là ? Avec le PM, il a un référent tech, un référent design, est-ce qu'il bosse avec un PMM, avec un Product Marketing Manager ? C'est quoi un peu le mode de fonctionnement au niveau PM du coup ?

Adrien : Aujourd'hui déjà, on n'a pas de PO. Chez Aircall, le choix a été pris bien avant que j'arrive de ne pas avoir de binôme PO mais d'avoir un PM qui s'occupe aussi du backlog. Ce n'est pas un débat dans lequel on va rentrer, ça fait des années que tout le monde en parle et globalement l'intérêt que ça a c'est que le PM gère vraiment tout de la discovery à la délivrerie de sa future et de sa valeur. Le problème qu'on voit aussi, c'est qu'on a des PM d'un excellent niveau qui parfois passent du temps à faire des US et ce n'est pas forcément la meilleure utilisation de leur temps. Ceci dit, cet orga parallèle avec CTPO, VP, Product Engineering qui descend comme ça, fait que chaque PM a un, voire dans certains cas assez exceptionnels, deux team leads, ou squads globalement. Et ça marche plutôt pas mal. Le PM pour, ça c'est vraiment le stakeholder engineering et après peut s'appuyer sur des stakeholders qui sont là pour le soutenir. PMM notamment, on a une équipe product marketing qui nous aide dans tout ce qui est market research, communication de la valeur aussi auprès du client, voire même en interne dans l'entreprise et qui soulagent énormément les PM en faisant ce travail-là. et une équipe d'Atta, qui est là en soutien aussi, on a à peu près un product analyst pour, je dirais, 4-5 PM. Alors on peut se dire que c'est jamais assez, je pense que c'est jamais assez, mais ça nous apporte une aide extrêmement précieuse. Pareil pour les PMM, on a à peu près ce ratio-là, et peut-être un peu moins, peut-être un pour deux, un pour trois, et on a aussi une équipe de product design qui est critique pour nous et qui travaille en co-construction complètement avec les PM.

Terry : Ok, et pareil qui est mutualisé pour plusieurs PM ?

Adrien : Qui est mutualisé, on n'a pas de scope dédié là où les PM ont un scope qui est très clair comme le tech lead. Et c'est le cas aussi des product analysts, ce n'est pas forcément le cas des product designers. On a voulu, pour des questions de cohérence de l'expérience globale, et pour aussi faire un peu tourner les expertises et ne pas avoir un product designer qui soit extrêmement fort dans le design d'applis iOS, parce que c'est quelque chose qui peut finir par converger si on ne fait pas attention, on a une équipe de product design qui a son expertise, chaque profil a un peu son expertise, mais qui flotte en fonction des sujets en tout cas. Et ça marche plutôt bien aujourd'hui.

Terry : Durant cette phase de construction, de mise en place de nouvelles façons de faire la roadmap, est-ce que tu t'es inspiré d'autres boîtes qui avaient déjà fait ce shift ? Comment tu t'es guidé ? Comment t'es allé au bon sens paysan ?

Adrien : Je pense qu'il y a deux choses. Non, je me suis beaucoup inspiré de l'abondante littérature et de tout ce qu'on peut trouver sur LinkedIn et autres. Maintenant, je pense qu'il ne faut pas avoir peur quand on... C'est une très bonne ressource, mais il faut aussi l'appliquer au contexte. Aircall a un contexte un peu particulier de scale-up, de plutôt sales-driven, de tout ça. Et je pense que ça aurait été une erreur d'appliquer les frameworks, on va dire, quasiment idéaux. que tout le monde a en tête. Je pense qu'on peut tous se rappeler des OKR. Tout le monde dit que tout le monde fait les OKR de manière parfaite. J'ai toujours pas rencontré de leader product qui le fasse vraiment correctement, qui du moins en soit content. Et je pense que c'est un peu le cas pour tout ça. Par exemple, une chose qu'on n'a pas faite, ça a été d'organiser les équipes product et tech sur un impact. C'est quelque chose qu'on voit beaucoup, de réorg très ambitieuses. On se dit, toi, tu vas gérer la rétention, toi, tu vas gérer le churn, etc. Nous, c'est clairement une réorg sur laquelle on n'était pas prêts du tout, collectivement, chez Aircall, en tant qu'entreprise, on a décidé de ne pas le faire. Ça, c'est le genre de choses que c'est beaucoup vu dans la littérature, c'est beaucoup mis en avant. Nous, on n'était pas prêts aujourd'hui à le faire, donc on a choisi de ne pas le faire.

Terry : Ok, très clair. Et donc pour revenir un petit peu sur les phases un peu plus compliquées d'acculturation et du coup des choses sur lesquelles vous êtes encore en train de travailler, peut-être déjà pour prendre l'angle positif là-dessus, qu'est-ce qui pour le coup sur cet aspect plus acculturation a pour toi bien fonctionné ? Et pourquoi surtout ? Qu'est-ce qu'on pourrait trouver comme petite recette, ou en tout cas des tips ceux qui pourraient servir à d'autres ? Et qu'est-ce que tu vois comme sujet plus complexe là, actuel aussi ? Peut-être que ça peut parler à d'autres personnes, pareil, qui rencontrent le même type de problématiques dans leur switch sur un mode plus outcome-based.

Adrien : Le changement de culture c'est vraiment le sujet le plus compliqué, parce qu'en fait je pense que pour en avoir fait quelques-uns par le passé, tu peux pas forcément accélérer les choses autant que tu voudrais. Il y a un moment où il faut que ça pénètre dans les esprits, dans les façons de travailler. Et je pense que sur ce sujet-là, malheureusement, tu ne peux pas aller plus vite que la musique. Un des conseils que je donnerais vis-à-vis de ce que moi, j'ai pu voir et faire, c'est ne pas hésiter à se reposer sur des discussions informelles. Alors, je sais que depuis le Covid et qu'on est tous en remote, ce n'est pas forcément faisable pour tout le monde. Mon expérience, c'est qu'expliquer un peu le contexte autour d'un café, voire autour d'un verre à un collègue, Cette personne-là n'a pas forcément l'impression qu'on lui a tendu un piège d'un point de vue dans un meeting Zoom avec son boss par exemple, etc. Et ça passe beaucoup mieux. Donc ça c'est peut-être le premier conseil, c'est de ne pas hésiter à se reposer sur l'informel pour expliquer petit à petit le changement de culture, le fait que ce n'est pas un piège, que l'échec comme la réussite sera collectif, et le montrer. Le deuxième chose, c'est pas hésiter à remercier et à souligner l'impact des stakeholders, ce qu'on essaie de faire changer petit à petit en termes de culture dans la communication pour qu'eux voient bien qu'effectivement l'échec est commun mais que la réussite aussi est commune et que c'est quelque chose qui est important et qu'on sera prêt à remercier tous ceux qui nous aident là-dessus parce que si une feature est bien vendue, c'est qu'elle est bien vendue, elle est bien construite, elle est bien... mais elle est aussi bien vendue. Et la dernière chose que je dirais là-dessus, c'est ne surtout pas économiser son effort. Je pense qu'un changement de culture, ça peut ne pas marcher, peu importe l'effort qu'on y met. Par contre, ça peut vraiment foirer si on ne met pas l'énergie qu'il faut. Je pense qu'il faut être un exemple disponibilité, de pédagogie, d'empathie aussi, de comprendre que peut-être que le stakeholder sales, par exemple, qui n'est pas trop chaud pour se mettre d'objectif, peut-être qu'il a beaucoup la pression aussi parce que le quarter en cours n'est pas très bon, et ne pas hésiter à, alors ça va faire un peu bullshit ce que je vais te dire, mais à gloire à appliquer ce mindset product, de se mettre dans les pompes de ton stakeholder pour comprendre aussi lui pourquoi est-ce qu'il peut bloquer, qu'est-ce qui fait que ce blocage d'apparence, on va dire pas forcément constructif en fait, prend racine dans quelque chose de plus profond qui est J'ai pas fait un bon mois le mois dernier, comment est-ce que je peux m'assurer ? Là, il va m'empêcher de le faire. Donc voilà, mes trois conseils, c'est de mettre toute l'énergie qu'il faut, se reposer sur l'informel et communiquer sur les succès pour montrer qu'on construit ça ensemble.

Terry : Hyper intéressant, donc la communication je pense que ça revient en permanence, répéter, répéter, répéter, on ne communique jamais assez. Moi j'aime bien dire qu'il faut surcommuniquer parce que ça ne s'est jamais en fait trop, effectivement. Le fait de se donner à fond, ça je trouve ça assez intéressant parce qu'effectivement tu pourrais te dire, oula c'est en train de, cette réorg elle n'est pas en train de passer, c'est en train de foirer, mais en fait continuer à se dire mais non, j'y vais, j'y vais, j'y vais, parce que même si jamais ça ne devrait pas marcher, si jamais il s'avère que c'était compliqué le résultat, au moins j'aurais tout essayé. et du coup de vraiment pousser sur ce que tu dis avec cet exemple par exemple d'un sales qui va peut-être être réfractaire d'aller chercher pourquoi en fait il bloque autant ça veut dire effectivement donner peut-être plus de temps à ce sales là que tu donnerais à d'autres mais tu le fais parce que tu as vraiment envie de l'emmener aussi avec toi quoi et donc cet aspect se donner à 200% je trouve ça hyper intéressant après c'est sûr que c'est énergivore quoi donc faut pas en faire trop d'affilée des transfos parce que sinon tu crames les équipes Mais là-dessus, je partage bien le point. Après l'informel, moi je suis pro de la culture de la synchrone et de l'écrit du coup, puisque c'est comme ça que tu permets aussi de capitaliser, de récupérer, de ne pas perdre l'information. Mais en même temps, c'est justement en général quand t'as une forte culture de la synchrone que tu peux te permettre aussi plus facilement de faire de l'informel. Dans le sens où si t'as tout qui est passé par écrit, tu peux te dire que les informations importantes sont posées, j'ai pas de risque en fait à aller prendre du temps off pour aller échanger et s'il le faut je peux le faire de manière plus libre puisque les informations vraiment importantes sont posées par l'écrit. Je sais pas vous chez Aircall si vous avez une culture de l'écrit ou pas du coup ?

Adrien : Oui très, alors nous on a une boîte qui, on a pris complètement le virage du remote, notamment avec le Covid, et en fait on a des contrats remote en France, on a des gens qui travaillent depuis le sud de la France, depuis Montpellier, depuis... Vu qu'on est extrêmement géographiquement dispersés, on est un peu obligés de le faire. On est un peu obligés de se rebaser là-dessus, et il y a des gens à Sydney, Delhi, Londres, Berlin, Madrid, Paris, New York, Seattle, enfin voilà, un peu tout le monde. Ça a des avantages, ça a des inconvénients. L'avantage, c'est qu'aujourd'hui, on bosse très, très bien comme ça. J'ai l'impression, même pour moi qui suis plutôt allé au bureau, rencontrer des gens au Zoom, c'est quasiment comme les rencontrer en vrai, entre guillemets. Les informations passent, la collaboration a lieu. Là où je pense que ça peut empêcher ces petites discussions un peu informelles, c'est que quand quelqu'un est à l'autre bout de la France et que tu as des budgets pour les transports qui sont un peu limités, tu ne vas pas forcément faire les retours en diagonale un Paris-Brest pour aller discuter de manière informelle et prendre un café. Ça c'est possible qu'avec les gens qui sont au bureau en même temps que toi. Et alors là, peut-être qu'on ne sera pas d'accord là-dessus, mais le café informel via Zoom, j'ai eu du mal à accrocher personnellement, j'ai eu du mal à retrouver un peu cette connexion que tu as quand tu es assis l'un en face de l'autre avec un café ou un thé et que tu te dis, écoute, je pense qu'on s'est mal compris sur le message d'avant, mon objectif c'est celui-là, je comprends que ce soit bloquant.

Terry : Pour toi, etc. Ouais, non, là-dessus, à 200%, j'ai jamais expérimenté le café informel en Zoom, même pendant le Covid, j'ai pas eu l'occasion de participer à ce genre d'événement, mais j'y crois pas spécialement non plus. C'est d'ailleurs pour ça que là, le podcast, on l'enregistre aussi en présentiel, parce que je crois vraiment à cet échange en présentiel. Ce, par contre, pour moi, il n'y a pas de dichotomie entre faire de la synchrone et se voir quand c'est nécessaire. C'est-à-dire que Souvent on oppose les deux en se disant bah en fait, asynchrone, plus personne se voit, se parle, etc. Pour moi c'est faux, c'est un peu se cacher derrière un argument qui n'est pas pertinent puisque, encore une fois voilà, quand t'as une forte culture de l'écrit, tu peux prendre du temps pour voir les gens mais après c'est vrai que si géographiquement t'es vraiment éclaté, là c'est plus compliqué de se dire de prendre un café quand t'es un peu éparpillé partout dans le monde quoi.

Adrien : Je suis tout à fait d'accord avec toi, je pense qu'il y a les deux se complètent en fait, et que c'est tout à fait possible pour une entreprise de bien bosser avec la plupart des gens en remote, et nous on le fait et ça marche plutôt très bien. D'ailleurs j'ai un peu glorifié le café, mais je pense que des discussions un peu informelles peuvent se faire tout à fait par Zoom ou autre. Donc je pense qu'il y a les deux se complètent, et qu'au contraire le café informel, si je peux encore revenir sur le café, a encore plus de valeur quand il est, entre guillemets, un peu exceptionnel dans une boîte remote.

Terry : Oui, c'est ça, yes. Du coup, pour revenir sur le sujet, sur les prochaines années autour de la nouvelle façon dont vous construisez la roadmap, toi tu vois quoi là, un peu comme gros points qu'il va falloir réussir à craquer et peut-être des points qui sont, ça y est, passés en mode run, il faut juste continuer en monitorant bien sûr.

Adrien : Je pense que justement on n'est pas encore en mode run. On a eu le top départ et on a fait la phase d'accélération, vous savez qu'il fait mal dans les jambes. Mais ce n'est pas encore évident pour tout le monde que tous les trimestres on se refait une revue de toutes les metrics, etc. On a pris deux crans en termes de qualité, de suivi de la data et de mesure d'impact. Je pense qu'on peut en prendre encore deux. Donc on n'est pas encore dans le run. Et ce n'est pas acquis pour tous nos leaders que, bien sûr, on sort ça, l'impact c'est ça, est-ce qu'on est bon, est-ce qu'on n'est pas bon, etc. Notamment, je reviens sur ce que je te disais tout à l'heure, qui est qu'aujourd'hui, si une métrique, enfin si une feature clé qu'on sort n'a pas forcément l'impact et de beaucoup qu'on en attendait, on n'est pas trop sûr de savoir ce qu'on fait. Parce qu'on a quand même des roadmaps, d'ailleurs je ne crois pas trop, je ne suis pas forcément un fan des orgas product qui ne font pas de roadmaps, mais ça on pourra y revenir. Et aujourd'hui, si on décide de retravailler sur une feature, ça veut dire qu'on en déplace une autre. Et on a quand même une pression en time to market qui est culturelle et qui est dans l'ADN de la boîte, qui reste là. Et je pense que l'étape d'après, c'est de se dire, non seulement on mesure l'impact, mais on accepte aussi collectivement que si on n'est pas content, on y investit ce temps pour y retravailler, pour être sûr d'avoir cet impact-là, parce que ça, c'est une feature qui est considérée critique. Qui, à mon avis, on fera sur des histoires notamment d'intelligence artificielle dont je t'ai parlé tout à l'heure. Je pense que c'est typiquement le sujet critique pour Aircool, sur lequel on sera prêt à redéplacer d'autres blocs, à leur donner six mois de retard, un an de retard, pour s'assurer qu'on ait bien l'impact qu'on attend de ce sujet-là. À mon avis, c'est ça qu'il faut. C'est que ça soit automatique pour tout le monde, que non seulement tout doit avoir une mesure d'impact, qu'on accepte qu'il y ait des futures sur lesquelles tant pis on a raté un peu la cible et c'est pas grave, l'effort il est pas à mettre ici et que sur d'autres on dise là c'est important, oui on avait prévu d'arrêter d'y travailler je sais pas en mars, on va arrêter de travailler en mai en fait parce que là faut vraiment qu'on ait cet impact là c'est important. Je pense que c'est ça qui nous manque encore.

Terry : Donc ce que tu veux dire par là, c'est que certaines fonctionnalités que vous pousseriez pour un trimestre donné, si à la fin du trimestre vous vous rendez compte que l'impact il n'est pas là, plutôt que de la kill, c'est-à-dire on repart pour un trimestre parce qu'on sait que, en gros, le périmètre de cette fonctionnalité... Ou on la kill.

Adrien : Aujourd'hui on n'a pas de décision franche, c'est-à-dire qu'à mon avis, ce qui se passe chez Aircol aujourd'hui, si on rate la cible sur une feature de ce côté-là, on va la laisser vivre, on va se dire bon tant pis, on voulait atteindre 60%, on a atteint 45, bon ben 45 c'est pas mal. Et c'est là où on n'est pas forcément tout à fait honnête sur le plan intellectuel, on devrait se dire non, 45 c'est pas bien, on avait dit 60. Et si on pensait 60, c'est qu'on doit atteindre 60. Donc soit on y retravaille, soit on l'accueille.

Terry : Ok ouais j'ai la nuance, c'est-à-dire que, effectivement ouais, donc soit t'arrives au bout de tes trois mois, ok 45, on la kill, non on veut pas la kill, bah si on veut pas la kill, on met les efforts pour aller là où on s'était dit qu'on allait aller quoi.

Adrien : Exactement, ou alors c'est que la maîtrise, on va dire l'anticipation de l'impact a été mal faite, et à ce moment-là il y a peut-être un post-mortem qui a affaire sur pourquoi est-ce qu'on a pensé 60 alors qu'en fait c'est plutôt 45. Yes. Mais qu'on apprenne un peu de ça. Et aujourd'hui on est un peu dans cet entre-deux, on a commencé le travail, on n'est pas encore à ce niveau-là de maturité qui est dur à atteindre et que je pense pas beaucoup de boîtes ont... on réussit à attraper, et je pense que c'est ça qui nous manque encore, de ce côté-là.

Terry : Très très clair, donc déjà merci pour tous ces partages, ça reste quand même assez rapide cette transition, donc ça se comprend que ça soit encore en cours, parce qu'on parle de début 2023 pour le Go, et là on enregistre fin 2023, donc c'est même pas un an quoi, donc c'est clair que, et on le disait juste avant, c'est des changements qui prennent du temps, parce qu'on est sur aussi de l'humain, de l'état d'esprit, donc déjà bravo pour tout ce que vous avez fait, puis bon courage à vos équipes et à toi en interne. Pour continuer, avant d'aller vers ma question type de fin d'épisode, est-ce qu'il y a un sujet sur la partie roadmap que tu aimerais mettre en évidence, qu'on n'a pas trop abordé, un point en particulier que tu voudrais partager ?

Adrien : Je pense qu'il y a un sujet, mais ça reste un partage d'opinion, je ne pense pas avoir une vérité absolue là-dessus. Je pense que les roadmaps, malgré le fait que ce soit un outil qui s'est fait globalement dégommer par les promoteurs de la vision product, effectivement justement on avait dit 60% d'impact, on est à 45%, on retravaille et les roadmaps nous empêchent de faire ça. Je pense que ça a toujours quand même Un gros intérêt, c'est-à-dire qu'il y avait François de Bodina, le CPO de Unity, qui avait fait à un moment un article là-dessus qui était très intéressant, qui disait que ce n'est pas le product manager qu'il faut mettre au centre de l'entreprise, c'est le product management. Et je pense qu'il ne faut pas perdre de vue qu'on a des stakeholders business, marketing, qui comptent sur nous, qui ont besoin de savoir quand est-ce que la valeur arrive pour pouvoir la vendre aux clients. Et je pense que la roadmap, même si on peut le travailler et qu'on n'est pas forcément obligé d'avoir des Excel en waterfall avec des dates précises au jour près, je pense que c'est un outil qui est très intéressant et qui mérite qu'on se pose dessus.

Terry : Ouais, là-dessus sur l'outil, je passe le bonjour aussi à François s'il nous écoute, parce qu'il est passé aussi sur le podcast pour venir parler de la partie aussi, qu'est-ce que c'est quand tu montes dans le produit en fait tes stakeholders, c'est plus les users, mais c'est en fait le VP of Sales, et du coup c'est un épisode hyper intéressant là-dessus. Pour rebondir sur ce que tu dis par rapport à le roadmap, moi je pense aussi que l'exercice en tant que tel est hyper intéressant, c'est-à-dire qu'il permet de mettre les personnes pertinentes dans la même pièce, ou en tout cas de les faire réfléchir à certaines questions, et du coup d'aligner aussi. Dans juste cette logique d'alignement, même si derrière, à la fin, il y a des choses qui se font réajuster, le fait de poser, de s'aligner autour de quelque chose, enfin se poser les bonnes questions, ensemble, je pense que c'est aussi là que l'exercice de roadmapping est intéressant.

Adrien : Ouais, complètement. Je pense qu'au-delà de ce qu'il en sort, c'est-à-dire un deck, une slide ou quelque chose, Le fait de prendre le temps de cette réflexion qui est critique fait aussi grandir tout le monde et je pense qu'il est hyper intéressant. Je me demande d'accord avec toi.

Terry : Yes. Et du coup donc pour aller vers mes deux questions type de fin d'épisode, la première c'est est-ce que tu as une conviction forte avec laquelle en général tu es en désaccord avec tes pairs ? Sujet un peu clivant.

Adrien : Oui, je pense que ça vient aussi beaucoup du fait que Aircall c'est du SMB et que quand on a 17.

Terry : 000 clients ou 20 000 ou 50 000 en fait... Le SMB c'est Small and Medium Businesses pour ceux qui pratiquent moins les boîtes anglophones.

Adrien : C'est-à-dire pour les boîtes en B2B qui ont des petits clients et qui en ont, en général, du coup, énormément. Ça reste qu'une opinion et je pense qu'il y a plein de gens qui ne sont pas d'accord avec moi, mais je pense qu'il est très, très important, beaucoup plus important de regarder la data et le comportement des utilisateurs plutôt que d'aller faire des interviews. Je ne dis pas que l'interview ne sert à rien. Je dis que je trouve que ça peut servir à nourrir la réflexion d'un PM d'en faire quelques-unes. Maintenant, ça ne peut pas être que ça. Et que plus la masse de clients et d'utilisateurs est continue, c'est-à-dire plus l'utilisateur atomique est petit quand on a des milliers de clients, plus il faut regarder, je pense, des volumes statistiques et de la complexion de funnels en pourcentage plutôt qu'avoir l'opinion de Jean-Marc qu'on a rencontrée pendant une heure. Je pense que ça, ça biaise énormément la réflexion parce qu'on va donner énormément de poids aux trois personnes qu'on a rencontrées sur trois heures de temps. Et c'est normal parce qu'on y a passé trois heures et que c'est important en tant que product. Alors que là, sur ces positions-là, trois personnes sur les 17 000 ou sur les 20 000, c'est pas du tout statistiquement pertinent. Et je trouve que ça induit énormément de biais. Et dans la Discovery, qui est un peu... on va dire glorifier dans le monde du product, qui est effectivement très très importante, je pense qu'il ne faut vraiment pas perdre de vue l'analyse statistique. Et pour les boîtes qui comptent plein de clients, je pense qu'il y a un vrai risque de se biaiser si on fait trop de user interviews.

Terry : Oui, sujet... J'entends complètement ton point, il se comprend, moi je le trouve assez pertinent. Mais c'est vrai que moi j'ai un exemple d'une... Alors le volume de clients n'était pas aussi important que celui dont tu parles, mais on était quand même sur une masse de clients assez importante. et qui avait pas spécialement, qui avait pas l'habitude de conduire plein plein d'users interviews mais en revanche qui avait certains utilisateurs un peu clés avec lesquels elle travaillait même en avance de phase sur des releases alpha pour tester des choses pour avoir des fois aussi des insights sur des idées de fonctionnalités sans en faire tu vois la vérité absolue mais en tout cas quelques points comme ça un peu de contact pour nuancer ce que tu dis je dirais ouais parfois ça peut aussi être utile voilà d'avoir certains un peu d'utilisateurs tu vois hyper proactif même si c'est un au final en termes de volume d'affaires ce client représente pas tant que ça tu peux avoir des fois des très bonnes idées quand même que tu peux répliquer ensuite de manière plus massive si la donnée statistique te confirme que ce qu'il a émis comme hypothèse est effectivement pertinent quoi.

Adrien : Bien sûr et je pense que les user interviews sont hyper importantes et permettent une nouvelle réflexion je dis pas du tout qu'elles servent à rien Ce que je dis, c'est qu'en général, parce qu'en général, on sépare la Discovery en deux, on a le Kali et le Kanti, on a tendance à apporter autant d'importance au Kali qu'au Kanti et se dire je vais passer deux heures à regarder la data, deux heures à faire des interviews, je vais prendre tous mes feedbacks et on va faire une sauce à peu près à 50-50. Et ça, je pense que c'est pas forcément vrai pour toutes les typologies de clients et que notamment SMB, l'analyse statistique du comportement des mille clients et quelques qu'on a, devrait prendre beaucoup plus d'importance que les trois users interviews. Parce que le pool de testeurs, comme la personne dont tu me parlais, a fait, qui est je pense très intéressant et qui a été théorisé par Marty Kagan, je crois, dans son bouquin, ça n'a pas apporté énormément, mais si on n'a pas de bol et qu'on choisit des clients qui ont tous un biais de confirmation, je ne sais pas si c'est tous du retail par exemple, ils vont avoir tous les mêmes besoins, et ça, ça risque de faire un produit qui est complètement biaisé. Et la seule chose qui te permet d'uniformiser un peu ton expérience et de faire vraiment quelque chose pour ta base utilisateur clé, c'est cette analyse de la donnée. Donc je pense que le 50-50 donne trop de poids aux quelques personnes qu'on voit parce que ce n'est pas forcément scalable comme façon de récupérer du feedback aussi.

Terry : Hyper clair et très bien argumenté, je partage ce que tu dis là-dessus. Du coup pour aller vers ma dernière question, c'est un peu toi, qu'est-ce qui te nourrit intellectuellement ? Quelles sont les ressources, enfin les choses en tout cas qui te nourrissent au quotidien et que tu utilises d'une manière ou d'une autre d'un point de vue pro ?

Adrien : Moi j'adore discuter avec des gens, je suis d'ailleurs toujours fourré au bureau parce que j'aime beaucoup le contact social. La façon dont je me nourris, notamment Product, c'est beaucoup plus par des livres en fait. Pas des livres Product, mais des livres plutôt sur les biais cognitifs, sur un peu tout ce qui va moi m'informer sur les biais que je peux avoir. J'avais en tête, je crois que c'était une prof de français ou d'histoire géo, il y a une plombe qui m'avait dit globalement, Si t'as l'info à chercher, cherche-la plutôt dans des livres que sur internet parce que ça coûte de l'argent d'éditer un livre, ça coûte pas de l'argent de faire un post. Et je pense que, avec l'expérience que j'ai LinkedIn, c'est de plus en plus vrai. Notamment avec ChetJPT qui, je sais pas quel est le pourcentage des posts LinkedIn products.

Terry : J'aime bien ce que tu dis, ouais. Enfin très, très, très bonne citation, ça me plaît à ce que tu viens de dire.

Adrien : Je sais plus qui c'est, j'adorais citer le ou la prof en question, j'ai plus du tout le nom. Je pense avec la JNAI aujourd'hui, on a de plus en plus de convergence des idées. Il y a une espèce de doctrine un peu artificielle, et moi j'aime bien sortir de ça déjà en lisant des bouquins, et surtout des bouquins sur les biais psychologie et cognitif que je trouve toujours passionnants. Il y en a un que je pense mon livre quasiment préféré à ce jour, c'est Système 1, Système 2 ou Thinking Fast and Slow, qui était un bouquin écrit par un psy qui a eu un prix Nobel d'économie, je crois quasiment sans faire exprès. Le bouquin me fait un peu transpirer.

Terry : C'Est quand même... Ouais, il est dur à... Il est étouffu, mais pour le coup, contrairement à d'autres bouquins américains, il est étouffu pour une bonne raison, c'est que c'est des chercheurs qui l'ont écrit en fait.

Adrien : J'ai adoré, il y avait des expériences qui étaient hyper intéressantes sur les biais qu'on a, et c'est des choses qui impactent énormément le boulot d'un product. sans forcément qu'on s'en rende compte parce qu'on est concentré sur Discovery, Delivery, Kali, Candy, etc. Et c'est plutôt ces bouquins-là qui me nourrissent aujourd'hui.

Terry : Très clair. Eh bien, merci encore pour ton temps Andriens, comme tu l'as dit, c'est une phase d'accélération, donc t'es bien occupé en ce moment. Et puis peut-être à bientôt au cours d'un événement product ou discussion autour d'un café IRL.

Adrien : Merci à toi Terry, en tout cas c'était un plaisir.

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