Transcription de l'épisode : "Victor Charpiat, Créer une startup dans les cryptomonnaies"
Terry : Du coup, salut Victor. Merci de me recevoir ici à Paris. Donc aujourd'hui, on va parler de Web3, mais la particularité par rapport aux autres épisodes qu'on peut avoir, que j'ai pu faire sur le podcast, c'est que toi, tu viens pas du monde de la tech originellement. Enfin, tu viens pas du monde de la tech, tu viens du monde du droit, t'es avocat, tu as lancé un projet autour du web 3 qui s'est crashé mais du coup sur lequel tu as appris beaucoup de choses et donc le but de cet épisode aujourd'hui ça va être un peu d'avoir en fil rouge le projet dont tu vas nous parler, que tu as essayé de monter. les difficultés que tu as rencontrées pour un peu mieux cerner les enjeux autour du Web3, et en particulier les enjeux qui étaient liés à ce que tu as essayé de mettre en place autour de ce projet. Donc voilà un peu pour la thématique globale de notre échange, et avant de rentrer dans le vif du sujet, je te propose de te présenter succinctement.
Victor : Merci pour l'accueil. Je m'appelle Victor Charpiat. Comme tu dis, je ne suis pas du tout dans la tech, même si la tech me passionne depuis longtemps, mais je n'ai jamais été ni programmeur ni codeur. J'ai une formation d'avocat. Je suis avocat au barreau de Paris depuis à peu près 5 ans. Et j'ai pratiqué en gros 3 ou 4 ans dans le champ des crypto-monnaies et des fintechs, donc vraiment comme un avocat spécialisé dans ce qu'on appelle la réglementation des crypto-actifs et la réglementation bancaire et financière de manière plus large. Et j'étais passionné par les crypto-monnaies depuis vraiment très longtemps. J'ai découvert ça quand j'étais étudiant et ça a tout de suite accroché. Et j'ai eu la chance de pouvoir me spécialiser là-dedans dès 2018. Et l'an dernier, dans le cadre de l'euphorie du bull market des crypto-monnaies, j'ai eu moi aussi envie de lancer mon propre projet. Et donc j'ai cherché à mettre ensemble ma compétence d'avocat et ce dont le marché avait besoin. Et la conclusion de ça a été de lancer un projet qui s'appelle Colatte. et qui avait vocation à faciliter l'octroi de prêts en euros à des entrepreneurs ou à des entreprises du secteur crypto avec de la cryptomonnaie comme collatérale. Donc utiliser la cryptomonnaie comme collatérale pour obtenir du financement et avec derrière ça l'ambition de donner d'une part de la liquidité via le financement à des entrepreneurs et à des entreprises qui ont de la cryptomonnaie en réserve mais qui ne souhaitent pas la vendre et également de permettre à ces personnes-là, on peut le dire, de financer un peu mieux l'économie réelle en mettant en collatéral leur cryptomonnaie, en obtenant du financement et en pouvant ensuite le réinvestir dans des projets entrepreneuriaux, dans l'immobilier ou dans tout autre projet qui pourrait les intéresser. et ça c'est un projet qui c'est de la crypto fondamentalement c'est du web3 mais en fait quand on creuse un peu c'est un projet qui est très très juridique et aussi très bancaire parce que faire des prêts c'est régulé et c'est pour ça que en fait ça collait très bien avec mon expérience et que c'est quelque chose que j'ai pu.
Terry : Développer.
Victor : Au début en tout cas un peu dans mon coin sans avoir besoin dès le début d'avoir une compétence technique centrale dans le projet.
Terry : Ouais parce que du coup on va revenir là dessus mais c'est vrai que le cœur au départ de ton sujet il est très comme tu... comme on en avait déjà échangé en off très juridique. Avant du coup de poursuivre pour ceux qui sont peut-être un peu moins familiers avec le langage financier quand tu parles de collatéral si tu pouvais donner une définition très succincte de ce que ça veut dire qu'être collatéral quand tu fais un prêt.
Victor : Exactement donc quand tu fais un prêt normal si tu es en défaut de paiement la banque va aller te demander le remboursement et va notamment, si t'es pas en mesure de payer, aller voir un juge et le juge va de manière, après une longue procédure, saisir les actifs que tu possèdes. Mais ça peut prendre du temps et si l'emprunteur est en difficulté financière, ce qui est généralement le cas s'il ne peut plus rembourser, On peut se retrouver dans une situation où, par exemple, une entreprise va être mise en liquidation, et au moment où l'entreprise est mise en liquidation, les créanciers de l'entreprise, c'est-à-dire les personnes qui lui ont prêté de l'argent, ne sont plus en mesure de récupérer leurs créances. Et parce qu'il n'y a plus d'actifs en face. Quand on a un collatéral, qu'on appelle également en termes juridiques une sûreté, le prêteur est protégé par cette sûreté parce qu'il sera prioritaire sur l'actif qui est mis en collatéral en cas de défaut de paiement par l'emprunteur. Donc dans le cas notamment de Colat, l'idée c'était de constituer une sûreté, donc de mettre en collatéral de la cryptomonnaie appartenant à l'emprunteur. Mettons par exemple que je possède 10 bitcoins, ce qui vaut au cours actuel environ 300.000 euros. Donc si je mets 10 bitcoins en collatéral et que j'emprunte, mettons 100.000 euros, si je ne suis pas capable de rembourser les 100.000 euros, mon prêteur peut saisir les bitcoins en collatéral, les vendre sur le marché, se rembourser sur cette vente-là et me restituer à différence. Donc de cette manière-là, il est protégé économiquement contre le risque de défaut de paiement de l'emprunteur. Et comme il est protégé économiquement, ça permet beaucoup de choses. D'une part d'avoir des conditions de prêt qui vont être plus souples que celles qui seraient normalement accordées, donc un taux d'intérêt qui est plus intéressant. Et comme en fait ça protège le prêteur, le prêteur peut se permettre des opérations qu'il n'aurait pas envisagé en temps normal, notamment, et là c'était vraiment le cas sur Colat, de prêter à des entreprises ou à des personnes qui sont dans des secteurs d'activité assez récents, risqués, et pas forcément bien compris par les banquiers qui opèrent plutôt dans le monde traditionnel. Voilà, c'est essentiellement ça le collatéral. Et c'est très utilisé dans le monde financier d'une manière générale. Les banques s'en servent énormément entre elles pour leurs opérations financières, les fonds d'investissement. Et de la même manière, quand on emprunte pour acheter un appartement, généralement on crée une sûreté, donc une hypothèque sur l'appartement qu'on achète. Donc la banque est capable de récupérer la propriété du bien immobilier en cas de défaut de paiement.
Terry : Ok, très clair. Et donc ce qui est hyper intéressant sur ce sujet là, c'est que le but du coup de Colat c'était aussi de ramener, tu l'as mentionné en intro, de mettre au service de l'économie réelle la valeur qui est aujourd'hui très spéculative mais qui est là mine de rien même si elle est spéculative elle est présente autour des cryptomonnaies et donc comment réussir à un peu refaire ce lien de cette chose là dont on entend parler on voit les cours fluctuer massivement. comment tu arrives à reconnecter ça à l'économie réelle et c'est aussi ça du coup la proposition de valeur qu'il y avait derrière.
Victor : C'était vraiment le coeur du projet parce qu'en fait dans l'économie des cryptos il y a un phénomène que je pense qui est plus culturel que purement économique et qui est très intéressant qui est que une fois qu'on y rentre on a vraiment envie d'en sortir parce que il y a un gros attachement qui dépasse la rationalité purement économique, c'est-à-dire les gens qui possèdent de la cryptomonnaie sont généralement des gens qui pensent que la cryptomonnaie, en tout cas les grandes cryptomonnaies comme Bitcoin et Ether vont continuer à s'apprécier à l'avenir, qu'ils n'ont pas tellement confiance dans le système bancaire et qu'ils considèrent les cryptomonnaies comme une espèce d'alternative à la finance traditionnelle, et de cette manière là, il y a un attachement assez subjectif à la crypto-monnaie qui fait qu'une fois qu'on y rentre, on n'a plus envie d'en sortir. Et de ce fait là, on est dans des situations où des gens vont investir en crypto-monnaie, et ensuite laisser leur patrimoine en crypto-monnaie pendant parfois de très longues périodes, notamment ce qu'on appelle les holders, c'est-à-dire des gens qui ont de la crypto-monnaie depuis 5 ou 10 ans et qui n'ont aucune volonté de vendre. Et en fait, cette crypto-monnaie-là qu'ils possèdent, elle constitue un patrimoine qui est thésaurisé. c'est-à-dire qui est sorti de l'économie, pas réelle, parce que ça reste de l'économie réelle, mais de l'économie circulante on va dire, parce que généralement, l'argent qu'on possède, on le reçoit, on le dépense, donc il circule. Quand on met de l'argent en crypto-monnaie et qu'ensuite on les conserve sur son portefeuille, son ledger ou autre, c'est plus de l'argent qui circule, c'est de l'argent qui est mis en réserve pour le très long terme et on se dit je vendrai le jour où ça vaudra un million d'euros mais pas avant et donc entre temps on a une valeur économique qui pourrait servir à quelque chose mais qui ne sert de fait à rien qui est juste là et qui n'est pas exploité quand on met cette valeur économique en collatéral on peut obtenir un prêt d'un montant un peu inférieur à la valeur du collatéral, mais tout de même un prêt, et donc on peut faire revenir dans l'économie réelle une partie de la valeur de ce collatéral. Donc par exemple, si j'ai pu thésauriser pour un million d'euros de crypto-monnaie, je vais pouvoir réinjecter dans l'économie réelle peut-être 400, 500, 600 mille euros, et de ce fait alimenter le circuit économique, réinvestir.
Terry : Voilà, et ça c'était le cœur du projet. hyper intéressant et quand tu dis du coup réinjecter, pour être bien clair pour ceux qui nous écoutent aussi, l'idée de réinjecter c'est que tu réinjectes au travers de l'obtention de ton prêt, mais le collatéral, donc tes cryptomonnaies, elles, elles ne vont pas être consommées à partir du moment où tu rembourses ton prêt. Donc la réinjection dans l'économie circulaire de tes cryptos qui étaient un peu dormantes sur tes comptes Ledger ou autres, L'idée là c'est que tu les mets, alors ça après tu vas m'expliquer aussi, je vais parler avec des mots que je comprends dans un compte séquestre ou dans un compte en gros où la banque si jamais t'arrêtes de payer elle peut les prendre et elle s'assure que ces cryptos que tu mets en collatéral tu vas pas les dépenser en parallèle avec d'autres. Et du fait qu'elle ait ces cryptos au cas où tu ne payes pas, elle va t'accorder un prêt. Et toi, si tu rembourses comme prévu, donc tu fais ton prêt dans une logique de développement économique potentiellement, par exemple l'investissement locatif ou même d'autres sujets, développer ta boîte, etc. Donc ça aide l'économie réelle, ça fait tourner la valeur de tes cryptos. Pour autant, tu les conserves. Et si jamais tout se passe bien, à la fin, tu as juste pu utiliser la valeur de tes cryptos sans pour autant t'en séparer et devoir les transformer en euros directement.
Victor : C'est exactement ça. En fait, le cœur, comme je le disais au début, le projet était très juridique, mais le cœur du projet c'est que juridiquement la constitution d'une sûreté donc la création d'un collatéral ne transfère pas la propriété du collatéral donc moi en tant qu'emprunteur je reste propriétaire de la cryptomonnaie que j'ai mis en collatéral donc la banque n'en est pas propriétaire tant que je ne suis pas en défaut de paiement donc tant que je continue à rembourser Mais simplement, la banque a une sorte de droit sur ce collatéral, si je ne suis pas en mesure de rembourser, alors la banque en devient propriétaire. Mais entre temps, j'en reste propriétaire, et ça c'est très important, notamment au niveau fiscal, parce que si on transfère la propriété de la cryptomonnaie qu'on possède, on est censé, en tout cas actuellement en France, payer des impôts sur ce transfert de valeur. Et ce qui peut être très désavantageux, notamment pour les gens qui ont investi il y a plusieurs années.
Terry : Oui ça c'est effectivement, j'ai oublié de le mentionner, ce double avantage c'est que si jamais parce qu'une personne pourrait venir te dire bah oui mais moi c'est crypto en fait je fais pas partie de cette catégorie holder je trouve que j'ai déjà assez gagné donc je vais les sortir et puis moi je vais faire mes investissements avec du vrai argent enfin on va dire de l'euro par exemple Mais la réalité c'est que si tu les sors du coup, tu vas être taxé. Alors que si tu les utilises uniquement comme un collatéral, dans une logique derrière, du coup étant donné que tu ne changes pas la propriété de ces cryptos, tu ne vas pas effectivement sortir et du coup tu ne vas pas être taxé dessus.
Victor : C'est exactement ça. Et ça c'est un avantage que les gens avec qui je discutais, qui auraient été mes clients normalement, avaient très bien compris. On peut réaliser une partie de la valeur, de la plus-value latente qu'on a faite sur les cryptomonnaies qu'on a acquises il y a plusieurs années, sans pour autant avoir à les vendre et avoir à payer l'impôt sur la plus-value. Et également, l'autre intérêt, c'est que comme on reste propriétaire, on reste exposé à la prise de valeur future des crypto-monnaies. Or, quand on est dans cet écosystème-là, généralement, on est convaincu, pour des raisons qui sont plus ou moins rationnelles, plus ou moins valables, mais en tout cas, beaucoup de gens y croient, et moi-même j'y crois, que les crypto-monnaies vont continuer à prendre de la valeur. Pour la simple raison que, voilà, pas de conseil d'investissement, évidemment, mais c'est simplement, c'est la thèse qui est la plus répandue et la plus basique, c'est leur quantité est limitée dans un monde où la monnaie peut être créée de manière illimitée par les banques centrales. Donc a priori, ce qui est rare a vocation à devenir plus cher.
Terry : On précise que ce n'est pas des conseils en investissement.
Victor : C'est absolument pas un conseil en investissement et je recommande rarement aux gens d'acheter des cryptomonnaies s'ils ont besoin d'ailleurs de demander des conseils. Mais l'essentiel étant que quand on met de la cryptomonnaie en collatéral on en reste propriétaire. Donc en fait beaucoup de gens je pense auraient vocation à utiliser un tel produit en se disant aujourd'hui le bitcoin vaut 30 000 et je le collatéralise à hauteur de 30% mettons pour emprunter mais demain le bitcoin vaudra peut-être 100 000 et dans ce cas les 30% de ratio entre le prêt et le collatéral au début deviendront 10% donc je pourrais ou bien emprunter plus ou bien rembourser beaucoup plus facilement le prêt initial. Donc il y avait toute cette logique là purement financière derrière.
Terry : Ok, très clair. Donc l'idée, je pense que là on a bien cerné la proposition de valeur, le problème auquel tu as essayé de répondre. Donc concrètement, quelles ont été tes étapes par rapport à l'échelle de temps ? Coupe-moi si je dis une bêtise mais ça a duré un an ?
Victor : À peu près, oui.
Terry : Donc durant ces un an, entre cette idée et un peu comment tu as déroulé ça, les rencontres que tu as faites, les obstacles auxquels tu t'es confronté, est-ce que tu peux un peu...
Victor : Alors tout à fait. En fait, de manière très biaisée parce que je suis avant tout un avocat, j'ai orienté tout le développement du projet autour de la réflexion juridique et de la structuration juridique du projet. Ce qui a fait qu'au début je me suis concentré sur un produit qui, je le savais, était moins porteur commercialement mais qui était légal. Voilà, c'était ça le plus important, qu'on pouvait développer de manière légale. sans trop de complexité et sans avoir à obtenir des statuts réglementaires trop contraignants parce qu'évidemment en France et en Europe pour prêter des euros normalement il faut être une banque. Il y a des exceptions évidemment mais globalement il faut être une banque. Devenir une banque ça... Là, même les gens les plus novices en matière légale vont facilement le comprendre, ça demande énormément de temps et de ressources et de capital. On ne peut pas lever simplement, être cinq ou six dans un garage, lever quelques millions d'euros auprès de fonds d'investissement et créer une banque. Ça peut prendre cinq ans, ça peut prendre au moins cinq ans. Donc, j'ai, dès le début, orienté le projet vers la solution qui me permettait de le lancer de manière légale, même si derrière, potentiellement, le débouché commercial était un peu moins intéressant. Et ça fait qu'au début, je me suis concentré sur un produit en B2B. Car, tout simplement, il y a des exceptions qui permettent de prêter à des entreprises des euros. qu'on n'a pas du tout, s'agissant des particuliers. Donc dans mon cas, la première itération du produit, c'était des prêts à des entreprises du secteur crypto. Donc les principales cibles à ce moment-là, c'était les projets NFT, c'était les projets dans le secteur de la finance décentralisée qui ont levé des fonds, et c'était éventuellement également des projets qui, pour une raison ou une autre, possèdent en trésorerie de la cryptomonnaie et ont vocation à la conserver. Et donc j'ai préparé autour de ça un produit, on va en reparler, mais c'était un produit qui, au niveau technique, était assez simple, mais qui était très sophistiqué au niveau juridique. Et j'ai commencé à discuter avec toutes ces cibles-là pour un peu mieux comprendre leurs besoins et voir s'ils étaient intéressés par la solution que je leur offrais. Et ce que j'ai constaté au bout de quelques mois, c'est qu'elles comprenaient très bien l'intérêt, mais dans la plupart des cas, elles avaient des solutions de financement alternatives plus intéressantes et un peu moins complexes. Parce qu'il faut bien dire quand même qu'une solution de pré-collatéralisé, elle est un peu plus complexe. Si on possède de la crypto-monnaie et qu'on la vend sur une plateforme d'échange, on récupère des euros, ça c'est simple à comprendre. Mais mettre la crypto-monnaie en collatéral sur un compte spécifique, obtenir un prêt auprès d'une entreprise qui vient d'être créée et sur la base d'un produit qui, en tout cas en France, n'existe pas encore, et derrière devoir rembourser, avoir cette logique de ratio de collatéralisation qu'il faut surveiller un peu au jour le jour pour éviter de perdre la propriété de son collatéral, ça c'est effectivement un certain niveau de complexité et les entreprises n'étaient pas forcément prêtes à assumer tout ça avec le seul but à la fin de se financer. Parce qu'en fait, en particulier en 2022, c'est peut-être un peu moins le cas en 2023, mais si on est une entreprise et qu'on veut lever des fonds, enfin qu'on veut se financer, Il y a beaucoup d'options. La levée de fonds en est une évidemment. La levée de fonds également en cryptomonnaie directement en est une autre. Il y a des subventions. On peut dans certains cas obtenir des prêts bancaires même si dans ce secteur là c'est assez compliqué. il y a quand même pas mal d'options dont on dispose et le fait d'emprunter dans ces conditions là sur du pré-collatéralisé ce sera à mon avis jamais véritablement considéré comme l'option principale pour une entreprise qui cherche le financement ce sera un peu le plan de secours et l'autre raison c'est que En fait, j'ai vite compris que le prêt collatéralisé, c'est un produit qui va presque uniquement intéresser des entreprises ou des personnes qui ont vocation à conserver à très long terme de la crypto-monnaie, qui n'ont pas l'intention de la vendre. Si on a l'intention de la vendre, en fait, tout ce qu'on fait, c'est qu'on la vend. Et en fait, on la convertit en euros, on récupère les euros et on finance les dépenses avec, mais on a... ça n'a pas beaucoup d'intérêt de la garder sur le long terme et en fait les entreprises qui conservent sur le long terme sur leur bilan de la cryptomonnaie et qui n'ont pas vocation à la vendre dans les mois qui viennent sont quand même assez peu nombreuses. Il y en a quelques-unes, il y a un certain nombre de petites entreprises plus ou moins individuelles dans lesquelles le fondateur ou les fondateurs sont des personnes qui sont complètement convaincus par la valeur de long terme des cryptomonnaies et donc qui ont envie d'en posséder sur le bilan de leur entreprise et de ne jamais les vendre mais ça c'est quand même, c'est un peu une tête d'épingle et l'autre option c'est notamment des projets NFT, des projets dans la finance décentralisée qui ont fait une levée de fonds en Ether en général et qui n'ont pas forcément envie de vendre ces Ether parce que l'Ether est volatile et que sa valeur fluctue et qu'on n'a pas forcément envie de le vendre si on se dit qu'il peut pas encore prendre de la valeur Mais le fait est que, je termine là-dessus parce que j'étais un peu long, la plupart des projets Web3, en France en tout cas aujourd'hui, je pense que c'est pareil en Europe et ailleurs dans le monde, se financent avant tout en stablecoin, voire directement en euro.
Terry : Donc stablecoin, juste pour que tout le monde soit aligné sur ça, c'est le fait de répliquer des cours de devises réelles en crypto-monnaie.
Victor : Voilà, c'est exactement ça. En fait, ça permet à la fois d'avoir l'outil qui est une crypto-monnaie, donc sa circulation sur une blockchain, sa capacité à le conserver dans un wallet qu'on va contrôler soi-même et pour lequel on n'aura pas besoin de passer par une banque ou par un intermédiaire, et également ce qu'on appelle de manière un peu plus technique la composabilité, donc la capacité à l'utiliser sur des protocoles notamment financement décentralisés. Mais globalement, on a des stablecoins qui, alors c'est un peu plus nuancé depuis quelques mois, mais globalement un stablecoin dollar va toujours plus ou moins valoir un dollar. Donc il y a eu des petits accidents ces derniers mois notamment, on a eu des phases où les stablecoins considérés comme les plus solides tout d'un coup ne valaient plus que 0.8 ou 0.9 dollars, mais globalement il y a une confiance assez élevée dans l'écosystème autour de ces stablecoins. Et en pratique, beaucoup d'entreprises, quand elles se financent, elles vont préférer se financer en stablecoin parce que, tout simplement, elles ne sont plus exposées, dans ce cas, au risque de volatilité des crypto-monnaies, on va dire, les plus fondamentales, que sont Bitcoin et Ether, qui effectivement fluctuent de manière assez conséquente d'un mois sur l'autre ou d'une année sur l'autre.
Terry : Très clair, du coup pour revenir à ce que t'as expliqué, t'as un peu justifié, expliqué une des raisons pour lesquelles selon toi le projet a pas réussi à basculer vers quelque chose qui fonctionne, qui a été l'une des raisons en fait, je le rephrase avec mes mots mais c'est l'importance du problème auquel tu répondais qui peut-être n'était pas ciblé en réalité sur sur des personnes qui avaient vraiment ce problème là parce que en introduction quand tu expliquais vraiment le projet en tant que particulier qui potentiellement du coup hyper actif sur les sujets cryptos qui en possèdent mais qui n'a pas de capitaux en euros lui permettant justement de faire ce type de collatéral, lui le particulier peut voir un intérêt hyper pertinent à utiliser ce type de service. En revanche, une entreprise dans la tech, crypto ou pas crypto, comme tu disais ton projet tu l'as lancé donc en 2022 donc en 2022 il n'y avait pas encore la Silicon Valley Bank qui a fait faillite, c'était pas encore, c'était encore la fête quoi et donc pour financer des projets innovants effectivement il y avait pléthore de solutions et se rabattre sur une solution où comme tu l'expliquais c'est un peu plus compliqué que justement faire une, enfin c'est plus compliqué que les solutions classiques parce qu'il y a du coup des enjeux juridiques importants et que là en réalité la personne qui répond à ces enjeux juridiques c'était toi au travers de Colat mais du coup pour une entreprise c'est aussi un risque à prendre à se dire bah je vais avec toi pour faire ça et donc concrètement le problème pour ces entreprises auxquelles tu étais censé apporter une solution qui est un problème de financement ils ne s'opposaient pas en tout cas en termes de je veux pouvoir utiliser mes cryptos pour faire du collatéral.
Victor : Ouais, en fait c'était très intéressant de voir que quand j'allais pitcher des possibles clients pour leur vendre la solution, ils me disaient assez vite qu'ils trouvaient ça intéressant et innovant mais qu'ils n'en avaient pas réellement besoin pour l'instant. Par contre, ils me disaient pratiquement à chaque fois, moi en tant que particulier ça m'intéresserait. Moi en tant que particulier, je possède de la cryptomonnaie, J'ai pas envie de la vendre mais j'aimerais bien m'acheter un appartement. J'ai pas accès à des crédits bancaires parce que mon statut me fait que la banque considère que je ne suis pas un emprunteur fiable, parce que je ne suis pas salarié, parce que je ne suis pas forcément résident français, mais j'aimerais bien quand même avoir un appartement que ce soit en propre ou en locatif. Et en fait c'était flagrant dès le début que le vrai cas d'usage et le vrai marché était sur le B2C, donc le marché des particuliers qui possèdent de la cryptomonnaie, et c'était très frustrant de voir que pour des raisons purement légales et réglementaires, ce marché-là était très dur d'accès.
Terry : Ma question c'est pourquoi, quand tu t'es rendu compte de ça assez tôt, pourquoi t'es pas allé sur ce marché-là plutôt.
Victor : Que... c'est effectivement ce que j'ai fait. Donc passé un certain point je me suis dit bon je mets entre parenthèses les efforts commerciaux sur le B2B quand bien même ma solution je l'ai, je sais qu'elle fonctionnerait si j'avais des clients mais je ne suis pas en mesure de convaincre suffisamment d'entreprises et je me reconcentre sur le marché B2C donc c'est ce que j'ai fait. J'ai un peu fait évoluer le produit mais globalement le coeur du produit était le même c'est à dire voilà on met la crypto en collatéral on obtient un financement on a une surveillance permanente du taux de collatéralisation, voilà. Donc là, le cœur reste exactement le même. Au niveau technique, on y reviendra un peu plus tard, il n'y a pas de différence. Au niveau contractuel, c'est assez proche aussi. Mais là, en France et en Europe, c'est absolument certain, et j'ai fait tous les efforts que j'ai pu pour trouver des exceptions, et j'ai mobilisé toutes mes connaissances pour essayer de voir s'il n'y avait pas des moyens de le faire un peu différemment, mais c'est clair que non. en France et en Europe, on ne peut pas prêter de l'argent à un particulier si on ne passe pas par une banque, une vraie banque, voilà. Donc on peut par contre être, on va dire courtier, donc pour le compte d'une banque, présenter des clients à la banque, s'occuper d'une partie de la négociation, s'occuper d'une partie de la documentation, et derrière un peu effectivement gérer le collatéral. Donc la gestion du collatéral ça ce n'est pas une activité qui relève du monopole des banques mais l'accord du prêt ça c'est une activité qui relève purement du monopole des banques donc en fait ce que j'ai dû faire à ce moment là ça a été de aller voir des banques pour leur pour les pitcher, leur présenter le projet et essayer de les convaincre de faire un partenariat ne serait-ce qu'en mode POC en fait voilà juste pour tester la solution avec quelques clients.
Terry : POC pour Proof of Concept.
Victor : Proof of Concept exactement. Parce qu'en fait moi j'avais déjà quelques clients. J'avais sans problème quelques clients, des gens qui étaient intéressés à titre personnel, qui dans certains cas venaient me voir d'eux-mêmes pour me dire qu'ils seraient intéressés par ce produit. J'ai même parlé à des personnes qui étaient dans des situations personnelles assez compliquées, dans le sens où elles avaient beaucoup de cryptomonnaies mais très peu de fonds en euros et avaient véritablement besoin d'une solution de financement. en mettant leurs crypto-monnaies en collatéral parce qu'on est en France et ma conclusion sur la culture française c'est qu'on n'aime pas payer les impôts et on aime bien optimiser son patrimoine. On aime bien trouver les moyens pour optimiser son patrimoine. Donc tout le monde a envie de trouver les moyens pour payer un peu moins d'impôts tout en réalisant la valeur de son patrimoine. et donc pour ça je suis allé voir un certain nombre de banques je suis allé voir pratiquement on va dire de manière directe ou indirecte toutes les toutes les banques qui sont actives en france et donc je représentais le projet et au fur et à mesure que j'avais le retour j'ai encore affiné ma présentation pour couvrir absolument tous les possibles problèmes qui pourraient être identifiés donc j'ai clarifié les les problématiques comptables, évidemment contractuelles, les problématiques prudentielles, c'est-à-dire ce qu'on appelle la consommation de fonds propres, parce que quand une banque prête, elle consomme des fonds propres, donc elle doit mettre de côté des fonds propres qu'elle possède, donc son propre capital pour un certain ratio du prêt.
Terry : Et elle doit en remettre d'ailleurs, d'autant plus depuis la crise des subprimes, pour éviter justement des faillites de banques où ce qui se passe c'est que les.
Victor : Prêts sont accordés de manière un peu trop rapide.
Terry : C'est ça, et derrière les banques elles ont plus les liquidités et quand les personnes veulent leurs liquidités, elles se retrouvent capitaux.
Victor : Et alors le monde bancaire est quand même très très réglementé, donc quoi qu'en disent les critiques de la finance, Les règles auxquelles les banques doivent se conformer sont très très nombreuses et en fait ce qui est intéressant c'est de voir que dans les banques il y a une culture de la conformité qui est vraiment très développée. Donc si on compare ça au milieu des startups c'est vraiment deux mondes complètement différents. Et en fait, une banque en France ne peut pas lancer un nouveau produit sans que ça passe par un grand nombre d'interlocuteurs en interne. Donc il y a évidemment le juridique, il y a aussi la conformité, et notamment sur les questions de conformité, j'étais très souvent challengé sur le risque de blanchiment qui était associé aux crypto-monnaies, même si moi j'ai toujours considéré que ce risque-là, il est à la fois limité et complètement gérable. Donc on a les outils pour limiter ce risque-là de blanchiment. Pour préciser c'est imaginons que quelqu'un vienne voir la banque pour faire un prêt collatéralisé et en fait la crypto monnaie qu'elle veut mettre en collatéral elle a été transférée par quelqu'un qui est associé à un terroriste ou à une plateforme complètement illégale et ça en fait on a des outils qui sont très efficaces pour repérer ce genre de situation donc en fait on peut les bloquer ou.
Terry : Et ce qu'on entend souvent, juste pour faire le parallèle, c'est l'acronyme anglais qui est Know Your Customer, le KYC, qui fait référence exactement à ce que tu es en train de décrire.
Victor : Et ça, pour le coup, peut-être qu'on y reviendra un peu après, mais pour tout projet dans la fintech ou dans la crypto en général, dès lors qu'il y a un soupçon d'activité réglementée, faire de la KYC est quasiment systématiquement indispensable. Et la KYC, c'est un coût, évidemment, c'est des procédures à mettre en place qui doivent être très carrées, c'est une responsabilité, parce que si on la fait mal, on peut être sanctionné à terme par les régulateurs, et c'est une vraie responsabilité également par rapport à ses propres utilisateurs, parce qu'on va stocker leurs données personnelles. Donc voilà, comment on les stocke, comment on garantit que seulement les bonnes personnes y auront accès, comment on les supprime, passer un certain temps si les clients ne sont plus actifs. Et voilà, donc ça c'est des questions fondamentales à se poser quand on est entrepreneur dans ces domaines là. Et c'est pour le coup très très technique et un bon système d'information à ce niveau là est indispensable.
Terry : Du coup, si je devais un peu résumer quand tu as fait un petit pivot, on va dire en tout cas tu t'es dit bon mon marché il n'est pas vers les entreprises, il n'est pas en business to business, il est plutôt vers les clients particuliers donc en business to consumer. Tu as commencé à réaliser que du coup toi en tant qu'indépendant tu ne pouvais pas légalement aller prêter en utilisant leur crypto en collatéral, il fallait que tu t'associes du coup avec une banque qui légalement peut faire ça. donc tu allais parler à toutes les banques globalement de la place en France et la problématique principale à laquelle tu as été confronté c'est le temps.
Victor : Exactement, c'est exactement ça en fait je suis à peu près certain maintenant que ce modèle là finira par se développer en tout cas en France et en Europe d'ici un, deux, peut-être trois ans alors ça dépend si on est optimiste ou si on est un peu plus réaliste mais les banques bougent lentement culturellement. Ma théorie là-dessus maintenant c'est que les banques gagnent trop d'argent donc c'est très bien pour elles mais elles sont très rentables. Le métier de banquier c'est un métier qui est quand même très rentable. Les grandes banques françaises gagnent plusieurs milliards en profit par an et en fait quand on leur propose un nouveau produit Qu'est-ce que ça va vraiment leur apporter ? Elles gagnent tellement en faisant leur métier classique que lancer un nouveau produit très innovant qui va peut-être, dans le meilleur des cas, faire rentrer quelques milliers de clients par an, Bah en fait, pour elle, en termes de profit, ça n'a pratiquement rien à leur apporter, sauf si ça se développe extrêmement bien. Et c'est pour ça que, passé un certain point, j'en suis venu à présenter ça comme presque plus une initiative de marketing de la part de la banque ou une technique pour accueillir une nouvelle clientèle. Voilà.
Terry : C'est intéressant ce que tu dis, le fait que tu es axé sur la fin de la présentation plutôt en lead generation, en capacité du coup à aller vendre la banque en disant on propose ce service, venez chez nous. Parce qu'en fin de compte la banque elle ou elle fait de l'argent ça va pas être sur ce nouveau service mais plutôt sur ces services.
Victor : Elles sont déjà tellement rentables sur leur cœur de métier que lancer des services un peu innovants et annexes c'est pas forcément indispensable. Alors on peut nuancer ça quand même en voyant que toutes les grandes banques aujourd'hui ont développé de la banque en ligne, de la banque sur téléphone portable, ont fait des partenariats voire ont racheté beaucoup de néobanques. Et en fait, ce qu'on constate, c'est que dans beaucoup de cas, ces projets ne sont pas rentables. Typiquement, on a vu Orange Bank qui est en train d'être vendu parce que Orange Bank n'est pas rentable, Boursorama qui a mis des années et des années à arriver ne serait-ce qu'à l'équilibre. Ce n'est pas quelque chose qui rapporte de l'argent aux banques, mais par contre, ça leur permet d'une part de rajeunir leur image, ça leur permet de mettre la main sur une approche technologique différente de leur approche un peu legacy, qui est, il faut bien le dire, assez archaïque. Alors, je n'ai pas jamais vu ça de mes yeux, mais tous les témoignages que j'ai, c'est que les systèmes d'information des grandes banques, en France et même un peu dans le monde, sont quand même en grande partie conçus sur la base de langage de programmation des années 80 ou 90 et dans certains cas tournent encore sur des serveurs voilà de manière complètement archaïque donc évidemment si elles peuvent acquérir des technologies ou avec des lignes de code beaucoup plus contemporaines et des architectures sur le cloud on peut faire tourner un service comparable ça les intéresse mais c'est pas rentable pour elle c'est pas encore rentable pour elle ça pourra peut-être le devenir à l'avenir donc on n'y est pas encore donc clairement pour une banque en fait innover c'est plus une question de marketing que véritablement une question de profitabilité voilà.
Terry : Hyper intéressant et c'est vrai que j'avais pas pensé à ce prisme là et c'est hyper pertinent ce que tu dis et ça fait sens en plus donc tu as parlé du coup des technos actuels sur lesquels les systèmes bancaires tournent en parlant aussi des technos plus récentes du coup l'innovation donc ça me fait une parfaite transition pour parler concrètement du produit même s'il n'était pas hyper technologique le produit donc le service que tu proposais il est très clair je pense que ça fait une demi-heure qu'on en parle je pense que les gens ont bien compris mais du coup ce service sur quoi est-ce que tu t'appuyais en tout cas où tu avais envisagé de t'appuyer pour pouvoir le fournir de manière la plus fluide possible ?
Victor : Au début, évidemment, j'avais le prisme de la startup qui doit avoir un débouché technologique visible pour l'utilisateur, c'est-à-dire une interface, un parcours d'onboarding où on met son adresse mail, on met sa pièce d'identité, on a accès à un joli dashboard, on clique sur des boutons et ça fait des effets. Ça, je me suis rendu compte assez vite que développer ça présentait un certain coût, évidemment. C'est tout à fait logique parce qu'il faut développer tout le back-end, le front-end, les interactions entre les deux, interfacer ça potentiellement avec d'autres systèmes d'information. Et je me suis rendu compte que ce n'était pas indispensable de développer tout ça avant d'avoir suffisamment de clients pour justifier l'investissement. Et j'ai vite compris qu'en fait je pouvais gérer manuellement un certain nombre de clients. Moi je me disais que jusqu'à environ une vingtaine de clients tout était gérable à la main sans problème voire probablement un peu plus. Et en fait dans ces conditions là, Créer une interface, ça peut être intéressant, mais ce n'est pas forcément le plus urgent. Je me disais que le plus urgent, c'était quand même le commercial et l'acquisition des clients et le lancement de la première itération du produit. Donc je me suis dit que j'allais faire passer au second plan le développement de la plateforme technique, on va dire. Mais pour moi, l'idée, évidemment, c'était d'avoir un peu comme des interfaces à la Conto, c'est-à-dire on a accès à un dashboard, on voit combien on a sur son compte, on voit quelle est la valeur actuelle du collatéral, quel est le taux de collatéralisation, est-ce qu'on est trop proche du plafond de la collatéralisation qui peut créer un risque de liquidation. et derrière avoir des petits boutons pour rajouter du collatéral, retirer du collatéral, des fonctionnalités en fait assez simples. En fait j'ai compris aussi que tout ça on n'avait pas forcément besoin d'un dashboard compliqué pour le développer, on pouvait juste au début en tout cas dans une première itération et et un proof of concept, avoir un bête tableau excel partagé, littéralement un google sheet partagé avec l'emprunteur et avoir dessus un récapitulatif en temps réel des informations importantes et puis voilà, et derrière un contrat, donc voilà. Le produit au début, pour le résumer, c'était un contrat qu'on signe sur DocuSign, assez simple. Une boîte mail pour envoyer le contrat et discuter derrière avec l'emprunteur. Un dashboard sur Google Sheets, donc un petit tableur pour récapituler les informations. Et évidemment, la partie crypto. et qui est la plus importante, parce qu'il faut que l'emprunteur transfère son collatéral en cryptomonnaie hors de son contrôle. Ça reste sa propriété mais il n'en a plus le contrôle. C'est le plus important parce qu'évidemment la cryptomonnaie peut être transférée partout et en permanence par toute personne qui détient ce qu'on appelle la clé privée associée à l'adresse publique sur laquelle la cryptomonnaie est présente. Donc dans ces conditions-là, en tant que prêteur, on ne peut pas tolérer le fait que son emprunteur conserve le contrôle total de la cryptomonnaie qu'il a mis en collatéral parce qu'il pourrait se faire hacker, il pourrait être un peu malhonnête et la transférer vers un autre compte sans en informer le prêteur. Donc en fait, ce qu'on faisait, c'est qu'on mettait cette cryptomonnaie-là en séquestre, donc sur un compte où bien s'aurait été auprès d'un intermédiaire habilité à conserver de la cryptomonnaie pour le compte de ses clients, donc ce qu'on appelle des PSAN, des entreprises qui sont régulées en France pour ce genre de services. ou bien ça aurait été sur ce qu'on appelle des portefeuilles multisignatures qui permettent en quelque sorte de mettre en séquestre de la cryptomonnaie sur une adresse en s'assurant que seule une collaboration entre le prêteur et l'emprunteur et potentiellement également un tiers qui permettrait d'être un peu l'arbitre entre les deux permettra de déplacer la cryptomonnaie. Et ça en fait, c'était un setup assez facile à mettre en place. Donc j'avais les outils sous la main pour le faire, qui sont des outils qui sont très utilisés dans l'écosystème, notamment de la finance décentralisée et des NFT, notamment ce qu'on appelle des Gnosis Safe. C'est une petite suite technologique assez basique pour créer des adresses multisignatures. et les gérer et ensuite ajouter autant de signataires qu'on veut pour contrôler l'adresse. Donc c'est très flexible, très souple, assez facile d'utilisation. Donc le projet initial c'était de mettre ça sur ce genre d'adresse pour d'une part garantir aux prêteurs que le collatéral n'allait pas être transféré n'importe où par l'emprunteur et d'autre part garantir à l'emprunteur qu'on n'est pas en train de faire n'importe quoi avec son collatéral parce qu'une grande partie des problèmes qu'on a eu en 2022 dans le marché crypto ont été causés par le fait que des intermédiaires assez opaques, donc on a eu évidemment FTX, on a eu avant ça Celsius et quelques autres, avaient tendance à réutiliser les cryptomonnaies appartenant à leurs clients sans le consentement des clients et sans véritablement les informer de tous les risques et aller ensuite les utiliser pour les investir ailleurs, les prêter à d'autres entreprises, spéculer même dans certains cas. Et quand ces comportements-là ont causé des pertes, les clients se sont retrouvés extrêmement lésés. Donc pour moi c'était très important et très intéressant au niveau commercial de pouvoir mettre en avant le fait que le collatéral de l'emprunteur sera toujours un endroit où l'emprunteur pourra le voir. Et comme la blockchain par définition est transparente, parce qu'on peut consulter sur des plateformes publiques et ouvertes le solde de n'importe quelle adresse, on a l'emprunteur à cette garantie que sa propriété est toujours au bon endroit.
Terry : Hyper clair et du coup le point donc sur un petit peu après là on reviendra brièvement sur les sujets des plateformes plus opaques et sur l'aspect régulation parce que même si on fera une petite aparté c'est un sujet intéressant notamment ce qui se passe en Europe aujourd'hui par rapport à ça mais du coup pour revenir sur le produit du coup comme tu l'expliquais au départ tu t'es dit un peu dans la logique effectivement startup il faut que j'ai une interface digitale etc mais très vite et ça je trouve que c'est un très bon point notamment pour l'aspect produit c'est que très vite tu t'es dit mais attends la proposition de valeur le vrai problème auquel je réponds c'est pas le fait d'avoir une interface super utilisable le vrai problème auquel je réponds c'est de permettre l'utilisation du coup de ces cryptos en collatéral et donc le coeur même si tu dis c'est très simple c'était simple parce que tu avais toutes les compétences pour le mettre en place pour quelqu'un qui les a pas c'est pas très simple Mais par contre en tout cas c'était ça le cœur de valeur, c'était pas l'interface, c'était effectivement de relier tout ça et de pouvoir ensuite aller voir des banques en leur disant voilà on peut faire ce setup ensemble. Et donc ouais, tu l'as pris donc par ce prisme. Par rapport du coup, donc après ce qu'on disait, ce qui t'as manqué c'est vraiment le temps au final.
Victor : Oui c'est le temps parce que en fait j'étais dans une situation où je ne pouvais pas lever des fonds sans avoir un POC et donc tout simplement avoir quelques métriques à montrer à des investisseurs en disant voilà j'ai trois clients pour tel montant ça me rapporte 5 euros de chiffre d'affaires par mois parce qu'on aurait été au début sur des chiffres absolument ridicules. Mais je pouvais pas, parce que c'était pas légal. Donc j'étais bloqué. J'avais deux choix, ou bien j'attendais pendant 6 mois, 9 mois, peut-être jusqu'à un an, et je continuais de relancer les banques jusqu'à un peu, par l'insistance, en trouver une qui serait prête à faire la première version du produit. ou bien je mettais ça entre parenthèses et je faisais autre chose en attendant que les banques s'ouvrent un peu par elles-mêmes. Voilà, donc c'est pour ça que je suis redevenu avocat et que j'ai mis le projet en sommeil. Mais pour moi, ça reste quelque chose qui pourra être relancé le jour venu, tout simplement parce que tous les outils, juridiques en tout cas, sont présents. Voilà, la base dont on a besoin pour lancer ce produit-là, si demain une banque est prête à avancer là dessus, elle existe et elle peut être déployée en quelques semaines. Voilà, c'est ça le plus important.
Terry : J'espère du coup que le message est passé, si jamais des banques écoutent, des responsables d'accélérateurs digitaux au sein de grandes banques, qu'ils contactent si jamais ils ont envie de développer un tel projet. Du coup, avant d'aller vraiment vers la fin de l'interview, j'aimerais aborder un peu le sujet de la législation autour aussi des cryptos, notamment d'Europe, parce que ce qui m'intéressait particulièrement avec ton retour d'expérience et avec aussi du coup ta formation et ton métier, c'est qu'on a quelque chose de très cadré autour, donc légal évidemment, et qu'aujourd'hui dans le monde des cryptos, il y a un peu de tout et n'importe quoi. Alors, je ne sais plus où j'allais passer, mais le gouvernement est en train de voter une loi pour justement un peu réguler. Alors, ça ne va pas taper directement sur ceux qui font de la crypto, mais ceux qui, on va dire...
Victor : Les influenceurs.
Terry : Les influenceurs ou en tout cas ceux qui font du marketing digital, mais personnel, pour essayer un peu de ne pas laisser faire n'importe quoi. Et donc toi t'as pris un angle très carré et c'est ça que je trouve très intéressant, c'est que du coup t'as un angle très... et puis pas spéculatif aussi, c'est-à-dire que c'est vraiment pas utilisé... enfin je vais pas refaire tout ce dont tu viens d'expliquer, je pense que ça transparaît que l'intérêt de ce projet ça reste quand même de ramener tout ça vers du réel, vers de l'utilisation pour de l'économie réelle. Donc toi avec ta casquette d'avocat et ce que tu vois aujourd'hui se passer autour du coup du monde des cryptos entre les Etats-Unis et l'Union Européenne, quel est ton regard et notamment par rapport au cadre juridique qu'il peut y avoir ?
Victor : C'Est de plus en plus régulé. Ça a toujours été régulé les cryptos, c'est-à-dire que même avant qu'on ait les premières lois, ça restait, on va dire, soumis aux droits, c'est-à-dire qu'on pouvait faire des contrats, on pouvait poursuivre des gens pour éventuellement... pour escroquerie ou pour arnaque, s'il y avait ce genre de comportement, on peut toujours le faire d'ailleurs, mais en plus de ça est venue s'ajouter depuis 4 à 5 ans une couche de réglementation très spécifique. En France, on a eu ce qu'on appelle la loi Pacte et la réglementation des PSAN, donc les prestataires de services sur actifs numériques, qui ont d'une part accordé un statut réglementaire aux acteurs qui sont des intermédiaires, ou bien qui conservent ou bien qui achètent et vendent des cryptomonnaies. Alors c'est pas encore un statut évidemment qui est aussi complexe que le statut de banque mais en fait on s'y dirige lentement mais sûrement. C'est quelque chose qu'on peut probablement regretter parce que ça va conduire à une concentration du marché tout simplement. De la même manière qu'aujourd'hui en France on a cinq grandes banques et une poignée de petites banques mais on a un marché qui est très concentré. Et la raison c'est que les coûts de conformité sont très importants. Chaque année on a des nouvelles règles à respecter pour tous les acteurs qui sont réglementés et cette conformité a un coût. qui conduit à de la concentration. Donc voilà, ça va conduire probablement à une concentration du marché et malheureusement l'état actuel des choses où les startups peuvent se lancer et peuvent acquérir de la clientèle en quelques mois avec une mise de départ assez limitée va peut-être un peu disparaître pour laisser sa place à quelques gros acteurs qui vont progressivement concentrer le marché, donc ça c'est un peu le côté négatif. Et c'est inévitable en fait parce que d'une part les enjeux financiers sont très importants et d'autre part parce que la crypto-monnaie a toujours été tournée ou en tout cas avant tout présentée de l'intérêt pour des investisseurs particuliers. Donc on a évidemment tous les exemples des personnes qui ont investi un peu tôt dans Bitcoin et Ethereum et qui maintenant ont des jolis plus-values. et que ça range, mais il y a surtout, au-delà de ça, énormément de gens qui n'étaient pas suffisamment formés sur les questions financières ou sur le sous-jacent, c'est-à-dire comment fonctionnent les crypto-monnaies, qui ont suivi des influenceurs ou des petits escrocs, qui ont mis de l'argent sur des projets qui ne valaient pratiquement rien, qui ont perdu cet argent-là, ou qui se sont lancés dans le trading sans avoir les compétences pour le faire. Ce risque de perte financière pour des particuliers est considéré par les régulateurs comme intolérable parce que la mission des régulateurs, notamment l'AMF, c'est de protéger l'épargne des Français. et on a la même problématique aux Etats-Unis avec la ICC, leur prisme c'est la protection de l'épargne. Donc quand on raisonne dans le cadre de ce prisme, on peut comprendre pourquoi il est indispensable de réguler de manière assez carrée la plus grande partie de l'écosystème crypto. Mais également en comprenant que tout n'est pas absolument régulé. Pour l'instant les projets NFT ne sont pratiquement pas régulés. Une partie de la finance est centralisée en dehors de la réglementation. Mais globalement ce qui est régulé c'est le rôle d'intermédiaire entre des clients et le monde de la crypto, c'est-à-dire ceux qui vont acheter ou vendre, ceux qui vont conserver, ceux qui vont fournir des services à des institutionnels qui ne sont pas des services purement techniques mais qui sont des services Voilà. Tous ceux qui servent un peu d'interface entre le monde crypto et l'économie traditionnelle ont probablement vocation à être régulés. Et derrière ça, donc il y a évidemment cette problématique de protection de l'épargne, mais il y a également une vraie problématique de lutte contre le blanchiment. Parce que, pour redire les choses, Bitcoin, à ses débuts, donc entre 2011 et 2013 à peu près, 2013-2014, a notamment grandi grâce à l'utilisation assez massive par le darknet et des plateformes qui vendaient des produits illégaux parce que c'était une valeur monétaire qui était très peu réglementée ou pas du tout réglementée et qu'on pouvait acheter et vendre sur des plateformes et donc on pouvait passer de l'un à l'autre assez facilement. Et c'est notamment pour ça que la réglementation est arrivée pour lutter contre le blanchiment qui passe par les cryptomonnaies. Donc maintenant on a des règles anti-blanchiment qui sont très claires, qui fonctionnent assez bien. Et il y a même eu des rapports des autorités internationales de lutte contre le blanchiment qui ont mis en évidence le fait que le secteur français des cryptos est vraiment un bon élève, donc fait bien son travail de lutte contre le blanchiment. Ces deux phénomènes qui se rejoignent font que les marchés cryptos, les intermédiaires et les acteurs vont avoir vocation à être de plus en plus réglementés. Pour en revenir à la question du produit, la conclusion est toute simple, c'est que comme pour la fintech, dans les années qui viennent, si on lance des projets, on lance d'une part le projet en ayant en tête le côté commercial, donc est-ce qu'il y a un besoin de la part des clients, le côté technique, c'est-à-dire comment est-ce que je construis le produit, est-ce qu'on peut le construire le produit, mais également le côté légal et réglementaire, c'est-à-dire est-ce que j'ai juste le droit de construire le produit que j'ai en tête, est-ce que j'ai le droit d'offrir ce service-là, de quel statut est-ce que j'ai besoin pour offrir un tel service, Et combien de temps ça me prend ? Qu'est-ce que ça me coûte ? Est-ce qu'il faut que j'embauche des spécialistes, notamment au niveau de la conformité, pour pouvoir avoir le droit de fournir un tel service ? Et en général, la réponse va être que oui. Et que, comme pour la fintech en fait, comme pour les néobanques, comme pour les projets qui font du buy-now-pay-later ou différents services de paiement pour les entreprises, la question réglementaire elle va être primordiale. C'est-à-dire qu'il faut, je pense idéalement, bon ça c'est le diéclopisme de l'avocat qui n'est pas forcément objectif, mais construire le produit autour d'une architecture réglementaire dont on sait dès le début qu'elle fonctionne. Si on fait l'inverse et qu'on essaie de faire rentrer dans la réglementation un produit qui a été conçu sans être vraiment conforme dès le début, on peut se retrouver dans des situations un peu compliquées où on doit modifier de manière assez radicale un produit qui est déjà existant pour le faire rentrer dans les clous alors que ça peut créer des frictions pour les utilisateurs et pour tout le développement que doit faire l'entreprise derrière.
Terry : Oui alors comme tu disais c'est aussi dit effectivement avec le prisme de l'avocat, juste moi pour apporter une petite nuance, ce que je dirais c'est que de base en fait il faut pas se dire je vais rentrer sur ce marché parce qu'il n'y a pas de réglementation et du coup je vais pouvoir y aller en mode pirate. Je pense qu'il faut plutôt se dire, faut pas non plus se brider complètement et se dire bah j'ai pas tout ce support juridique donc je vais pas essayer de le faire, plutôt y aller en de bonne foi et en se disant je vais tenter ça, je sais qu'il va y avoir ces problématiques juridiques et puis ensuite au fur et à mesure qu'elles arrivent ne pas se cacher et se dire et là chercher à y répondre.
Victor : Alors pour pour nuancer il y a encore plein de projets qu'on peut lancer dans le secteur des cryptos qui sont pas du tout réglementés donc qui peuvent être pour des gens notamment les entrepreneurs ou des jeunes passionnés qui veulent vraiment se lancer là dedans peut-être les meilleures portes d'entrée parce qu'on n'a pas cette contrainte juridique je pense en particulier à tout ce qui a trait à l'analyse de données, et ça c'est un marché qui se développe très bien, qui est très très utile notamment autour des NFT de la finance décentralisée, également des plateformes de trading, c'est-à-dire analyser de la donnée qui vient de la blockchain pour en tirer des conclusions et fournir de la valeur, ça c'est pas réglementé. Et ça, ça demande des compétences techniques très avancées, ça demande une très bonne compréhension du sujet, mais c'est pas réglementé. Pareil, fournir des services de conseil dans la création de smart contracts, ça c'est pas réglementé. Faire de l'audit de smart contracts ou de la cybersécurité c'est pas réglementé non plus. Donc toutes ces choses-là, si on veut vraiment se lancer et qu'on veut un peu lancer des projets mais sans pour autant avoir cette question de la réglementation, cette complexité, c'est des choses qu'on peut faire. On peut faire d'autres choses aussi, on peut faire des NFT, on peut faire on peut trouver des petites niches qui sont hors de la réglementation en tout cas pour l'instant notamment en finances décentralisées mais voilà on peut pas par contre demain créer le nouveau Binance et ne pas être réglementé comme Binance l'est actuellement.
Terry : Donc Binance pareil pour ceux qui sont pas du monde crypto c'est une plateforme d'exchange du coup d'extra monnaie.
Victor : C'est une bourse. Voilà c'est ça. Une espèce de bourse.
Terry : Très clair. Du coup, est-ce qu'il y aurait un sujet ou un point qu'on n'a pas abordé, que tu aurais aimé clarifier avant d'aller sur mes deux questions de fin d'échange ?
Victor : Non, je pense pas. Je pense qu'on a évoqué beaucoup de sujets. La question du produit, évidemment, dans mon cas, était assez simplifiée, mais c'était... Voilà. Ce que j'ai vraiment tiré de ça, c'est que le produit, ce n'est pas uniquement quelque chose de technologique. Le produit, c'est un ensemble de systèmes et de procédures et de relations humaines qui vont apporter une valeur à la fin. Et ce n'est pas uniquement cliquer sur un bouton et provoquer un changement dans une base de données.
Terry : Très clair et je partage totalement ce point de vue. Là j'ai mes deux questions un peu typiques. La première c'est est-ce qu'il y a un sujet sur lequel toi tu as des convictions assez fortes et quand on discute avec tes pères ou avec des personnes autour de toi en général tu es en désaccord ? Donc si tu veux un sujet assez clivant où de manière générale les gens te disent à un moment moi je suis pas du tout d'accord avec ça et toi t'en es convaincu.
Victor : Je dirais qu'il y en a deux mais là c'est presque plus un poil philosophique que purement business on va dire. Le premier c'est que quand on est dans l'écosystème des crypto-monnaies, pour moi, et qu'on développe des produits, qu'on est actif dans cet écosystème là, on ne doit pas perdre de vue qu'il y avait à l'origine un rêve, qui était le rêve de Satoshi Nakamoto, qu'il soit une personne ou plusieurs personnes, et des personnes qui lui ont succédé. Et ce rêve-là, c'était de créer des systèmes technologiques permettant à des particuliers de détenir une véritable souveraineté sur leurs finances personnelles, sans dépendre d'intermédiaires, sans être soumis à l'arbitraire des États, Et ça, c'est un rêve qu'on ne doit pas perdre de vue. Il y a énormément de projets aujourd'hui dans le secteur crypto qui sont avant tout tournés vers des institutionnels, vers des états, même dans certains cas, qui aident les états à appliquer leurs réglementations au secteur crypto. Moi, j'ai quand même envie de garder cet objectif-là en tête, qui est que ce qu'on fait, on le fait avec l'espoir, même si évidemment la réglementation a un énorme frein à ça et qu'on sait qu'on va sûrement perdre à la fin, mais quand même l'espoir de développer petit à petit un système résilient et fonctionnel qui permette à des gens d'échanger de la valeur sur Internet sans intermédiaire et sans contrainte. C'est un poil éclivant, mais moi je veux véritablement que l'Iranien, le Vénézuélien, voire peut-être même demain le Nord-Coréen, qui n'a rien à voir avec son gouvernement, donc son gouvernement peut être sanctionné, à vocation à l'être, mais les particuliers derrière devraient être en mesure d'accéder à un système financier international grâce aux cryptomonnaies. Donc c'est ça, c'est vraiment pour ce genre de personnes qu'on doit continuer à développer l'écosystème. Si on développe l'écosystème en les excluant par définition parce qu'on est soumis à des règles de conformité de plus en plus contraignantes, on manque une partie du projet. Voilà, ça c'était la première conviction. Et la deuxième conviction, elle le rejoint un peu, c'est... Je suis avocat, donc mon gagne-pain, c'est la réglementation, et notamment le droit français, un peu le droit européen, mais j'ai quand même l'impression que l'avenir, c'est que les réglementations nationales vont devenir de moins en moins pertinentes face au développement, évidemment, continu d'Internet, donc ça fait 30 ans qu'Internet se développe, donc c'est pas quelque chose qui est récent, Mais pour moi, le fait que des réglementations nationales qui ont vocation à s'appliquer dans des frontières régissent les comportements en ligne est de moins en moins logique et pertinent. Je ne sais pas quel sera l'échappatoire ou quelle sera la finalité. Mais il faut qu'à un moment, les législateurs et les régulateurs commencent à accepter qu'une partie des règles ne sont plus pertinentes par rapport à Internet en général, et qu'on peut voir se développer une espèce de zone, pas de non-droit, mais qui fait ses propres règles, mais qui n'est pas soumise à des règles de tel ou tel pays.
Terry : Hyper intéressant. Alors sur le deuxième point, j'ai difficilement un avis, alors même si je comprends la problématique des frontières dans le web, puisque en réalité il n'y en a pas dans le web, physiquement tu en as avec les câbles sous-marins et qui arrivent du coup aux frontières des pays, donc quand même tu restes, tu peux mettre en place et c'est comme ça que des pays...
Victor : Les câbles, les serveurs, effectivement il y a toujours...
Terry : Le fameux Cloud Act aux Etats-Unis, enfin il y a différents différents sujets à ce niveau là. Par contre sur le premier point, je partage le fait de ne pas oublier effectivement le but avant tout qui était du coup de permettre de désintermédiariser mais à un niveau conceptuellement, ça veut dire de pouvoir se passer des états. Alors là-dessus, je nuancerais mais en fait tu l'as fait toi, tu l'as nuancé puisque tu as pris des exemples des pays pour lesquels cette technologie a tout un intérêt, c'est-à-dire que quand tu as un gouvernement qui n'est pas du tout en fait en lien avec ce que la population est et que cette population veut sortir de dictature ou d'autocratie, là clairement c'est une technologie qui a tout son sens et effectivement si on peut aider nous dans nos démocraties à développer cette technologie en pensant à l'intérêt pour eux c'est vraiment idéal. Après là où je nuance c'est que moi français en démocratie j'ai pas envie de me passer de mon état. Mon état pour moi il apporte une certaine sécurité les lois, même si effectivement, comme tu le mentionnais en point 2, sur certains sujets, peut-être qu'elles vont au-delà des frontières, il y a quand même un certain nombre de sujets sur lesquels je suis bien content d'être dans une nation qui est une démocratie et qui a un cadre juridique sur lequel m'appuyer, et de ne pas être dans le Far West avec juste mon pistolet, quoi. Donc c'est vrai, voilà, juste pour nuire... Moi c'est mon imposition.
Victor : — On peut avoir. J'espère qu'on devrait pouvoir avoir les deux.
Terry : Ouais voilà, c'est ça, c'est plutôt ça que je voulais dire. Et donc le dernier point c'est est-ce que tu aurais des recommandations de lecture, podcast, articles, livres, que ça soit directement ou indirectement lié au sujet, des choses toi qui t'inspirent, même aussi dans ton métier d'avocat, un peu comment toi tu te nourris ?
Victor : Bah moi je suis accro à Twitter depuis très longtemps, donc j'ai envie de dire Twitter. plus que les autres réseaux sociaux, surtout dans le secteur crypto où il y a énormément de contenu, de valeurs sur Twitter, que ce soit en langue française ou en langue anglaise, surtout en langue anglaise, il faut être honnête. Il y a des gens qui créer du contenu de manière quotidienne qui est passionnant, que ce soit sur le trading, sur la technologie, sur les questions réglementaires, sur juste l'actualité d'une manière plus générale, sur des questions plus profondes et plus philosophiques ou stratégiques. C'est vraiment sur Twitter que ça se passe, en tout cas dans le cadre de l'écosystème crypto et donc la recommandation c'est Si vous voulez développer une compréhension de l'écosystème qui va au-delà de simplement de lire l'actualité et de comprendre un peu le fonctionnement de la blockchain, il faut vraiment aller là-dessus et commencer un peu à s'imprégner du discours et de la culture. Il y a un truc très important qui est que l'écosystème crypto, c'est une grande communauté, donc il y a un côté très culturel et très communautaire. Il y a des références communes, il y a des memes, il y a toute une culture qui s'est créée un peu essentiellement effectivement sur Twitter, pour dire les choses comme elles sont, et ça, ça a beaucoup de valeur. Et ça, c'est aussi quelque chose qui fait que si on ne participe pas un peu à ce discours-là, on ne sera jamais complètement mis sur un pied d'égalité avec les gens qui sont dedans. Voilà. Donc une partie de la crédibilité qu'on a aujourd'hui dans l'écosystème crypto, ce n'est pas uniquement son diplôme ou le nombre d'années d'expérience, mais c'est la capacité à s'engager dans cette communauté-là en partageant ou bien du contenu ou bien simplement ses pensées, son apprentissage, son opinion sur les choses du moment. Et il y a un point assez important, au niveau culturel qu'on appelle le building public, donc le fait de ne pas hésiter à partager son apprentissage et ses découvertes sur une base assez fréquente, et un peu impliquer les quelques personnes qui veulent bien nous suivre ou interagir avec nous dans notre propre progression. Et on a vu notamment dans cet écosystème-là des gens qui en quelques mois sont passés de débutants à extrêmement expérimentés et respectés sur des sujets assez techniques parce qu'ils y ont consacré un peu de temps, ils sont allés voir les bonnes ressources et surtout ils ont demandé de l'aide et les gens les ont orientés immédiatement vers les bonnes ressources. Et derrière, ces gens-là peuvent ensuite, par eux-mêmes, contribuer et apporter de la valeur. Donc il y a ce côté-là. Pour moi, vraiment, le côté communautaire est fondamental. Le côté communautaire fait qu'on transforme une sorte d'intérêt professionnel, de vocation professionnelle, en un peu une passion. Pas un mode de vie, c'est un peu exagéré, mais quand même, il y a quelque chose derrière. On n'aurait jamais ça, par exemple, dans le secteur bancaire ou dans les assurances. Tu ne trouveras jamais des salariés de banque ou des assureurs qui vont te dire, moi ce qui me passionne dans l'assurance c'est la communauté, c'est les échanges, c'est les gens que je rencontre. Non, c'est plus rare. C'est dans la tech mais c'est comme spécifique à la crypto-monnaie je trouve.
Terry : Ok, hyper intéressant. Du coup, je sais pas, t'as beaucoup de personnes que tu suis sur ton compte Twitter ?
Victor : Énormément, ouais. Trop pour toutes les mentionner, mais... Non.
Terry : Non, mais je mettrais dans les Roco, je mettrais ton hashtag Twitter, et puis les personnes peuvent aller suivre les mêmes personnes que tu suis, mais si t'en as 10 000, ça va prendre du temps avant de cliquer sur follow.
Victor : 3 000, mais... Ah oui, ok. Alors, dans l'asphère juridique, il y en a... Il y en a énormément, notamment des Américains, qui sont à la fois très intéressants et très avancés au niveau de la réflexion. Donc ça, que tes auditeurs n'hésitent pas à me contacter directement, je pourrais leur envoyer la liste. Et sinon, un peu en dehors de la sphère juridique, Il y a notamment des journalistes américains autour du média The Block qui sont vraiment passionnants, qui sont très actifs. Et on a quelques podcasteurs, que ce soit Laura Sheen sur Unchained Podcast, qui est l'un des plus anciens et des plus respectés. Il y avait quelques podcasts aussi, pas mal de fonds d'investissement ont lancé leurs podcasts également avec toujours beaucoup d'invités de grande qualité. Moi j'aimais beaucoup aussi le podcast de Kobi qui passait sur Twitch même s'il est un peu moins actif dernièrement où il invitait régulièrement des invités de premier plan et pour un peu discuter avec eux sans pression et sans avoir une liste de questions prépréparée. Et voilà. Après, Twitter apporte énormément de valeur, quel que soit. Il faut juste éviter de suivre les scammers et les gens qui veulent fourguer des NFT aux gens qui les suivent. Mais dès qu'on s'éloigne un peu de ça, on rentre dans quelque chose qui présente beaucoup de valeur.
Terry : Ok, super. Je mettrai tout ça dans les notes de l'épisode. Et puis, je te remercie encore pour ton temps, Victor.
Victor : C'était avec plaisir. Merci Terry.